Procès de Brigitte et Michel
COUR MUNICIPALE DE
MONTRÉAL
PROVINCE DE
QUÉBEC
DISTRICT DE
MONTRÉAL
Nos . 199.120-619 |
LA REINE |
199-120-676 |
Poursuivante |
199-120-932 |
|
199-120-601 |
c. |
199-120-957 |
|
199-125-360 |
MICHELE ANGERILLO |
199-125-287 |
MELANIE BOUCHARD |
199-125-329 |
SYLVIE BROSSEAU |
100-043-967 |
BRIGITTE CHESNEL |
199-120-593 |
DENIS CHESNEL |
199-120-650 |
STÉPHANIE LECOMPTE |
199-120-965 |
DANIEL RIOUX |
100-043-942 |
DANIELLE ROCHON |
199-120-940 |
Accusés |
199-125-279 |
|
100-060-458 |
|
100-060-953 |
|
199-125-303 |
|
199-125-345 |
|
JUGEMENT
……………………………………………………………………………………………………...
Me Normand Labelle
Me Bernard Corbeil
Me
Martin Joly
pour les accusés
199-120-619 Page 2
I LES ACCUSATIONS
[1] Dans ces
dossiers, les accusés : Michele Angerillo (199-120-619), Sylvie Brosseau
(199-120-601), Brigitte Chesnel (199-120-676), Denis Chesnel (199-120-957),
Daniel Rioux (199-120-932) sont accusés
d'avoir tenu une maison de débauche au 1090 boul. Rosemont en la ville de Montréal, commettant
ainsi un acte criminel prévu au par. 210(1) du Code criminel,
[2] Michele Angerillo (199-125-360), Brigitte Chesnel
(199-125-287) et Denis Chesnel (199-125-329)
sont accusés d'avoir tenu une maison de débauche au 11470 rue London à Montréal-Nord, commettant ainsi un acte criminel prévu
au par. 210(1) du Code criminel.
[3]
Mélanie Bouchard (100-043-967), Sylvie Brosseau (199-120-593), Brigitte Chesnel
(199-120-650), Denis Chesnel (199-120-965),
Stéphanie Lecompte (100-043-942) et Daniel Rioux
(199-120-940) doivent répondre à l'infraction d'avoir été trouvés sans excuse légitime dans une maison de débauche au 1090 boul.
Rosemont en la ville de Montréal, commettant ainsi une infraction prévue
à l'ai. 210(2)b) du Code criminel.
[4] Brigitte
Chesnel (199-125-279), Stéphanie Lecompte (100-060-458) et Daniel Rioux (100-060-953) doivent répondre à l'infraction d'avoir
été trouvés sans excuse légitime dans une maison de débauche au 11470 rue London à Montréal-Nord, commettant ainsi
une infraction prévue à l'al.
210(2)b) du Code criminel.
[5] Denis
Chesnel (199-125-303) et Danielle Rochon (199-125-345) doivent répondre à l'infraction en qualité de
propriétaire, locataire, occupant, agent ou en ayant autrement la charge ou le contrôle du local au
11470 rue London à Montréal-Nord, avoir permis que ce local ou une partie de ce local soit employé aux
fins d'une maison de débauche, commettant ainsi
une infraction prévue à l'al. 210(2)c) du Code criminel.
II QUESTIONS EN LITIGE
1)
Les actes sexuels
observés au 1090 boul. Rosemont et au 11470 rue London
étaient-ils des actes
de prostitution?
2)
Le 1090 boul.
Rosemont et le 11470 rue London étaient-ils des « endroits
publics »?
199-120-619
Page 3
3)
L'échangisme et les clubs d'échangistes
sont-ils légaux au Canada?
4)
Les actes sexuels
pratiqués au 1090 boul. Rosemont et au 11470 rue London
constituaient-ils des actes indécents?
5)
Le 1090 boul.
Rosemont et le 11470 rue London étaient-ils des maisons de
débauche?
6)
Les accusés
Michele Angerillo, Sylvie Brosseau, Brigitte Chesnel, Denis Chesnel
et Daniel Rioux
étaient-ils des tenanciers du local situé au 1090 boul. Rosemont?
7)
Les accusés Michele Angerillo, Brigitte
Chesnel et Denis Chesnel étaient-ils des
tenanciers du local situé au 11470 rue London?
8)
Denis Chesnel et
Danielle Rochon ont-ils commis l'infraction prévue à l'alinéa
210(2)c) du Code criminel?
9)
Mélanie Bouchard, Sylvie Brosseau,
Brigitte Chesnel, Denis Chesnel, Stéphanie
Lecompte et Daniel Rioux ont-ils commis
l'infraction d'avoir été trouvés sans excuse
légitime dans la maison de débauche du 1090 boul. Rosemont?
10)
Brigitte Chesnel, Stéphanie Lecompte et
Daniel Rioux ont-ils commis l'infraction
d'avoir été trouvés sans excuse légitime dans la maison de 11470 rue London?
III LES
FAITS
Le Tribunal considère comme prouvés les faits
suivants :
[6] À la suite
de plaintes reçues au Service de police de la Communauté urbaine de Montréal [ci-après S.P.C.U.M.], les enquêteurs chargés des
dossiers ont respectivement débuté leur enquête concernant deux maisons de débauche, l'une au 1090 boul. Rosemont
à Montréal et l'autre au 11470 rue London à Montréal-Nord.
[7] Comme
chacune des enquêtes fut menée séparément, l'exposé des faits sera traité en deux volets, chacun correspondant à l'adresse civique.
199-120-619 Page 4
A) Le
1090 boul. Rosemont
[8] Ce
local est situé au rez-de-chaussée d'un immeuble commercial, propriété de Denis
Chesnel. Antérieurement,
une plomberie était exploitée dans ce local qui est mitoyen avec un autre local utilisé comme un
commerce en extermination, exploité par Denis Chesnel. Sa fille, Brigitte Chesnel, travaille pour son père à ce commerce.
[9]
Denis Chesnel a prêté à sa fille Brigitte le local du 1090 boul. Rosemont pour
que cette dernière puisse y
tenir des soirées « pour gens libérés », soit un club d'échangistes. Ces soirées avaient lieu généralement
les vendredis, où la clientèle était constituée de célibataires et de couples, et les samedis où l'on
admettait essentiellement les couples. La clientèle était sollicitée par le biais de publicité apparaissant dans
les annonces classées du
Journal de Montréal (pièces P-8.1 et P-8.), dans la Revue Erosphère (pièce P-9) sur l'Internet (pièce P-10) et
par le bouche à oreille. De plus, un reportage intitulé « Les couples libérés se bousculent pour passer une
soirée au baisodrome de Brigitte et Michel » publié dans la revue Erosphère le 21 juillet 1999 (pièce P-7). M.
Denis Chesnel a fait imprimer et
distribuer des cartes d'affaires sur lesquelles on y lit les informations suivantes:
« Michel et Brigitte, Couples avertis. Disco,
chambres, salons....Réservations.
(514) 721-6542 et (514) 279-9111.»
Le tout est
complété par l'image d'une paire de lèvres.
Le numéro de téléphone (514) 279-9111
correspond au 1090 boul. Rosemont.
[10] Quant aux
annonces publicitaires parues dans le Journal de Montréal, elles étaient à peu près au même effet que celle publiée le vendredi
19 novembre 1999, dans la section des annonces
classées, sous la rubrique n°. 339 intitulée « activités pour adultes »,
laquelle se lisait comme suit :
« Soirée PRIVÉE vend. :
couples / célibataires sam: couples, spa +++ les soirées les plus occupées à
MTL., Brigitte/Michel 514-279-9111. »
[11] II
est à noter que l'adresse du local de la rue Rosemont n'apparaissait pas à
l'annonce. Ainsi, les
personnes intéressées devaient appeler au numéro de téléphone indiqué. Une réceptionniste prenait l'appel et donnait certains
renseignements de base, soit, que les clients
devaient apporter une serviette et, si désiré, ils pouvaient apporter leur
propre
199-120-619 Page 5
boisson, y compris des boissons
alcoolisées, les heures d'ouverture, le type de soirée prévue (les vendredis
pour les couples et célibataires et les samedis pour les couples seulement) ainsi
que les tarifs exigés à l'entrée, de même que l'adresse civique. Si le client était intéressé,
il donnait les prénoms des membres du couple, ou le sien s'il était célibataire, ainsi
que l'heure estimée de l'arrivée.
[12] Les frais d'admission s'établissaient à 75 $
pour un homme célibataire et variaient de 30 $ à 50 $ pour un couple
selon la soirée. Dans le cas des femmes célibataires, l'entrée était gratuite. Selon
l'accusée Brigitte Chesnel, si un homme ou un couple avait refusé de payer les frais
d'admission, l'entrée dans le local lui aurait été refusée. Il est arrivé de façon
exceptionnelle qu'on ait accepté sans frais des hommes ou couples, surtout
dans le cas où ceux-ci s'étaient préalablement présentés au local de la rue London et
vu le petit nombre de participants à cet endroit, avaient choisi le transfert au local
du boul. Rosemont, soit à leur demande ou à la suggestion des responsables du local sur la rue
London.
[13] À l'extérieur du 1090 boul. Rosemont, il n'y
avait pas d'annonce ou signe distinctif qui indiquait le genre
d'activités qui s'y tenaient. L'entrée était constituée d'une porte vitrée, mais rendue
opaque, de telle sorte qu'on ne voyait pas l'intérieur du local. Généralement cette porte était
verrouillée et on devait sonner pour demander l'accès à l'intérieur.
[14] Le local comprenait deux principales zones.
La première était près de la porte d'entrée et était constituée de
trois pièces. Il y avait une petite pièce meublée d'un bureau, un vestiaire et une
autre pièce aménagée à l'image d'une discothèque. C'est à l'intérieur de la petite pièce à
l'entrée que se tenait la réceptionniste et que les frais d'admission étaient
acquittés. Sur identification des arrivants, la réceptionniste vérifiait dans
un registre la liste des réservations et cochait les noms de ces personnes. Des renseignements
sur les règles à suivre étaient offerts aux néophytes et la réceptionniste répondait aux
questions, s'il y avait lieu. Aucune question n'était posée aux clients sur leur connaissance
des règles qui régissent habituellement les échangistes, ni s'ils étaient des adhérents à
cette philosophie. Cette pièce était isolée du reste du local par une seconde
porte opaque. Donc en pratique, un badaud qui serait entré par inadvertance au 1090
boul. Rosemont ne risquait pas de se retrouver dans un local où on y pratiquait des
activités sexuelles, puisque dans un premier temps, il se serait trouvé
dans cette « pièce tampon ».
[15] La traversée de la deuxième porte
permettait d'entrer dans une pièce aménagée à l'image d'une discothèque,
c'est-à-dire où il y avait un bar où l'on servait les boissons alcooliques que
les clients avaient apportées, une piste de danse, un système de son et les
services
199-120-619 Page 6
d'un animateur (disc-jockey). Dans cette pièce,
généralement les personnes restaient habillées et, certaines d'entre elles fraternisaient.
À certaines occasions, les services professionnels d'une danseuse nue étaient
retenus, laquelle quittait le local après sa prestation. Vers minuit, un léger goûter était servi.
[16] La deuxième zone du local était composée de plusieurs pièces. Les
deux zones étaient séparées par un
seuil psychologique, c'est-à-dire, que dans la première zone près de la porte principale, il n'y avait pas
de tapis comme c'était le cas dans toutes les pièces de la deuxième zone. On retrouvait dans
ce secteur, des salles de toilettes, des douches, deux salles communes meublées de fauteuils et d'un
téléviseur, une grande pièce où il y avait un bain tourbillon accessible à toute la clientèle
lequel était installé sur un promontoire, un long corridor où il y avait quelques divans ainsi que 5 chambres. Dans
chacune de ces chambres, il y avait des
matelas disposés à même le sol. II n'y avait pas de porte à la plupart de ces pièces, nommément les chambres et
lorsqu'il y en avait, elles restaient ouvertes.
Pour les clients qui voulaient s'isoler moyennant un supplément, une des chambres pouvait être louée. Selon les livres
comptables saisis, cette chambre a été rarement
louée. Ainsi, à toutes fins utiles, toutes ces pièces constituaient un lieu
commun où la clientèle pouvait y
circuler à sa guise et était en mesure d'y voir ce qui s'y déroulait.
[17] Le 22
février 1998, vers 5 h 15, deux policiers de la S.P.C.U.M., suite à
l'observation d'un va-et-vient à cette
adresse, décidèrent d'entrer dans le local du 1090 Rosemont. Ils virent les installations ci-dessus décrites et
constatèrent qu'il y avait six personnes incluant les responsables des lieux. Suite à leurs
constatations, ils rédigèrent un rapport intitulé Tenue d'une maison de débauche ou « after hour » (pièce P-1) et le transmirent à la Section Moralité Nord du S.P.C.U.M.
[18] En date du 23 février 1998, suite à un appel pour introduction
par effraction, un policier se rendit au 1090 boul. Rosemont et y fit les mêmes
constatations que ses deux collègues. Il compléta un rapport pour la Section
moralité intitulé « 1090 Rosemont: Info. Moralité : maison de débauche » (pièce
P-3).
[19] En date du
21 mars 1998, un autre policier se rendit à la même adresse pour une plainte de
bruit et après avoir visité les lieux, compléta un rapport à être transmis à la
Section moralité du S.P.C.U.M. lequel à la
case « genre de lieux » indiquait « Club couples libertins » (pièce P-4).
199-120-619 Page 7
[20] Suite à une plainte adressée à M. Pierre
Bourque, maire de la Ville de Montréal, (pièce P‑6.1), le
sergent Hélène Fiset débuta son enquête au cours du mois d'août 1999. Des extraits
d'annonces du Journal de Montréal furent accumulés et six visites par des
policiers agissant comme agents doubles furent effectuées aux dates suivantes :
- 20 août 1999
- 3 septembre 1999
- 8 octobre 1999
- 22 octobre 1999
- 7 novembre 1999
- 19 novembre 1999
[21] Les rapports faisant état de leurs
observations à chacune de ces dates furent admis en preuve et déposés
respectivement sous les côtes P-11, P-12, P-13, P-14, P-15, P-16 et P‑17. À
chacune de ces visites, aucun mineur n'y fut aperçu sur les lieux. Également,
il n'y a jamais eu de consommation de drogue qui y fut observée ni de désordre,
bataille ou de personnes ivres.
[22] Bien que le Tribunal n'ait l'intention de
reprendre chacune des observations des agents doubles, il lui apparaît utile
d'illustrer, à l'aide de faits, les activités sexuelles qui se déroulaient à cet
endroit afin de bien définir le contexte factuel.
[23] Une première visite fut effectuée par le
constable Demers en date du 20 août 1999. Selon son rapport, il se présenta au
local sans réservation vers 22 h 30. Il fut accueilli par une dame qui l'avisa
que la prochaine fois, il devra faire une réservation. Il paya son droit d'entrée et
pénétra à l'intérieur. Il observa un attroupement de 7 à 8 hommes à l'intérieur
d'une pièce ainsi qu'une femme qui embrassait tous les hommes sur son
passage et certains la caressaient en retour. Cette dernière se mettait à genoux et
faisait des fellations à des hommes qui avaient sorti leur sexe de leur pantalon. En quelques
secondes, 12 à 15 hommes se sont entassés dans cette pièce et la plupart se faisaient
faire une fellation. À ce moment, il entendit des gémissements. Les hommes étaient tous habillés,
mais leur pénis sortait de leur pantalon. Cette observation dura environ 10 minutes.
[24] Plus tard, dans le bain tourbillon, il
remarqua une femme nue avec quatre hommes dont deux la caressaient un
peu partout sur le corps incluant les seins et le pubis. Un des deux hommes qui
regardait la scène se masturbait. Un couple assis sur un divan face à eux, observait les
activités sexuelles du groupe. Ensuite, dans une autre pièce, il vit 3 femmes
199-120-619 Page 8
avec environ 12 à 15 hommes. Une des
femmes debout se faisait faire l'amour oral (cunnilingus) par un
homme pendant qu'un autre la tenait de l'arrière. Les personnes qui passaient près
d'elle pouvaient lui caresser les seins sans opposition. Un peu plus tard, les mêmes femmes
étaient couchées sur des matelas et les personnes qui entraient à l'intérieur de la
pièce pouvaient participer à ce que le constable qualifie d'orgie. La plupart des personnes sur
les matelas étaient nues ou presque. À un certain moment, selon le rapport du
constable, ils étaient environ 4 à 6 hommes auprès de chacune des femmes. D'autres hommes
nus, assis près de cette scène, se masturbaient. Le tout se déroulait devant de nombreux
curieux qui assistaient aux diverses activités sexuelles, notamment de pénétrations,
des fellations et des cunnilingus. Le constable Demers estime qu'au plus fort de la soirée,
il y avait au moins 60 personnes dont une quinzaine de femmes.
[25] Le nombre des personnes présentes par soir
variait selon les soirées. Ainsi, il a atteint le chiffre de 93 personnes
pour un samedi soir [46 couples et 1 célibataire] (pièce P-20.7 et notes
sténographiques du 27 mars 2002, page 180).
[26] Le 3 septembre 1999, suite à une
réservation, les agents doubles Fiset et Therrien, jouant le rôle d'un couple, se
présentèrent au local vers 23 h 30 où ils furent accueillis par Mme Brigitte Chesnel à
qui ils payèrent le droit d'entrée. Cette dernière les invita à visiter et,
s'ils avaient des questions, à revenir la voir, elle y répondrait. Quelques
minutes plus tard, ils assistèrent à un spectacle d'une danseuse nue puis observèrent différentes
activités sexuelles de groupe décrites en détail dans le rapport déposé sous la
cote P-12. Notamment, ils aperçurent une femme et quatre hommes accomplissant des masturbations, fellations,
pénétrations, pénétrations avec les doigts, se caressant les parties génitales,
etc. À plusieurs occasions durant la soirée, des scènes semblables se répétèrent à
différents endroits et avec d'autres participants et spectateurs voyeurs.
[27] Lors de la visite du 8 octobre 1999, les
mêmes agents doubles se présentèrent au local vers 23 h 30. M.
Michele Angerillo assurait la réception. Après avoir payé leur droit d'entrée, ils
observèrent essentiellement les même activités sexuelles, en groupe ou en couple, que lors
de leur visite précédente. Seuls les scénarios, les participants ainsi que les spectateurs
voyeurs changeaient. Ils estimèrent le nombre de personnes présentes sur les lieux à
environ 35 à 40 personnes dont 10 femmes. La description détaillée de leurs
observations se retrouve dans le rapport déposé en preuve sous la cote P-13.
199-120-619 Page 9
[28]
Les 22 octobre et 7 novembre 1999, les même agents doubles se rendirent au
local. Le constable
Therrien s'y présenta également le 19 novembre 1999, mais à cette occasion, il était seul. Le même modus
operandi s'enclencha. Cependant, certaines activités sexuelles furent captées sur vidéocassette. Ces
dernières furent visionnées par le Tribunal et déposées en preuve sous les cotes P-14.1. P-15 et P-16.1.
[29] Lors
de ses visites, le sergent Fiset constata qu'aucune mesure particulière
d'hygiène n'était prise. À
titre d'exemple, elle mentionne que le condom était très peu utilisé, que rien n'incitait les gens à l'utiliser,
que les participants se promenaient d'une personne à l'autre sans passer par la toilette et que
des hommes ont éjaculé dans le bain tourbillon lors d'activités sexuelles de groupe.
[30] La preuve démontre que Mme Brigitte Chesnel a investi
au moins 130 000 $ pour effectuer des rénovations au
local de la rue Rosemont (notes sténographiques du 23 mai 2002, page 9), laquelle somme elle a empruntée de son
père Denis Chesnel. Les droits d'entrée étaient substantiels et Mme Chesnel admet qu'ils couvraient
toutes les dépenses encourues (l'entretien général, le ménage, la
buanderie, l'entretien du Spa, l'achat de produits, les buffets, le salaire des
employés, le loyer, les intérêts du prêt, la musique et l'achat des films) en plus de permettre le remboursement
graduel du capital emprunté. À titre d'exemple,
une seule soirée pouvait rapporter jusqu'à 2 355 $ (notes sténographiques du 23 mai
2002, page 194).
[31] Brigitte Chesnel, bien qu'elle soit une adepte de l'échangisme,
reconnaît qu'elle n'a jamais elle-même
participé à une soirée qu'elle a organisée au 1090 Rosemont. Il en est ainsi aussi pour son père Denis Chesnel. La preuve
démontre qu'il s'est souvent rendu à ce local, mais jamais il n'a
participé à des activités sexuelles. Tout au plus, il surveillait les lieux, circulait parmi la clientèle et faisait un
ménage sommaire en ramassant les bouteilles vides. Mme Chesnel reconnaît également qu'il n'existait
aucune vérification du passé sexuel ou
toxicologique auprès de la clientèle et bien que le port du condom était
souhaité, elle ne s'immisçait pas dans le choix de ses clients et ne
s'interposait pas si ceux-ci avaient des
relations sexuelles complètes sans porter de condom. Elle avait à sa
disposition des condoms et pouvait en donner à ceux qui lui en
demandaient. Elle ne les laissait pas à la
vue des clients, car l'expérience a montré que certains en prenaient au-delà de
leurs besoins.
199-120-619 Page 10
B) Le 11470 London
[32]
Le 11470 London est une maison d'habitation juxtaposée, propriété de Danielle
Rochon et Denis Chesnel, située dans un quartier
résidentiel. Au moment de son acquisition, le couple
Rochon-Chesnel l'a habitée comme résidence principale. Puis, suite à une séparation,
le couple quitte les lieux.
[33] Cette
maison comprend trois niveaux; au sous-sol on retrouvait une pièce aménagée à l'image d'une discothèque, soit un
bar, une piste de danse, un système de son, un grand bain tourbillon accessible à la clientèle avec,
tout près, deux matelas étendus sur le plancher. Il y avait également un petit salon avec une télévision qui
syntonisait un canal de films qualifiés
de « pornographiques » par l'agent double et plusieurs divans. Au second niveau
(rez-de-chaussée), il y avait une pièce à aire ouverte où des matelas étaient étendus à même le sol, deux causeuses, une
télévision qui syntonisait le même canal qu'au sous-sol. Au troisième niveau,
on retrouvait trois chambres avec plusieurs matelas
au sol et un lit II n'y avait pas de linge dans le garde-robes, ni de
nourriture dans les armoires de la
cuisine. Aux dates pertinentes, clairement ce local n'était pas « habité » dans le sens usuel du terme. Il servait
essentiellement comme endroit où se déroulaient des activités sexuelles du même type que celles ci-dessus décrites pour
le 1090 Rosemont, bien que la clientèle
fut moins nombreuse.
[34] Suite à une plainte d'un voisin, le sergent Gallant du S.P.C.U.M.
a débuté une enquête au cours du mois
d'octobre 1999. À cette fin, il a observé l'endroit en soirée et à plusieurs reprises y a constaté un va-et-vient de plusieurs
personnes. Puis, des visites ont été effectuées par des policiers
agissant comme agents doubles aux dates suivantes :
- 13
novembre 1999
- 27
novembre 1999
- 4
décembre 1999
[35] C'est
par le truchement de publicités, notamment des annonces classées du Journal de Montréal (pièces P-8.2, P-28.2 à
P-28.11), un site Internet (pièce P-30), de cartes d'affaires (pièces P-34 et P-36), ainsi que la
publicité apparaissant dans la revue Playsir (pièce P-43), qu'on invitait les gens à participer à des soirées au cours
desquelles des activités sexuelles de toutes sortes se déroulaient.
199-120-619 Page 11
[36] Afin de prendre part à ces soirées, les
participants, essentiellement des couples, devaient réserver et payer un prix d'entrée. À leur arrivée, les clients étaient
accueillis par un hôte qui assurait
la réception en vérifiant sur la liste des réservations, procédait à la
perception des sommes dues et disposait des manteaux et des boissons
alcooliques que la clientèle apportait
sur place. Durant la soirée, des activités sexuelles avaient lieu en couple et
en groupe, allant du voyeurisme aux
attouchements des parties génitales, fellations, cunnilingus jusqu'aux
pénétrations. Ces activités sexuelles ont été décrites avec détails lors du témoignage d'un des agents doubles, dont
certaines furent captées par une caméra
dissimulée et visionnées par le Tribunal. Selon ses observations, aucun condom
n'a été utilisé à ce moment. Les rapports policiers dépeignant ces faits furent
déposés en preuve (pièces P-45 et P-46), ainsi que la vidéocassette
(pièce P-44).
Bref, le même opus operandi (sic)
a été observé au 11470 rue London que celui observé pour le 1090Rosemont.
Le témoignage des experts
a) M. Claude Gauthier
[37] La défense a fait entendre 2
témoins que le Tribunal a reconnus comme experts. Le premier,
M. Claude Gauthier, vice-président de la maison, Centre de Recherche sur l'Opinion Publique [ci-après CROP],
titulaire d'une maîtrise en sociologie et spécialiste en évaluation
de l'opinion publique dans le domaine socio-politique. En l'instance, à la demande des accusés, il a réalisé un sondage pan-canadien et produit un
rapport intitulé Les clubs d'échangistes vus par la société canadienne
contemporaine (avril 2002) (pièce D‑7),
[38] La population visée par
l'étude était constituée de l'ensemble des résidents canadiens hors
institution, âgés de 18 ans et plus, à l'exclusion du Yukon, des Territoires du
Nord-Ouest et du Nunavit. Les 713 entrevues
ont été effectuées au téléphone.
[39] Bien que l'objet premier de
l'enquête était de déterminer le seuil de tolérance de la société canadienne
contemporaine face aux clubs d'échangistes, pour assurer une plus grande
précision aux résultats et bien positionner la question principale, une série
de questions relatives à la sexualité furent également posées. Ainsi, par
exemple, on a demandé aux sondés leur opinion
s'ils étaient importunés par le fait que certaines personnes fréquentent des clubs de danseuses ou danseurs nus, ont recours aux services d'une
prostituée dans
199-120-619 Page 12
la rue, ont recours aux services d'une ou d'un prostitué sur appel
téléphonique, louent des cassettes vidéo pornographiques, etc.
[40] Quant à la question
principale, afin de s'assurer que tous les répondants utilisaient la même définition
de l'expression « club d'échangistes », on leur a proposé une définition
précise dans les termes suivants :
« Définition d'un club d'échangistes :
Comme vous le savez peut-être, des adultes d'âge légal, avertis et consentants se retrouvent pour voir ou participer à des activités sexuelles
explicites en groupe dans un établissement prévu à cette fin, qui leur est réservé,
Ces activités se font à l'abri des regards du public ne désirant pas y
assister ou y participer. »
[41] Selon le rapport CROP (pièce
D-7) les faits saillants suivants se dégagent de l'enquête :
a)
Lorsque analysés dans leur ensemble,
les résultats montrent que 2 sous-groupes
affichent des tendances marquées, révélant une plus grande ouverture, une
plus
grande tolérance à l'égard des activités à
caractère sexuel que le reste de la
population, soit les Québécois et
les plus jeunes individus (âgés de 18 à 34 ans).
b)
Les répondants témoignent d'un
certain libéralisme à l'égard d'activités telles que
la
fréquentation de clubs
de danseurs(es) nus
et la location de vidéos
pornographiques mais sont plus réservés quant à la
prostitution. Par exemple, près
de deux répondants sur trois (65%) expriment une gêne
vis-à-vis de la prostitution
dans la rue.
c)
Après lecture de la définition d'un
club d'échangistes, (et ce, afin de mettre tous les
répondants à égalité) plus de la moitié de la population (53%) se déclare
peu ou
pas du tout dérangée par le fait que
d'autres adultes fréquentent ces clubs. Cette
proportion augmente à 61 % lorsque
l'on considère les individus ayant déjà entendu
parler de l'existence de ces clubs
et 67% des répondants connaissaient
préalablement l'existence de tels clubs.
d)
Au total, 57% des répondants disent
tolérer que d'autres adultes fréquentent les
clubs d'échangistes (définis de la même façon à
l'ensemble des répondants) ce qui
199-120-619 Page 13
permet de
conclure que le sondage indique que la majorité de la population adulte
canadienne contemporaine tolère l'existence des clubs d'échangistes pour
adultes avertis et consentants.
[42] Selon l'expert Gauthier, avec
un échantillon de cette taille et les pondérations reconnues en semblable matière, la marge d'erreur pour les résultats obtenus est de
3,7 points 19 fois sur 20.
[43] L'expert reconnaît que si l'on
change l'un ou l'autre des paramètres de la question posée, les résultats seront modifiés, il n'est pas possible de savoir précisément
à l'avance quel sera le résultat à la nouvelle
question modifiée et la seule façon de connaître vraiment l'effet de la modification est de reposer de nouveau la question aux sondés
ou à un autre échantillon de la population
canadienne.
[44] Ainsi, par exemple, si dans la
question principale du sondage on ajoutait à la définition de « club d'échangistes » le terme « lieu public », il ne peut pas dire
qu'elle serait la réponse des canadiens sur leur
seuil de tolérance au phénomène. À une question de l'avocat de la poursuite (notes sténographiques 27 mai 2002, page 78), il répond :
« Q. 215 Vous utilisez la notion
de lieu public à la question "b" (1 b). Si on revient à la définition du club d'échangistes à la page 10 de D-8, en aucun moment vous ne parlez de lieu public. Est-ce que si on incluait cet aspect-là de la
notion publique à l'intérieur de la question, est-ce que ça va changer les
résultats du sondage?
R Ma réponse, elle demeure la même, je le sais pas.
»
[45] Le témoin reconnaît que de
façon générale et dépendant du sujet, l'acceptation d'un concept par une majorité supérieure à 50%, pourrait être qualifiée de «
norme », si l'acceptation se situe de 60 à 70%
on peut la qualifier de « largement acceptée » et si l'acceptation est supérieure à 80% on peut la qualifier de « consensus ».
[46] Le témoin Gauthier reconnaît
que du fait de l'utilisation du mot « club » dans la question principale, en anglais « swinger club », les sondés comprenaient que les
activités sexuelles se déroulaient « en privé ». Ainsi, il répond à la question
de l'avocat des accusés Me Joly :
199-120-619 Page 14
« Q 614 Mais dans votre tête à
vous, cette définition-là correspondait à ... quand Me Labelle vous
a demandé si c'était privé ou public, dans votre tête à vous, c'était
privé, dans votre tête de sondeur.
R Cet
endroit-là?
Q615 Oui
R Décrit ici ? Oui, " établissement prévu à
cette fin qui leur est réservé, à l'abri
du regard du
public ne désirant pas y assister ou participer ", à mon avis, c'est privé. C'est privé. » (notes sténographiques du 27 mai 2002, page
194)
[47] Le témoin reconnaît que pour
les sondés, les gens qui sont membres d'un club d'échangistes
et qui se retrouvent entre eux dans un local, non seulement ils se rencontrent dans un contexte privé mais cela présuppose qu'ils se sont
connus avant ou vont apprendre à se connaître à force de fréquenter le
même club. Ainsi aux pages 175 et 176 des notes sténographiques, il s'exprime
ainsi :
« Q 552 Et donc, pour eux,
est-ce qu'il est raisonnable d'étirer l'élastique, si vous me permettez l'expression, jusqu'à dire ! Donc, ça se passe en privé, entre
eux autres, c'est leur affaire, c'est leur patente (sic) à eux autres et
puis...
R Oui...oui,
en étirant l'élastique, on peut se dire que les gens ont compris, en
tout cas, une bonne partie des gens ont pu comprendre que c'est des gens
qui font partie de...si tu vas dans un club, si tu participes à un club, donc,
tu as des affinités. Est-ce que ça veut dire que les gens ont compris que tout
le monde qui se rencontre là s'est déjà connu avant et puis il s'est créé un regroupement, comme un conventum de gens qui
aiment bien ça et puis qui se
regroupent ou bien des gens qui apprennent à se connaître ainsi, à force de fréquenter le même club? On peut aller dans des
clubs et puis...»
[48] Bref, du témoignage de
l'expert Gauthier, le Tribunal comprend qu'une majorité des canadiens (57%) tolère que d'autres adultes fréquentent des clubs
d'échangistes. De plus, pour eux, l'expression « club d'échangistes » telle
que définie au sondage signifie que les gens
qui se rencontrent dans un tel endroit, soit se connaissaient déjà ou se connaîtront
à force de fréquenter l'endroit. De plus, pour eux les échanges sexuels ont lieu en privé.
199-120-619 Page 15
[49] Le Tribunal comprend que ce
n'est pas la seule présence du mot « club » dans l'expression « club d'échangistes » qui fait dire à l'expert que les
Canadiens associent cette expression à un endroit
privé. C'est le concept dans son entité qui évoque chez les sondés la notion
d'un endroit privé. Ainsi par exemple, le témoin Gauthier considère que dans
l'expression « club de danseurs ou danseuses nus », bien que le mot « club »
est utilisé, cela réfère à un endroit public.
Ainsi, à une question du Tribunal (notes sténographiques du 27 mai 2002,
page 178), sur ce point il répond :
« R Oui. Oui. Par contre, si on prend
juste l'exemple...pour en finir avec le mot
club, quand on parle du club de danseurs ou danseuses nus, on s'aperçoit
que la très grande majorité des gens ont dit : " Bon, ça ne me dérange pas
là, l'existence de ça ", mais pour moi, c'est du
domaine..je crois que les gens associent ça à un club...on dit un club
de danseurs mais c'est quand même un
édifice, un endroit public, parce que tu vas...ce n'est pas à l'abri du regard
de tout le monde quand tu vas là. Tu vas là, tu paies, tu achètes ta bière, bon, et puis tu assistes au spectacle. Ça,
c'est un club qui, à mon avis, si on
me pose la question à moi, c'est un établissement public, comme aller au
cinéma, comme aller, bon...(inaudible) établissement public. »
Dr. Michel
Campbell
[50] La défense a fait témoigner un
deuxième témoin que le Tribunal a reconnu comme expert, soit
le Dr. Michel Campbell, docteur en psychologie et sexologue. Il s'agit du même témoin dont la Cour suprême du Canada dans l'arrêt R. c. Tremblay, [1993]
2 R.C.S. 932, avait jugé le témoignage pertinent pour permettre au juge
de déterminer quelle était la norme de
tolérance de la société canadienne. Ce témoin a produit un document intitulé : L'évolution
de la société canadienne eu égard aux valeurs sexuelles (mai 2002) (pièces D‑12 et D-12.1).
[51] De ce document, le Tribunal
retient les éléments suivants. À la page 4, le Dr. Campbell définit
l'échangisme de la façon suivante :
« L'échangisme est une pratique sexuelle caractérisée par le partage de son
conjoint ou de sa conjointe. Il s'agit donc d'un échange
temporaire de son ou sa conjointe dans le but d'avoir
une relation sexuelle avec le conjoint ou la conjointe de
l'autre (c'est-à-dire des relations extraconjugales consensuelles) Dans sa forme la plus large ou plus marginale, cette
pratique est caractérisée par le
partage de son conjoint ou de sa conjointe avec d'autres personnes.
199-120-619 Page 16
L'échangisme peut donc se pratiquer à trois, quatre ou plusieurs personnes.
Généralement l'échange se fait entre deux couples.
L'échangisme se pratique chez les couples
hétérosexuels et homosexuels. Le terme anglais pour l’échangisme est le "
swinging " ou " swaping ". »
[52] Puis à la page 78, il écrit :
« En résumé, l'échangisme est un mode de vie où les personnes privilégient la sexualité récréative, les libertés personnelles, l'amour et le plaisir.
Les échangistes sont généralement des individus dans la trentaine, bien scolarisés, financièrement à l'aise et souvent des professionnels. Sur le
plan psychologique, ils sont aussi stables que le commun
des mortels. Au Québec, il y aurait une trentaine de
clubs d'échangistes. »
[53] Lors de son témoignage, le Dr.
Campbell complète son rapport en y apportant des précisions ou des éléments nouveaux. Ainsi, il y aurait environ 300 clubs
d'échangistes en Amérique du Nord. Quant à
l'échangisme, ce n'est pas une pathologie, ni un problème ou un comportement antisocial, mais plutôt une pratique sexuelle, une
culture. Cependant, l'échangisme demeure un phénomène très
marginal puisqu'il n'y a que 5% des Canadiens qui s'y
sont adonnés une fois dans leur vie (notes sténographiques du 30 septembre 2002, page 48) et 1% seulement le pratique sur une base plus
ou moins régulière.
[54] Dans les clubs d'échangistes,
il y a des règles à suivre dont les principales sont : (notes sténographiques du 1er octobre 2002, pages 23 et 24) :
« Règle
1 : Soyez courtois
Règle 3 : Hygiène et propreté
Règle 4 : Respectez les sentiments des autres
Règle 5 : Ne soyez pas pressants
Règle 6 : Ne faites que ce qui vous apporte du plaisir
Règle 7 : Comment et pourquoi dire non
Règle 8 : Alcool et drogue,,, la plupart des gens d’entre nous ne font pas
usage de
drogues
même si certains boivent avec modération
Règle 9 Pratique le sexe sans risque:
Règle 10 : Amusez-vous »
Le témoin ajoute
que lors de la formation de petits groupes et afin d'éviter des difficultés ou conflits, d'autres règles plus précises et restrictives peuvent
s'ajouter telles que l'interdiction de la pénétration ou
du cunnilingus. De plus, il reconnaît que si l'on enlevait
199-120-619 Page 17
l'une
ou l'autre de ces règles, non seulement le seuil de tolérance des Canadiens baisserait, mais il baisserait de façon très significative. Il en serait
ainsi par exemple si on enlevait la prémisse qu'il faut être majeur
pour participer à de telles activités sexuelles.
[55] Selon le Dr. Campbell, le
seuil de tolérance des Canadiens variera aussi grandement selon leur compréhension qu'une activité sexuelle a lieu en public ou en
privé. Si c'est en public, le seuil de tolérance
baissera, et ce, très rapidement. Ainsi, à la question sur le seuil de tolérance selon que l'acte sexuel est en privé ou en public, il
répond (notes sténographiques du 1er
octobre 2002, page 12) :
« R Oui,
je pense qu'il varie grandement, je pense que les gens, ce qui est
considéré en privé pour eux autres,
ils sont très, très, très tolérants, beaucoup plus tolérants que dans un
contexte public par exemple.
Q19 Donc, quand c'est dans un contexte public, la tolérance, le seuil de
tolérance
diminue grandement?
R Diminue, oui. »
[56] II en est de même pour les
conditions de sécurité, d'hygiène, de la propagation des maladies vénériennes et
caetera. Plus ces éléments seront relâchés ou absents, moins les Canadiens seront tolérants face aux échanges
sexuels d'échangistes (notes sténographiques
du 1er octobre 2002, page 12 in fine).
[57] Quant à la définition de «
l'échangisme » comme telle, le Dr. Campbell précise que celle qu'il a donnée dans son document (D-12), représente ce que l'on pourrait
appeler la définition « classique » de l'échangisme,
c'est-à-dire un échange de partenaires entre deux couples ou un trio. Il émerge maintenant une autre définition que l'on
pourrait qualifier « d'échangisme élargi ». Dans ce dernier
cas, le groupe de personnes visées pourrait aller jusqu'à 8
à 10. Cependant, comme pour la définition de l'échangisme « classique », les échanges sexuels ont lieu en privé, c'est-à-dire à
l'intérieur d'un groupe où le sens
d'appartenance est fort et l'entente fait suite à ce que le témoin a appelé «
un genre de contrat social ». Un tel groupe n'est pas
ouvert à tout venant, et chaque nouveau membre devra faire l'objet d'une
acceptation par les autres. Lors de son témoignage, à chaque fois que le Dr. Campbell a référé à ce genre de groupe élargi, il
l'a fait dans le contexte d'un salon
dans une maison privée; « un couple qui accueille plusieurs couples chez lui » (notes sténographiques du 30 septembre
2002, page 92). Le Tribunal
199-120-619 Page 18
comprend que l'élément principal qui caractérise un tel groupe est
précisément le lien très serré qui existe
préalablement entre chaque membre du groupuscule c'est-à-dire leur sens d'appartenance à ce groupuscule.
[58] Finalement, le Tribunal
comprend que lorsque le nombre de personnes grandit, le lien de reconnaissance et d'appartenance diminue proportionnellement. Dans ces
circonstances, il ne s'agit plus d'échangisme mais de sexualité de groupe, en
anglais : « free style ». Ce serait le cas par
exemple, si dans un bar ouvert au public, les personnes présentes décidaient d'avoir des relations sexuelles à la vue de tous, « at large »
pour employer l'expression du témoin. Là nous
pourrions dire qu'il s'agit d'une orgie. Or, selon le Dr. Campbell, les
Canadiens font la différence entre l'échangisme et une orgie. Selon le témoin,
si l'échangisme au sens classique du terme se situe à l'intérieur du seuil de tolérance de la société canadienne contemporaine, ce n'est définitivement
pas le cas pour les orgies que les Canadiens désapprouvent majoritairement.
[59] Quant à l'expression « club
échangiste », le Dr. Campbell croit qu'elle a une connotation de « privé ». Il répond ainsi à la question (notes sténographique du 1er
octobre 2002, page 13):
« Q 24 Est-ce
que, pour le public en général lorsqu'on réfère à la notion " club
échangiste ", ipso facto, cette présence de l'élément privé vient à
l'esprit des citoyens?
R Oui, je pense que ça vient dans l'esprit des citoyens. Je pense que la
notion
que c'est privé,
c'est important pour les Canadiens et les Canadiennes. »
IV LE DROIT
[60] Le Code criminel au
par. 210(1) crée l'infraction de tenir une maison de débauche. Cet article se
lit comme suit :
210(1) « Est coupable d'un acte
criminel et passible d'un emprisonnement de deux ans quiconque tient une maison
de débauche. »
Pour sa part, l'ai. 210(2)b)du Code criminel rend passible d'une
infraction punissable sur déclaration sommaire de
culpabilité toute personne qui est trouvée, sans excuse légitime dans une
maison de débauche.
199-120-619 Page 19
Quant à lui, l'al.
210(1)c) stipule :
210(1)c)« Est coupable d'une
infraction punissable sur déclaration de culpabilité par procédure sommaire quiconque selon le cas ;
a)
(-)
b)
(...)
c)
en qualité de propriétaire, locateur
occupant, locataire, agent ou ayant
autrement la charge ou le contrôle d'un local, permet
sciemment que ce
local ou une partie du local soit loué ou employé aux
fins de maison de
débauche. »
[61 ] Le par 197(1 ) définit
plusieurs expressions pertinentes dans la détermination de ce qu'est une maison de débauche. Ainsi, cet article définit les termes suivants :
« 197(1)
" endroit public " tout lieu auquel le public a accès de droit ou sur invitation, expresse ou implicite.
" maison de débauche " local qui selon
le cas :
a)
est tenu ou occupé;
b)
est fréquenté par une ou plusieurs
personnes, à des fins de
prostitution ou pour la pratique d'actes indécents;
" local " ou " endroit " tout local ou endroit :
a)
qu'il soit ou non couvert ou
enclos;
b)
qu'il soit ou non employé en
permanence ou temporairement;
c)
qu'une personne ait ou non un droit
exclusif d'usage à son égard. »
La notion de
« prostitution »
[62] Comme le mentionne le par.
197(1) du Code criminel, sera considérée comme une maison de débauche, un local fréquenté par une ou plusieurs personnes à des fins
de prostitution. Le législateur n'ayant pas défini le
terme « prostitution », les tribunaux se sont donc efforcés au cours des
années à le définir avec clarté.
199-120-619 Page 20
[63] Ainsi la Cour d'appel du
Québec dans l'arrêt R. c. Tremblay, (1991) R.J.Q. 2766, s'est prononcée sur la définition du terme « prostitution ». Dans cette affaire,
des danseuses nues s'y produisaient en privé à
l'intention de leurs clients et adoptaient diverses positions suggestives. Les clients pouvaient se dévêtir et bon nombre d'entre eux se
masturbaient pendant la prestation de la
danseuse. Les propriétaires de l'établissement appliquaient strictement la règle interdisant tout contact physique et s'assuraient que
la règle était respectée au moyen d'un judas
pratiqué dans chaque chambre. Le judas en question ne servait pas à des fins de voyeurisme.
[64] Après avoir résumé les faits
de la cause, l'honorable juge Brassard s'est questionné sur la définition de la prostitution. Il écrivait à la page 2778:
« Avec respect pour l'opinion contraire, je ne crois pas qu'il puisse être
dit, comme paraît l'affirmer le premier juge, et comme
le plaident les intimés, que la prostitution est un
concept évolutif, dont l'aspect illicite pourrait varier suivant les normes de
tolérance de la société... La prostitution, dans mon opinion, demeure un
concept objectif, qui n'est nulle part définie au Code criminel, et dont l'existence relève de la preuve de faits matériels indiscutables. »
[65] Pour sa part, son collègue,
M. le juge Proulx, à la page 2781, a tenté de cerner la définition du terme « prostitution ». Il écrivait :
« L'expression
"prostitution" est d'usage courant. Dans le contexte actuel, il me paraît tout à fait adéquat de considérer la
prostitution comme la « vente de
faveurs sexuelles » (reprenant ainsi les mots du rapport sur la pornographie et la prostitution au Canada, désigné
comme le rapport Fraser), ou encore «
l'offre par une personne de ses services sexuels en échange de paiement par une autre » (définition
qu'en donne le juge Lamer et que cite
mon collègue Brossard). Ces définitions correspondent beaucoup mieux à la
réalité sociale, évitent de restreindre la portée de cette expression et
de lui donner un sens archaïque.
Cette notion a évolué au fil du temps. Si jadis on ne considérait la
prostitution qu'en regard des relations
sexuelles, même non rémunérées, il faut bien admettre qu'aujourd'hui, la
prostitution est de nature intrinsèquement commerciale, qu'elle vise des actes sexuels entre personnes de même sexe ou de sexes différents et la gratification sexuelle du client qui ne
s'obtient pas nécessairement par des relations sexuelles complètes. »
[66] II est à noter que la décision
de la Cour d'appel a été renversée par la Cour suprême du Canada, dans l'arrêt R. c. Tremblay, [1993] 2 R.C.S. 932,
mais pas sur cette question.
199-120-619 Page 21
La notion d'«
actes indécents »
[67] Le législateur n'a pas défini
ce qui constitue un acte indécent C'est au Tribunal qu'il incombe la
responsabilité de déterminer de façon objective si des actes sont indécents. D'entrée de jeu, il est important de rappeler que
le Tribunal ne doit pas appliquer sa propre conception de ce qui est ou n'est pas indécent, mais il doit appliquer le
critère de la tolérance de la
société canadienne. Il ne s'agit pas de l'opinion personnelle du Tribunal, mais
l'application des principes établis par les tribunaux.
[68] L'arrêt de principe en la
matière est la décision de la Cour suprême dans R. c. Tremblay (supra).
La Cour suprême rappelle que pour déterminer si un acte est indécent, il
faut appliquer le critère de la « norme de tolérance de la société ». Ce critère
est semblable à celui utilisé en matière d'obscénité. Ainsi, comme elle l'avait
énoncé dans l'arrêt R. c. Towne Cinéma
Théâtres Ltd., [1985] 1 R.C.S. 494, la détermination de la norme de la tolérance de la société applicable à l'égard de l'indécence requiert
l'analyse des actes en fonction de
plusieurs éléments. À la page 958 du jugement, le juge Cory écrivait :
1) «...[il y a des] normes de tolérances
admises dans la société canadienne contemporaine [qui ne
doivent pas être outrepassées];
ii) il doit s'agir de normes
contemporaines vu que les temps et les idées changent comme en fait foi la liberté relative avec laquelle on parle des choses sexuelles
iii) il faut tenir compte des
normes de l'ensemble de la société et non des normes d'une fraction de la société [...];
iv) il
appartient à la Cour de décider si [les actes en cause sont] tolérable(s)
suivant
les normes de la société canadienne;
v) il incombe de décider d'une manière
objective ce qui est tolérable suivant les
normes contemporaines de la société
canadienne, et non seulement d'appliquer
sa propre conception de ce qui est
tolérable. »
[69] La norme applicable est la
tolérance et non le goût. Ce qui importe ce n'est pas ce que les Canadiens estiment convenable pour eux mais ce qu'ils ne souffriraient
pas que d'autres Canadiens voient ou fassent. Ainsi,
reprenant les propos du juge Dickson dans Towne Cinéma Théâtres Ltd., M.
\e juge Cory écrivait à la page 958 :
« Tous les arrêts soulignent que la norme applicable est la tolérance et
non le goût. Ce qui importe, ce n'est pas ce que les
Canadiens estiment convenable pour eux-mêmes de voir.
Ce qui importe, c'est ce que les Canadiens ne souffriraient
pas que d'autres Canadiens voient parce que ce
199-120-619 Page 22
serait outrepasser la norme contemporaine de tolérance au Canada que de permettre qu'ils le voient. »
[70] La Cour suprême a rappelé
également que pour déterminer si un acte est indécent, il fallait analyser les circonstances dans lesquelles l'acte était accompli. Ainsi, M.
le juge Cory écrivait aux pages 960 et 961 :
« Pour déterminer si un acte est indécent, il faut tenir compte du contexte
dans lequel il intervient, car un acte n'est jamais accompli dans le vide absolu. La norme de tolérance de la société est celle de l'ensemble de la société. Toutefois, ce que la société peut tolérer variera en fonction du
lieu où l'acte se produit et de la composition de
l'auditoire. Par exemple, un spectacle que la
société peut tolérer comme convenant à la clientèle d'un club peut ne pas convenir du tout aux élèves d'une école secondaire. Ce qui
est acceptable dans le cadre d'un spectacle sur scène
destiné à un public adulte peut être totalement inacceptable si le spectacle
est présenté dans la salle d'une école à des élèves
du niveau élémentaire. De même, la nature de
l'avertissement ou de l'avis qui est donné relativement au spectacle peut être importante, nul n'étant tenu d'assister au spectacle
d'une danseuse nue. On ne peut non plus invoquer la
surprise des spectateurs lorsqu'ils ont été
avisés de la nature du spectacle. En outre, le but de la prestation peut être un facteur à prendre en considération. »
[71] Dans l'arrêt R. c. Mara, [1997]
2 R.C.S. 630, la Cour suprême s'est de nouveau penchée sur la notion
d'indécence. Dans cette affaire, le propriétaire d'une taverne et son gérant
étaient accusés d'avoir permis la présentation de spectacles indécents
contrairement à l'article 167(1) du Code criminel.
Les spectacles en question comprenaient à divers degrés, des
contacts sexuels entre les « danseuses » nues et les clients de la taverne, notamment une conduite des clients consistant à
caresser et à embrasser les seins d'une danseuse, à se livrer à la masturbation mutuelle et apparemment au
cunnilingus. Après avoir repris les
principes arrêtés dans l'arrêt Tremblay (supra) et rappelé qu'il
faut analyser l'ensemble des circonstances pour déterminer si un
spectacle ou un acte est indécent, M. le juge Sopinka rendant jugement pour la
Cour, écrivait à la page 645 :
« Si on conjugue les observations susmentionnées, il en ressort qu'un spectacle est indécent si le préjudice social qu'il engendre, compte tenu
des circonstances dans lesquelles il a lieu, est tel
que la collectivité ne tolérerait pas qu'il ait lieu.
(…)
199-120-619 Page 23
Le préjudice social qui doit être examiné conformément à l'art. 167 est le préjudice résultant d'une attitude chez ceux qui assistent au spectacle,
tel qu'il est perçu par l'ensemble de la société. »
[72] Appliquant ces principes au
cas d'espèce, la Cour suprême, en accord avec la Cour d'appel, a conclu que les activités reprochées aux accusés étaient telles
que la société ne les tolérerait pas et qu'elles étaient donc indécentes.
[73] Dans l'affaire R. c.
Labaye, Cour municipale de Montréal, n° 198-054-660, le 22 juillet 1999 (jugement porté en appel), Mme la juge Louise Baribeau a eu
à se prononcer sur des faits très similaires à ceux en
l'espèce. Dans cette affaire, l'accusé devait répondre d'avoir tenu une
maison de débauche contrairement au par. 210(1) du Code criminel. Les
faits retenus étaient à l'effet que l'accusé
opérait sous le nom l'Orage, un restaurant-bar licencié. L'immeuble où les gestes reprochés avaient lieu était de
nature commerciale. Il occupait trois niveaux. Pour avoir accès au troisième
niveau, là où les actes sexuels avaient
lieu, il fallait devenir membre du club, moyennant un droit d'entrée de 200 $.
Dès leur admission, tous les membres
obtenaient la combinaison de la serrure numérique donnant accès au troisième niveau et étaient libres
d'y amener les invités. Pour encourager
le grand public à devenir membre, de la publicité paraissait régulièrement dans
le Journal de Montréal, dans la
revue d'un club d'échangistes de Toronto ainsi que dans une revue à caractère érotique. Les actes sexuels
qui avaient lieu au troisième étage étaient très exactement semblables à
ceux en l'espèce.
[74] Après avoir analysé la preuve,
Mme la juge Baribeau a conclu que le troisième étage était un lieu public puisqu'il était aussi facilement accessible aux membres et à
leurs invités que les deux premiers niveaux.
[75] De plus, après avoir analysé
les arrêts Tremblay (supra) et Mara (supra), Mme
la juge Baribeau conclut qu'il n'y a pas de distinction
juridique significative au niveau des principes entre ces affaires et la
situation vécue à l'Orage. Ainsi, sur la question du préjudice causé, sur le fait que les relations sexuelles avaient lieu en public et qu'elles
avaient lieu gratuitement entre membres du club
et non avec les employés, elle écrivait à la page 29 :
« Le fait qu'il peut y avoir à la fois préjudice aux participants et
préjudice aux spectateurs dans le cas d'un
spectacle ne saurait nous permettre de distinguer
fondamentalement la présente affaire de l'arrêt Mara, surtout dans le contexte où la preuve dans le présent dossier est à l'effet que ce n'est pas le nombre de spectateurs qui fait défaut.
199-120-619 Page
24
Pour ce qui est du fait que les relations sexuelles publiques ont lieu
seulement entre des membres d'un club plutôt qu'entre employés et membres de l'Orage, le Tribunal n'estime pas qu'il s'agit là d'une
distinction affectant le caractère indécent ou
non des actes commis à l'intérieur de cette dépendance de l'Orage [...]
Le Tribunal estime que le caractère des actes accomplis publiquement à
l'Orage n'est nullement affecté par le caractère gratuit ou non des gestes commis. »
[76] Quant à la question du
préjudice en regard du fait que tous les actes sexuels étaient volontaires, y compris de la part des femmes, Mme la juge
Baribeau, là encore n'y voit pas de distinction fondamentale avec l'arrêt Mara
(supra). Ainsi, elle écrivait à la page 30 :
« La Cour suprême dans l'affaire Mara a mis fin à l'équation
que le consentement des personnes implique nécessairement l'absence de préjudice, donc tolérance de la société et conséquemment non indécence. La question qui se pose est la suivante : quel comportement est le plus dégradant et déshumanisant; celui d'une danseuse qui se laisse manipuler publiquement contre rémunération, ou celui d'une personne qui a des relations sexuelles avec quatre hommes simultanément en présence d'un aussi grand nombre de spectateurs dont certains se masturbent en les contemplant ? Vu sous cet angle, le Tribunal n'estime pas que la femme était moins exploitée sexuellement à l'Orage qu'elle ne l'était dans la
taverne opérée par M. Mara, une fois qu'on relativise la
notion de consentement entre adultes consentants. »
[77 Le Tribunal partage l'opinion
exprimée par Mme la juge Baribeau.
[78] Finalement, Mme la juge Baribeau,
après s'être déclarée liée par l'arrêt Mara (supra), elle a conclu que la société canadienne ne tolérait pas
que les activités sexuelles qui avaient lieu à l'Orage soient pratiquées
dans un endroit public. En conséquence, elle a déclaré l'accusé coupable
d'avoir tenu une maison de débauche.
La tolérance
des policiers
[79] Dans le but de démontrer que
l'existence des clubs d'échangistes était tolérée par la société canadienne contemporaine, les accusés ont plaidé le fait que, bien
qu'informés de l'existence du 1090 boul. Rosemont, les policiers avaient
mis plus de 21 mois avant de mettre un terme
aux activités qui s'y déroulaient. Selon leur interprétation des faits, cette
199-120-619 Page 25
inaction de la
police reflétait une certaine tolérance de leur part à l'existence des clubs d'échangistes.
[80] II est vrai qu'en vertu de la
jurisprudence, la tolérance de la police est un des nombreux facteurs que le Tribunal peut considérer dans sa recherche pour établir la
hauteur du seuil de tolérance de la société
canadienne face à ce phénomène. Dans l'arrêt R. c. Tremblay (supra), la Cour suprême en est arrivée à
cette conclusion. Ainsi, à la page 967, l'honorable juge Cory écrivait :
« II ressort nettement de la preuve que la police tolérait les spectacles d'effeuilleuses ou de danseuses nues où celles-ci caressaient leurs propres
organes génitaux et feignaient l'orgasme. Bien que la
preuve de l'acceptation par la police de la conduite
reprochée ne puisse servir à déterminer la norme de
tolérance de la société, elle constitue néanmoins un indice utile de cette norme. »
[81 En l'espèce et avec respect
pour l'opinion contraire, le Tribunal ne partage pas l'interprétation des faits sur cet aspect qu'en font les accusés. En effet,
la preuve démontre qu'à chaque fois que des policiers
patrouilleurs se sont présentés au 1090 boul. Rosemont, ils ont immédiatement
produit des rapports circonstanciés à la section moralité pour dénoncer la
situation et demander une enquête plus approfondie.
[82] Or, selon le sergent Hélène
Fiset, si cette escouade spécialisée n'a pas dès le premier rapport procédé à une enquête exhaustive, ce n'était pas par manque
d'intérêt ou par tolérance du phénomène. Cela était
dû au manque d'effectif et de l'établissement d'un ordre des priorités dans les
enquêtes. Ainsi selon le témoin, les autorités compétentes donnaient priorité aux enquêtes qui selon les informations préliminaires
laissaient croire que des enfants étaient impliqués dans des activités
sexuelles, des mineures faisaient parti d'un
réseau de prostitution, la prostitution de rue, les réseaux de prostitution qui
opéraient à partir de studios de massage ou d'agences d'escortes, etc.
[83] Après analyse du témoignage du
sergent Fiset et l'ensemble de la preuve, telle que la complexité de mener à terme de telles enquêtes, le Tribunal n'a aucune
raison de croire que les explications fournies par le témoin ne reflétaient pas
la vérité. Aussi, le Tribunal ne peut conclure que la
période de 21 mois entre la première dénonciation de l'existence du 1090 boul. Rosemont et la perquisition quia mis fin aux activités
sexuelles à cet endroit constituait de la part
de la police la manifestation que cette dernière tolérait ce genre d'activités.
Aussi cet argument des accusés est rejeté.
199-120-619 Page 26
La tolérance
des saunas pour homosexuels
[84] Les accusés ont également
plaidé que les activités sexuelles qui avaient cours au 1090 boul. Rosemont et au 11470 rue London étaient essentiellement de la même
nature que celles qui avaient cours dans les saunas pour
homosexuels. Or, puisque ces saunas existaient depuis au
moins 20 ans et que les policiers n'y faisaient jamais de descentes, cela prouvait que la police tolérait ce genre d'endroit En conséquence, les
accusés plaident également que lorsque la police a choisi d'investir les clubs
d'échangistes hétérosexuels du 1090 boul. Rosemont
et au 11470 rue London, elle s'était comportée de façon discriminatoire, et ce, en contravention au par. 15(1) de la Charte
canadienne des droits et libertés, lequel interdit toute discrimination fondée sur le sexe.
[85] Avec respect pour l'opinion
contraire, le Tribunal ne peut accepter cet argument. En effet, le Tribunal n'a aucune connaissance judiciaire de quels genres d'activités
peuvent avoir cours dans un sauna dit réservé aux
homosexuels. S'il y a des activités sexuelles, ont-elles cours en public ou en privé? Or, en l'espèce, aucune preuve n'a été
produite par l'une ou l'autre des parties sur ce
point. En conséquence, le Tribunal ne peut d'aucune façon comparer les deux situations et en tirer des conclusions. Aussi, cet
argument des accusés est rejeté.
La notion de
« local » ou « endroit »
[86] Les tribunaux ont interprété
de façon large et libérale la notion de « local » utilisée dans la définition de maison de débauche. Ainsi, lorsqu'un local comprend
plusieurs pièces, il n'est pas nécessaire pour que
l'établissement soit qualifié de maison de débauche que chacune des pièces soit utilisée à des fins de prostitution ou pour la
pratique d'actes indécents. Il n'est pas non plus
nécessaire qu'une des pièces soit utilisée exclusivement aux fins interdites. C'est à cette conclusion qu'en est arrivé M. le juge
Nemetz dans R. c. McLellan, (1980) 55 C.C.C. (2d) 543, lorsqu'il écrit à la page 544 :
« The evidence justifies the conclusion that the appellant was a
prostitute who, on four occasions during the
time in question, went with her customer to the hotel for the purpose of prostitution.
The learned trial judge concluded that this was a common bawdy-house. The appellant argues that the hotel was, at least in
part, a regular hotel and, therefore, not a
bawdy-house. I do not think that every room must be used for the purposes of prostitution to make the place a
common bawdy-house.
199-120-619 Page 27
Nor do I think that a particular
room need be used exclusively for the purposes of
prostitution in order to qualify »
[87] Dans l'arrêt R. c. Carignan,
(1993) R.J.P.Q., 93-290, (1993) 85 C.C.C. (3d) 275, le présent Tribunal a eu à analyser l'étendue de l'espace qui constituait la
maison de débauche visée par les procédures. Dans cette
affaire, l'accusée Carignan était une masseuse. La
tenancière, Mme Bolduc recevait le client, percevait des frais de 20
$ pour un massage, lui indiquait une chambre où se rendre
et lui assignait une masseuse. En l'espèce, l'accusée, après avoir massé le
client durant quelques minutes, lui a offert un service sexuel moyennant un supplément de 40 $. La preuve n'établissait
pas si la masseuse partageait le 40 $
avec la tenancière. Une des questions à laquelle le Tribunal avait à
répondre était : du fait que l'accusée se trouvait seule dans une chambre,
avait-elle autrement eu la charge ou le
contrôle d'un local, et permit sciemment que ce local ou partie du local soit loué ou employé aux fins de
maison de débauche ? Aussi, après l'analyse
des faits, le Tribunal en est arrivé à la conclusion que pour les fins de ce
dossier, la totalité du logement
devait être considérée comme constituant une maison de débauche. En ce sens, la chambre où le client
s'était fait offrir des services sexuels ne constituait qu'une partie de la maison de débauche rattachée
immédiatement au tout. Aussi,
c'était Mme Bolduc, la tenancière, qui avait la charge ou le
contrôle de la totalité de la maison
de débauche, au sens de l'ai. 210(1 )c), y compris les activités se déroulant
dans la chambre. La chambre ne
constituait pas un local détaché du tout.
La notion d'«
endroit public »
[88] Le Petit Larousse, Grand format (1998), définit
« lieu public » comme un « endroit où le public a accès » : Par exemple, un
jardin, un cinéma, un café, etc. Le Concise Oxford Dictionary définit le mot « public » comme signifiant (interalia) "
Open to, shared by, the people "
Le Unabridged Oxford définit le mot « public » comme " That is open
to or may be shared by ail members
of the community; not restricted to private use of any person or persons;
generally accessible or available.
[89] Comme
mentionné ci-devant, l'article 150 du Code criminel, définit
l'expression « endroit public » comme tout « lieu auquel
le public a accès de droit ou sur invitation, expresse ou implicite »
199-120-619 Page 28
90) Dans l'arrêt Fegation c.
The Queen, [1991] 1 W.W.R. 147, il fut décidé qu'il n'était pas nécessaire que tous les segments du public aient accès à un lieu pour que
ce lieu soit un « lieu public ». C'est le cas d'un
bar (beer parlor) par exemple, même si certaines personnes n'y ont pas accès en raison de leur âge et que généralement
seulement un segment de la population a un
intérêt à s'y trouver, soit les consommateurs de boissons alcoolisées.
[91] Dans l'arrêt R c. McCutcheon,
(1977) 40 C.C.C. (2d) 555,1 C.R. (3d) 39, la Cour d'appel du Québec a statué qu'un théâtre où a lieu un spectacle est un endroit
public. Dans l'arrêt Regina v. Enns, (1969) 66 W.W.R, 318, un hall d'hôtel (hôtel lobby) fut déclaré un endroit public.
[92] De plus, un endroit n'est pas
intrinsèquement privé ou public. C'est l'usage qu'on en fait qui le rend public ou privé. Ainsi par exemple, un théâtre qui généralement
est un endroit public, si loué à l'usage exclusif d'un spectateur excentrique,
il sera considéré comme un endroit privé au sens
de la loi pour la durée de la location, si l'accès à toute autre personne est interdite. A contrario, un endroit généralement
considéré comme un lieu privé, par exemple, le
bureau personnel d'un directeur d'un musée, sera un endroit public durant les heures d'ouverture du musée si la direction a choisi d'y exposer
des oeuvres et qu'elle invite le grand public à s'y rendre pour les admirer.
Par contre, il y a des lieux qui seraient à priori
plus difficiles de faire passer de lieu public à lieu privé. Il en serait ainsi par exemple de la chaussée d'une grande artère d'une métropole.
Les notions de « tenancier » et « agent ou ayant autrement la charge ou le
contrôle » d'un local aux fins de « maison de débauche »
[93] Le Code criminel ne
définit pas le mot « agent » que l'on retrouve à l'article 210, Dans les
circonstances, comme nous l'enseigne la jurisprudence, il faut donc s'en
remettre aux principes généraux d'interprétation
des lois et, plus particulièrement, référer au sens ordinaire des mots.
[94] Ainsi,
en français. Le Petit Larousse Illustré (1987) définit le mot « agent »
comme suit
« Celui qui est chargé
de gérer, d'administrer les affaires de l'État, d'une société, d'un particulier. »
199-120-619 Page 29
[95] Quant à lui le
Dictionnaire alphabétique et analogique de la langue française, par Paul Robert (1967), définit le mot «
agent » en ces termes :
«
Celui qui fait, qui s'occupe de ... personne chargée des affaires et des intérêts d'un
individu, d'un groupe ou d'un pays, pour le compte desquels elle agit. V. Émissaire, intendant, représentant. »
[96] En anglais, l'Oxford Référence Dictionary of Law,
Second Edition (1990), définit le mot « agent » comme :
« a person appointed by another (the principal) to act on his behalf,
often to negotiate a contract between the principal and a third
party.... Agents are either general agents
or special agents. A general agent is one who has authority to act for his principal in all his
business of a particular kind, or who acts
for the principal in the course of his (the agent's) usual business or profession.
A special agent is authorized to act only for a special purpose that is not in
the ordinary course of the agent's business or profession. »
[97] Quant à lui, le Black's Law Dîctionary,
revised 4 th édition (1968), définit le mot « agent » comme :
« One who deals not only with things, as does a servant, but with
persons, using his own discretion as to
means, and frequently establishing contractual relations between his principal and third persons. »
[98] Ce même dictionnaire définit également le mot «
agent » comme :
« A business representative, whose function is to bring about, modify,
affect, accept performance of, or terminate contractual
obligations between principal and third persons. »
[99] Le Tribunal constate à la
lecture de ces différentes définitions qu'un « agent » est plus qu'un simple employé qui ne fait qu'exécuter les ordres reçus. L'« agent »
est un représentant qui a un certain degré d'autonomie
dans la conduite des affaires de son principal
vis-à-vis les tiers et qui doit rendre compte de son mandat.
[100] Les tribunaux canadiens ont eu
à quelques reprises à interpréter le sens et la portée des caractéristiques
que doivent avoir les personnes dont on retrouve l’énumération à l'al. 210(2)c) du Code Criminel
199-120-619 Page
30
[101] Dans l'arrêt R c. Wong, (1977) 33
C.C.C. (2d) 6, la Cour suprême de l'Alberta, division des appels, en est venue
à la conclusion que l'al. 210(2)c) du Code ne vise pas un propriétaire du simple fait qu'il est le
propriétaire d'un local (per se), mais il vise un propriétaire qui a la
charge ou le contrôle d'un local. En d'autres mots, l'expression « ayant autrement la charge ou le
contrôle d'un local » qualifie les mots « propriétaire, locateur, occupant, locataire et agent » que l'on
retrouve au début de ce paragraphe.
[102] Dans cette affaire, le défendeur détenait 99% des
parts d'une compagnie propriétaire d'un immeuble. Dans cet immeuble, il y avait au rez-de-chaussée un restaurant,
trois salons de massage et
d'autres commerces. Le défendeur avait son bureau d'affaires sur cet étage près de l'escalier qui menait
à l'appartement auquel référait la dénonciation comme étant le lieu où se
trouvait la maison de débauche. Le défendeur savait quel usage faisait de cet appartement le locataire de
celui-ci.
[103] L'honorable juge Prowse, rendant le jugement pour
la Cour, écrivait à la page 9 :
« I have concluded that the appeal can be disposed of on the ground that
the Crown failed to establish that Wong Investments Ltd. or the accused had
that degree of " charge or control "
required of an owner to support a conviction under s. 193(2)(c) [maintenant 210(2)c)].
In my view, the words " owner, landlord, lessor, tenant, occupier,
and agent " are qualified by the words "
otherwise having charge and control ". In this regard I would refer to the statement set out in 31 Hals., 2nd ed., p.
406 para. 633 :
"633. Where several words are followed by a general expression, which is as much applicable to the first and other words as to the last, that expression is not, as a matter
of ordinary construction, limited to the last, but
applies to all. "
It follows that s. 193(2)(C) [maintenant 210(2)c}] of the Code is not
directed at an " owner, landlord...
" per se, but rather at an " owner, landlord... " having charge or control of the premises. » (parenthèses ajoutées)
[104] Puis, il ajoutait à la page 10 :
« I am of the view that the words " having charge or control of the
place " are directed at an owner, landlord...
who has the right to intervene forthwith and prevent the continued use of the premises as a common bawdy-house and whose failure to do so can be considered as the granting of permission
to
199-120-619 Page 31
make such use of the premises as and from the time he gained such Knowledge. The section is directed at persons in
actual charge or control and not at persons who have the right to acquire
charge or control. »
[105] Le Tribunal croit que
l'expression « ou ayant autrement la charge ou le contrôle d'un local » est créatrice d'une catégorie de personnes innomées dont la
caractéristique minimale de chacune d'elles est
d'avoir la charge ou le contrôle d'un local. Cette catégorie de personne
innomée s'ajoute à la liste des personnes que l'on trouve au début de l'alinéa.
[106] À titre d'exemple, il pourrait
en être ainsi pour un exécuteur testamentaire, un fiduciaire ou un syndic à la faillite qui de facto a la charge ou le contrôle d'un
local et qui permet sciemment que ce local soit employé aux fins de maison de
débauche.
[107] Mais que l'on retienne
l'interprétation qu'en fait la Cour suprême de l'Alberta de l'expression « ou ayant autrement la charge ou le contrôle » ou celle que
le Tribunal favorise, le résultat juridique est
le même. Dans les deux cas, pour que l'accusé soit trouvé coupable de l'infraction prévue à cet article, il faut que dans les
faits il ait la charge ou le contrôle du local.
[108] Dans l'arrêt R. c. Corbeil, [1991]
1 R.C.S. 830, la Cour suprême s'est prononcée sur les éléments essentiels qui
doivent être prouvés pour commettre l'infraction prévue au par. 210(1) du Code criminel, soit la tenue
d'une maison de débauche. Dans l'élaboration de son opinion, l'honorable
juge Lamer, rendant jugement pour la majorité, a été amené à comparer le par.
210(1) à l'al. 210(2)c) du Code.
[109] Dans cette affaire, l'accusée a
été trouvée dans un salon de massage qui offrait au choix des clients un massage incluant la masturbation. La preuve indiquait que
l'accusée travaillait au salon de massage plusieurs fois par
semaine. Lorsqu'elle accueillait un client à
l'avant, elle inscrivait l'heure d'arrivée et le départ du client, percevait
les frais du massage et en remettait la moitié au propriétaire de
l'établissement. A la fin de chaque journée,
la dernière masseuse à quitter l'établissement comptait l'argent de la caisse
pour s'assurer que le compte y était.
[110] La Cour a conclu qu'en
l'espèce, on ne retrouve pas dans la preuve l'élément « de soin et
d'administration des lieux ».
.
199-120-619 Page 32
[111] Or, puisque pour être trouvé coupable de
l'infraction d'avoir tenu une maison de débauche prévue au par. 210(1) il faut que deux éléments
coexistent, soit (1) un certain degré de contrôle sur le soin et l'administration des lieux, et (2) une
participation dans une certaine mesure aux activités illicites qui ont cours dans la maison de débauche,
l'accusée Corbeil ne rencontrant
pas la première condition, elle devait être acquittée.
[112] L'honorable juge en chef Lamer écrivait aux pages 834 et 835 :
« L'analyse qui précède peut se résumer comme suit. Pour que s'applique l'infraction de tenue d'une maison de débauche, deux éléments doivent
exister: (1) l'accusé doit avoir un certain degré de contrôle sur le soin et l'administration des lieux, et (2) l'accusé doit participer dans une
certaine mesure, comme le dit l'arrêt Kerim, aux
activités « illicites » qui ont cours dans la maison de
débauche. Cela ne signifie pas que l'élément de participation exige une
participation personnelle aux actes de nature sexuelle qui ont lieu dans la maison de débauche; il suffit que l'accusé participe à l'utilisation de la maison comme maison de débauche. Evidemment, l'élément de participation aux activités « illicites » n'est
pas nécessaire pour constituer l'infraction moindre
prévue à l'ai. 210(2)c) qui prévoit qu'un
propriétaire, locateur, etc., ou une personne ayant autrement la charge ou le contrôle d'un local, qui permet sciemment que ce local ou une partie du local soit loué ou employé aux fins de maison de débauche,
est coupable d'une infraction punissable sur déclaration de culpabilité par procédure sommaire. Parce que l'infraction de tenue d'une maison de
débauche est une infraction plus grave, punissable par voie de mise en accusation, que celle prévue à l'ai. 210(2)c), les deux éléments de
culpabilité sont nécessaires pour justifier une
déclaration de culpabilité en vertu du par. 210(1 ). Plus simplement, dans le
cas visé à l'ai. 210(2)c), l'accusé est passif devant l'utilisation illicite de la maison mais, dans le cas visé au par.
210(2), il est actif. »
[113] II apparaît très clairement
de cet extrait que le premier élément essentiel auquel réfère l'honorable Juge en chef Lamer, soit que « l'accusé doit avoir un certain
degré de contrôle sur le soin et l'administration des lieux, » doit être
présent dans les cas visés, tant au par. 210(1) qu'à l'ai.
210(2)c). La distinction entre ces deux situations se situe au niveau de la deuxième condition i.e. la participation active à l'acte illicite dans
le cas du par. 210(1) par opposition à l'autorisation
consciente sans participation de ce lieu aux fins d'une maison de débauche,
dans le cas de l'ai. 210(2)c).
[114] Dans l'arrêt R. c. Kerim, [1963]
R.C.S. 124, le contexte était exactement à l'inverse de celui de l'arrêt Corbeil. La Cour suprême en est arrivée à la
même conclusion, i.e. la
199-120-619 Page 33
nécessité de la coexistence des deux conditions
pour être trouvé coupable de tenue d'une maison de débauche.
[115] Dans cette affaire, l'accusé était le président de la société
qui était propriétaire de la maison de jeu, et il était sur les lieux chaque soir. Ainsi, selon la Cour,
il existait clairement un élément de
contrôle sur les lieux. Ce qui n'existait pas cependant, c'était une participation de l'accusé à
l'utilisation illicite de l'endroit.
[116] C'est dans ce contexte que l'honorable juge Martland, à la page
131, posait la question suivante :
« Qu'en est-il du " tenancier " qui ne participe pas du tout à
l'organisation des jeux, mais qui sait que le local en cause est employé à
cette fin et qui permet cette utilisation? C'est,
à mon sens, le type de cas qu'envisageait le législateur en créant l'infraction définie à l'al. 176(2)b) [maintenant
l'al. 201 (2)b)] et, à mon avis, cette infraction doit
avoir été créée parce que l'on n'estimait pas que
cette personne tenait elle-même la maison de jeu au sens du par. 176(1). »
[117] II faut donc conclure
également de cet arrêt que la première condition, soit celle relative au contrôle dans l'administration des lieux doit exister pour commettre
l'infraction prévue à l'al. 210(2)c).
[118] Dans l'affaire R. c.
Carlgnan (supra), le présent Tribunal a conclu qu'il était évident que la masseuse, Mme Carignan, était loin d'avoir l'autonomie
d'action qu'un « agent » a normalement vis-à-vis son principal, dans ses
relations avec un tiers. Tout au plus était-elle l'employée de la tenancière. Elle a donc été acquittée d'avoir, à
titre d'un agent ayant le contrôle d'un local, permis
sciemment que ce local soit employé aux fins de maison de débauche.
V APPLICATION
DU DROIT AUX FAITS MIS EN PREUVE
1) Les actes sexuels
observés au 1090 boul. Rosemont et au 11470 rue London étaient-ils des actes de
prostitution?
[119] L'analyse de la
jurisprudence sur la notion de prostitution permet de conclure qu'il s'agit d'une activité essentiellement commerciale. Comme le dit M. le juge Proulx
dans l'arrêt R. c. Tremblay (supra), il est « tout à fait adéquat » de considérer la prostitution comme
199-120-619 Page
34
la « vente de faveurs sexuelles » ... ou encore «
l'offre par une personne de ses services sexuels en échange de paiement par un autre ».
[120] Or, en l'espèce, la preuve a établi clairement que les
participants aux échanges sexuels ne bénéficiaient, ni directement, ni indirectement d'avantages pécuniaires.
Les sommes d'argent exigées
pour entrer dans ces locaux l'étaient pour l'entretien, le paiement des salaires et les profits des
responsables des lieux. Ceux-ci ne participaient pas aux échanges sexuels, et ils n'exerçaient pas de
contrôle sur les personnes qui participaient aux échanges sexuels. Ils ne pouvaient donc pas
être considérés comme des prostitués.
[121] En conséquence, bien que le Tribunal conclut que le 1090 boul.
Rosemont et le 11470 rue London étaient fréquentés pour participer à des échanges sexuels, ils
n'étaient pas fréquentés à des
fins de prostitution.
2) Le 1090 boul. Rosemont et le
11470 rue London étaient-ils des « endroits publics »?
[122] Comme le définit le par. 197(1) du Code criminel, un
endroit public est « tout lieu auquel le public a accès de droit ou sur invitation expresse ou implicite ». De
plus, la jurisprudence a établi
qu'il n'était pas nécessaire que tous les segments du public aient accès à un lieu pour que ce lieu
soit un « lieu public », ni que tous les espaces de ce lieu soient accessibles au public.
[123] Or, en l'espèce, la preuve a démontré que le public au sens large
était invité à se rendre aux deux locaux visés aux procédures, et ce, tant par des annonces dans les
journaux, dans des revues, sur un
site Internet, que par la distribution de cartes d'affaires et le bouche à oreilles. Lorsque des
personnes se présentaient à l'un ou l'autre de ces locaux, les seules conditions qui étaient
exigées d'elles étaient d'acquitter le prix d'entrée, d'être âgées d'au moins 18 ans et de
s'engager tacitement à accepter les règles de bienséance. Aucun effort était fait pour s'enquérir auprès des
personnes qui se présentaient à ces locaux si elles partageaient la philosophie
de l’échangisme, ni si simplement elles connaissaient cette philosophie. Ce n’était pas là un critère pour avoir
accès à ces locaux.
[124] De ces faits, le
Tribunal conclut que les deux locaux en question étaient des « endroits publics » au sens du par. 197(1) du
Code criminel puisque le public y avait accès sur invitation.
199-120-619 Page 35
[125] De
plus, la preuve démontre qu'une fois à l'intérieur de ces locaux, les personnes
présentes avaient accès sans autre formalité à toutes les pièces. La seule
exception, et elle était rarissime, était
lorsque, moyennant un supplément, une des chambres était louée. Ce fut le cas
en date du 3 septembre 1999 au 1090 boul. Rosemont. Selon le rapport complémentaire des sergents Hélène Fiset
et André Therrien (pièce P-12), un homme
a cogné à la porte de cette chambre et un autre homme lui a ouvert. Le premier homme
a demandé s'il pouvait entrer, mais l'accès à la chambre lui fut refusé.
[126]
Essentiellement, les activités sexuelles avaient lieu dans les lieux communs,
c'est-à-dire, là où se trouvait le bain
tourbillon, dans les corridors sur des divans ou dans des chambres sans portes
ou dont les portes restaient en permanence ouvertes.
[127] Dans
ces circonstances, le Tribunal conclut que pour les fins du présent dossier,
toutes les pièces du 1090 boul. Rosemont et du 11470 rue London constituaient
un seul lieu commun et que chacune de ces pièces
constituaient des « endroits publics » au sens du par. 197(1) du Code criminel,
la seule exception étant la chambre fermée par une porte lorsque l'accès y était strictement limité à
quelques personnes à la fois et toutes triées sur le volet.
3) L'échangisme et les clubs d'échangistes
sont-ils légaux au Canada ?
[128]
Comme mentionné ci-dessus, les accusés ont fait procéder à un sondage d'opinion
auprès de la population adulte canadienne pour connaître le seuil de tolérance des
Canadiens face au fait que d'autres
Canadiens pratiquent l'échangisme et se rendent dans des « clubs
d'échangistes » pour s'y adonner. Afin que tous les répondants soient sondés à partir des mêmes notions, la maison CROP leur a
soumis une définition précise de ce qu'était un « club d'échangistes ». Tenant
compte de toutes les caractéristiques et paramètres du questionnaire, le témoin expert, M. Gauthier, a conclu que
les répondants associaient
l'expression « club d'échangistes » à un endroit privé. C'est à cette notion précise que 57% des Canadiens se sont déclarés
tolérants ou plutôt tolérants à la présence de « club d'échangistes » et
que d'autres Canadiens d'âge adulte s'y rendent pour pratiquer l'échangisme.
[129] Quant
à l'expert, le Dr. Michel Campbell, il a conclu que pour le « commun des
mortels », donc des Canadiens, la notion classique d'échangisme référait au fait de
l'échange de partenaires pour des activités
sexuelles entre deux couples, et dans le cas de la définition
199-120-619 Page 36
élargie de l'échangisme, cela pouvait inclure la
participation jusqu'à 8 à 10 partenaires. Cependant, le Tribunal comprend du témoignage du Dr. Campbell que pour les Canadiens, dans tous les cas, la notion de
l'échangisme est entendue dans le sens que les échanges sexuels des partenaires se font en privé, c'est-à-dire «
entre eux ». En fait, le témoin réfère à une espèce de « contrat social
» qui s'établit tacitement ou spécifiquement
entre ceux qui vont participer aux échanges sexuels. Ainsi, plus le « contrat social » est serré et hermétique à la
présence des tiers, plus nous nous rapprochons
de la définition « classique » de l'échangisme. Selon lui, c'est là que se
situe le seuil de tolérance de la
société canadienne contemporaine, c'est-à-dire à la condition que les échanges sexuels aient lieu en privé.
[130] De même, si les activités sexuelles ont lieu en public, on ne
parle plus « d'échangisme », mais « d'orgie ». Or, selon le Dr. Campbell, clairement, les Canadiens ne
tolèrent pas les orgies et ils n'acceptent pas que
d'autres Canadiens, même adultes, avertis et consentants,
participent à des orgies.
[131] Ainsi, des éléments ci-dessus référés, le Tribunal conclut que
la société canadienne contemporaine
tolère l'échangisme et les clubs d'échangistes si les échanges sexuels ont lieu
en privé. Par contre, si les échanges sexuels ont lieu en public, même parmi un
public adulte, averti et
consentant, il ne s'agit plus d'échangisme, mais d'orgies. Or, les Canadiens ne tolèrent pas les orgies,
ni que d'autres Canadiens y participent. La question de déterminer si les activités sexuelles ont lieu
en privé ou en public est une question de circonstances, et chaque situation doit être
analysée cas par cas.
[132] Le Tribunal conclut donc que l'échangisme et les clubs
d'échangistes ne sont pas illégaux au Canada si les échanges sexuels ont lieu en privé. Si les échanges
sexuels ont lieu en public, ils sont
illégaux car ils se situent sous le seuil de tolérance de la société canadienne
contemporaine qui
n'accepte pas que d'autres Canadiens, même adultes, avertis et consentants y participent.
4) Les actes sexuels pratiqués
au 1090 boul. Rosemontetau 11470 rue London constituaient-ils des actes
indécents?
[133] Comme le démontre la preuve, une grande diversité d'actes
sexuels étaient pratiqués dans ces locaux, tels que des actes de cunnilingus, fellation, masturbation
ainsi que des pénétrations
vaginales. Ces activités étaient pratiquées dans des lieux publics où il
199-120-619 Page 37
pouvait y avoir jusqu'à 90 personnes à ta fois. Le « contrat social » liant
ces personnes était très
faible, voire inexistant. En effet, rien dans la preuve n'établit que ces
participants se connaissaient
les uns les autres. En fait, le seul lien commun entre elles était qu'elles se retrouvaient à ces endroits pour
voir ou participer à des activités sexuelles en public. Or, selon le témoin expert produit par la défense,
le Dr. Campbell, des activités sexuelles explicites pratiquées en public ne répondent pas à la définition classique
de l'échangisme, ni à la
définition élargie de ce terme. De telles activités constituent plutôt une
orgie. Or, comme explicité
ci-dessus, les Canadiens ne tolèrent pas que d'autres Canadiens même adultes, avertis et consentants,
participent à des orgies. Ces activités sont donc clairement sous le seuil de tolérance de la
société canadienne contemporaine. Partant, elles constituent des actes
indécents.
5) Le 1090 boul. Rosemontet le 11470 rue
London étaient-ils des maisons de débauche?
[134] Comme mentionné ci-dessus, l'ai. 197(1)b) du Code criminel définit
une maison de débauche « comme
un local qui selon le cas est fréquenté par une ou plusieurs personnes pour ta pratique d'actes indécents
».
[135] Or, puisque le Tribunal a déjà conclu que les actes sexuels
pratiqués à ces endroits étaient des actes indécents et que plusieurs personnes fréquentaient ces lieux pour
la pratique de ces actes, le
Tribunal conclut que ces deux endroits étaient des maisons de débauche au sens du par. 197(1) du Code criminel.
6) Les accusés Michele
Angerillo, Sylvie Brosseau, Brigitte Chesnel, Denis Chesnel et Daniel Rioux étaient-ils des tenanciers du local situé au 1090 boul. Rosemont?
a) Michele
Angerillo
[136] Dans le dossier 199-120-619, l'accusé Michele Angerillo est accusé
d'avoir, entre le 21 février 1998
et le 21 novembre 1999, tenu une maison de débauche au 1090 Rosemont, commettant ainsi un acte
criminel prévu au par. 210(1) du Code criminel.
199-120-619 Page 38
[137] La preuve démontre que l'accusé était le conjoint de la
coaccusée Brigitte Chesnel. Les fois où il a été vu au 1090 boul. Rosemont, il agissait comme portier. À ce
titre, il percevait les frais
d'entrée payés par les clients. De plus, la preuve démontre que sur la carte d'affaires (pièce P-35) y
apparaissaient les noms de « Michel et Brigitte ». Il y apparaissait également le numéro de téléphone
(514) 279-9111, lequel correspondait au local du boul. Rosemont.
[138] Or, comme mentionné ci-dessus et conformément à la jurisprudence,
pour être trouvé coupable de l'infraction d'avoir tenu une maison de débauche
prévue au par. 210(1) du Code criminel, il faut que la preuve établisse hors de tout doute
raisonnable que deux éléments
coexistent, soit (1), un certain degré de contrôle sur le soin et l'administration
des lieux, et (2) une
participation dans une certaine mesure aux activités illicites qui ont cours dans la maison de débauche.
[139] En l'espèce, le Tribunal conclut que tout au plus, la preuve
établit que l'accusé Michele Angerillo était un employé qui travaillait à cet endroit. Le fait que son
prénom apparaissait sur la carte
d'affaires (pièce P-35) auprès de celui de sa conjointe de fait, Brigitte
Chesnel, cela ne permet pas au
Tribunal de conclure hors de tout doute raisonnable qu'il avait un mot à dire sur la marche et
l'administration de la maison de débauche, ni qu'il exerçait un certain degré de contrôle sur
celle-ci.
[140] Aussi,
puisque le Tribunal conclut que la preuve n'établit pas hors de tout doute raisonnable que l'accusé Michele Angerillo tenait
la maison de débauche située au 1090 boul.
Rosemont, celui-ci est acquitté de cette accusation.
b) Sylvie
Brosseau
[141] Dans le dossier 199-120-601, l'accusée Sylvie Brosseau est
accusée d'avoir, entre le 21 février 1998 et le 21 novembre 1999, tenu une maison de débauche au 1090
boul. Rosemont commettant
ainsi un acte criminel prévu au par. 210(1) du Code criminel.
[142] En l'espèce, le Tribunal conclut que, tout au plus, l'accusée
Sylvie Brosseau était une employée travaillant au local du boul. Rosemont, et ce, à titre de préposée
au vestiaire ou de serveuse,
c'est-à-dire qu'elle servait aux clients la bière qu'ils avaient eux-mêmes apportée sur place. La preuve
n'établit pas qu'elle avait un certain degré de contrôle sur le soin et l'administration des
lieux, ni une participation dans une certaine mesure aux activités illicites qui avaient cours dans la
maison de débauche.
199-120-619 Page 39
[143] Aussi, puisque le Tribunal
conclut que la preuve n'établit pas hors de tout doute raisonnable que l'accusée Sylvie Brosseau tenait la maison de débauche
située au 1090 boul. Rosemont, celle-ci est acquittée de cette
accusation.
c)
Brigitte Chesnel
[144] Dans le dossier 199-120-676,
l'accusée Brigitte Chesnel est accusée d'avoir, entre le 21 février 1988 et le 21 novembre 1999, tenu une maison de débauche au 1090
boul. Rosemont commettant ainsi un acte criminel prévu au par. 210(1) du Code
criminel.
[145] La preuve démontre que
Brigitte Chesnel est la fille du coaccusé, Denis Chesnel, lequel était le propriétaire de l'immeuble dans le quel se trouvait le local
portant le numéro civique 1090 boul. Rosemont. Aux
dates alléguées, elle était également la conjointe de fait du coaccusé Michele Angerillo. Elle reconnaît d'emblée que c'est elle qui
organisait les soirées tant au 1090 boul. Rosemont qu'au local situé au
11470 rue London.
[146] Quant au local du boul.
Rosemont, elle a emprunté une somme d'environ 130 000 $ à son père, Denis Chesnel, et ce, pour apporter des modifications afin de rendre
les lieux plus fonctionnels pour ce genre d'activités sexuelles. À même
les profits de ces soirées, elle a réussi à
rembourser une partie importante de l'emprunt. Bien qu'elle n'ait jamais personnellement participé aux activités sexuelles
qui avaient lieu dans ces locaux, elle y était souvent présente pour voir à la
bonne marche des affaires. C'est elle qui payait les dépenses d'exploitation du local telles que les
annonces, l'entretien, les salaires des employés. Elle était aussi responsable
de la gestion de l'argent perçu auprès de la clientèle.
[147] Aussi, le Tribunal n'a aucun
hésitation à conclure que la preuve établit hors de tout doute raisonnable que l'accusée Brigitte Chesnel avait à la fois un haut degré de
contrôle sur le soin et l'administration des lieux
et qu'elle participait dans une certaine mesure (en supervisant, en permettant qu'elles aient lieu et en les encourageant) aux
activités illicites qui avaient cours dans cette maison
de débauche. Ce faisant, elle remplissait toutes les conditions retenues par la jurisprudence, ce qui faisait d'elle une
tenancière d'une maison de débauche.
[148] Aussi, puisque le Tribunal
conclut hors de tout doute raisonnable que l'accusée Brigitte Chesnel
tenait une maison de débauche au 1090 boul. Rosemont, celle-ci est déclarée
coupable de l'accusation telle que portée dans ce dossier.
199-120-619 Page 40
d) Denis
Chesnel
[149] Dans le dossier 199-120-957
l'accusé Denis Chesnel est accusé d'avoir, entre le 21 février 1998 et le 21
novembre 1999, tenu une maison de débauche au 1090 boul. Rosemont, commettant
ainsi un acte criminel prévu au par. 210(1) du Code criminel.
[150] La preuve établit que Denis Chesnel est le
père de la coaccusée Brigitte Chesnel et était le propriétaire de l'immeuble dans lequel se trouvait le local situé au
numéro civique 1090 boul. Rosemont. À la demande de sa fille, il lui a
prêté le local ci-dessus référé afin que celle-ci
y tienne des soirées où les clients pouvaient observer ou participer aux
activités sexuelles ci-devant plus
amplement décrites. De plus, il lui a prêté une somme approximative de 130 000 $ afin qu'elle apporte
au local des aménagements pour faciliter les activités sexuelles décrites. Il a reçu le remboursement d'une
grande partie de ce prêt. De plus, il
a fait imprimer des cartes d'affaires annonçant ce local et les numéros de téléphone
pour entrer en contact avec le responsable des lieux. La preuve a également établi qu'il a été vu sur les lieux à plusieurs
reprises alors que les activités sexuelles avaient cours au vu et au su de
tous. A au moins une occasion, pendant ces soirées, il a été vu alors qu'il faisait un ménage sommaire,
tel que ramasser des bouteilles vides, etc.
[151] De ces faits prouvés, le
Tribunal conclut que l'accusé avait, comme la jurisprudence l'exige, à la fois un certain contrôle sur le soin et l'administration des
lieux et qu'il participait dans une certaine mesure
(en supervisant, en permettant qu'elles aient lieu et en les encourageant) aux activités illicites qui avaient cours dans cette maison
de débauche. En ce sens, il était tenancier de la maison de débauche au
1090 boul, Rosemont.
[152] Ainsi, puisque le Tribunal
conclut hors de tout doute raisonnable que l'accusé Denis Chesnel
tenait une maison de débauche située au 1090 boul. Rosemont, celui-ci est déclaré
coupable de l'infraction telle que portée dans ce dossier.
e) Daniel
Rioux
[153] Dans le dossier 199-120-932,
l'accusé Daniel Rioux est accusé d'avoir, entre le 21 février 1998 et le 21
novembre 1999, tenu une maison de débauche au 1090 boul. Rosemont commettant
ainsi un acte criminel prévu au par. 210(1) du Code criminel.
[154] En l'espèce, le Tribunal
conclut que, tout au plus, l'accusé Daniel Rioux était un employé. À ce titre, il était responsable de la musique (disc-jokey), et à
l'occasion, il servait les
199-120-619 Page 41
boissons que les
clients avaient apportées sur place. La preuve n'établit pas qu'il avait un certain degré de contrôle sur le soin et l'administration des lieux, ni une
participation dans une certaine mesure aux activités
illicites qui avaient lieu dans la maison de débauche.
[155] Aussi, puisque le Tribunal
conclut que la preuve n'établit pas hors de tout doute raisonnable que l'accusé Daniel Rioux tenait la maison de débauche située
au 1090 boul. Rosemont, celui-ci est acquitté de cette accusation.
7) Les accusés Michele
Angerillo, Brigitte Chesnel et Denis Chesnel étaient-ils des tenanciers du
local situé au 11470 rue London?
a) Michele
Angerillo
[156] Dans le dossier 199-125-360,
l'accusé Michele Angerillo est accusé d'avoir, entre le 30 mai 1999 et le 7 décembre 1999, tenu une maison de débauche au 11470 rue
London, commettant ainsi un acte criminel prévu au par. 210(1) du Code criminel.
[157] En l'espèce, comme pour le local situé au 1090
boul. Rosemont, le Tribunal conclut que, tout
au plus, la preuve démontre que l'accusé était un employé qui travaillait à
l'occasion à ce local. La preuve
n'établit pas qu'il avait un certain degré de contrôle sur le soin et
l'administration des lieux, ni une participation dans une certaine mesure aux
activités illicites qui avaient cours dans la maison de débauche.
[158] Aussi, puisque le Tribunal
conclut que la preuve n'établit pas hors de tout doute raisonnable
que l'accusé Michele Angerillo tenait la maison de débauche située au 11470 rue
London, celui-ci est acquitté de cette accusation.
b) Brigitte
Chesnel
[159] Dans le dossier 199-125-287, l'accusée
Brigitte Chesnel est accusée d'avoir, entre le 30 mai 1999 et le 7 décembre 1989, tenu une maison de débauche au 11470 rue
London commettant ainsi un acte criminel prévu au par. 210(1) du Code criminel.
[160] Aux dates visées par la
dénonciation, le 11470 rue London était la propriété de Denis Chesnel, père de Brigitte Chesnel. Il lui a prêté ce local pour qu'elle y
organise des soirées du même type que celles
tenues sur le boul. Rosemont. Bien qu'elle n'ait jamais
199-120-619 Page 42
elle-même participé aux activités sexuelles qui avaient lieu dans ce local,
elle a reconnu qu'elle était l'organisatrice des
soirées qui s'y déroulaient et elle s'y trouvait souvent pour voir à la bonne marche des affaires. C'est elle qui payait pour les
dépenses, telles que les annonces, l'entretien,
les salaires des employés, etc. Elle était aussi responsable de la gestion de
l'argent perçu auprès de la clientèle.
[161] Aussi, comme pour le 1090
boul. Rosemont, le Tribunal n'a aucune hésitation à conclure que la preuve
établit hors de tout doute raisonnable que l'accusée Brigitte Chesnel avait à la fois un haut degré de contrôle sur le soin et l'administration des
lieux et qu'elle participait dans une certaine
mesure, (en encourageant, en supervisant et en permettant qu'elles aient lieu) aux activités illicites qui avaient cours dans cette
maison de débauche. Ce faisant, elle remplissait toutes
les conditions retenues par la jurisprudence qui faisaient d'elle une tenancière d'une maison de débauche.
[162] Aussi, puisque le Tribunal
conclut hors de tout doute raisonnable que l'accusée Brigitte Chesnel tenait
une maison de débauche au 11470 rue London, celle-ci est déclarée coupable de l'accusation telle que portée dans ce dossier.
c) Denis
Chesnel
[163] Dans le dossier 199-125-329,
l'accusé Denis Chesnel est accusé d'avoir, entre le 1er. janvier 1998 et le 7 décembre 1999, tenu une maison de
débauche au 11470 rue London, commettant ainsi un acte criminel prévu au par.
210(1) du Code criminel.
[164] Depuis au moins le 8 octobre
1997, l'accusé Denis Chesnel était propriétaire ou copropriétaire du 11470 rue London. Il a lui-même et par l'intermédiaire de
sa fille, Brigitte Chesnel, exploité les activités qui
se déroulaient à cet endroit. Il a fait faire des travaux pour augmenter
l'insonorisation du local et rendre les lieux plus fonctionnels et confortables pour ce genre d'activités sexuelles.
Il a également fait publier dans le Journal de Montréal de la publicité pour annoncer les soirées qui avaient lieu
au local de la rue London, ainsi que des cartes d'affaires (pièce P-36) sur
lesquelles apparaissaient les prénoms
« Denis et Danielle ». Le prénom « Denis » référait à sa personne et celui de « Danielle » à celui de sa conjointe de fait à
cette époque et copropriétaire du 11470 rue London, Mme Danielle Rochon. Denis Chesnel s'est rendu au
11470 rue London à plusieurs reprises
au moment où les activités sexuelles avaient lieu, bien que la preuve n'a pas démontré qu'il y ait personnellement
participé.
199-120-619 Page 43
[165] De ces
faits prouvés, le Tribunal conclut que l'accusé avait, comme la jurisprudence l'exige, à la fois un certain contrôle sur le soin et l'administration des
lieux et qu'il participait dans une certaine
mesure (en encourageant, en supervisant, en permettant qu'elles aient lieu) aux activités illicites qui avaient cours dans cette maison de
débauche. En ce sens, il était tenancier de la maison de débauche au 11470 rue
London.
[166] Aussi,
puisque le Tribunal conclut hors de tout doute raisonnable que l'accusé Denis
Chesnel tenait une maison de débauche au 11470 rue London, celui-ci est déclaré
coupable de l'infraction telle que portée dans ce dossier.
8) Denis Chesnel et Danielle
Rochon ont-ils commis l'infraction prévue à l'alinéa 210{2)c) du Code criminel?
a) Denis
Chesnel
[167] Dans
le dossier 199-125-303, l'accusé Denis Chesnel est accusé d'avoir, entre le 1er janvier 1997 et le 7 décembre 1999, à titre de propriétaire,
locateur, occupant ou ayant autrement la charge ou
le contrôle du local du 11470 rue London, permis que ce local soit employé aux
fins de maison de débauche.
[168] Comme
mentionné ci-dessus, dans l'arrêt Corbeil (supra), la Cour
suprême a analysé les éléments qui constituent
l'infraction de tenir une maison de débauche [par. 210(1 )] et celle de permettre qu'un local soit utilisé aux fins d'une maison de débauche
[al. 210(2)c)]. De cet arrêt, le Tribunal conclut que le premier élément
essentiel auquel réfère l'honorable juge en
chef Lamer, soit que « l'accusé doit avoir un certain degré de contrôle sur le
soin et l'administration des lieux » doit être présent dans les cas visés tant
au par. 210(1) que dans les cas visés
à l'ai. 210(2)c) du Code criminel. La distinction entre ces deux situations se situe au niveau de la deuxième
condition, c'est-à-dire la participation active à l'acte illicite dans
le cas du par. 210(1) par opposition à l'autorisation consciente sans participation de ce lieu aux fins d'une maison de
débauche, dans le cas de l'ai. 210(2)c).
[169] Or,
puisque dans le dossier 199-125-329, le Tribunal a déclaré l'accusé Denis
Chesne! coupable d'avoir tenu une maison de débauche au 11470 rue London pour
les mêmes dates, le Tribunal conclut que la preuve établit hors de tout doute
raisonnable, qu'en l'espèce, il a, à titre de propriétaire et occupant de ces
lieux, permis que ceux-ci soient
199-120-619 Page 44
utilisés aux fins
de maison de débauche. Ceci étant, le Tribunal ne peut le condamner pour cette infraction.
[170] En effet, la jurisprudence est à l'effet qu'un accusé ne peut
faire l'objet de plusieurs condamnations basées sur les mêmes faits. C'est la Cour suprême qui en a
décidé ainsi dans l'arrêt Kienapp/e c. La Reine, [1975] 1 R.C.S.
729. À ce sujet et parlant au nom de la majorité, l'honorable juge Laskin s'exprimait ainsi :
« À mon avis, l'expression " chose jugée " est celle qui exprime
le mieux la théorie qui empêche des
condamnations multiples pour le même délit, même si la chose ou affaire sert de fondement à deux infractions distinctes... »
[171] Aussi, en l'espèce, bien que le Tribunal conclut que la preuve
établit hors de tout doute raisonnable que l'accusé Denis Chesnel a commis l'infraction prévue à l'al.
210(2)c) du Code criminel, en
vertu du principe qui empêche les doubles condamnations basées sur les mêmes
faits, le Tribunal sursoit de façon conditionnelle au prononcé de la
culpabilité dans ce dossier.
b) Danielle Rochon
[172] Dans le dossier 199-125-345, l'accusée Danielle Rochon est
accusée d'avoir, entre le 1er janvier 1999 et le 7 décembre 1999, permis à titre de
propriétaire, occupante ou autrement ayant la charge ou le contrôle du local du
11470 rue London, permis que ce local soit employé aux fins de maison de débauche.
[173] Comme mentionné ci-dessus, Danielle Rochon a été la conjointe
de fait du coaccusé, Denis Chesnel.
L'acte notarié du 13 décembre 1999 (pièce D-18) établit qu'elle avait acquis de Denis Chesnel la moitié
indivise du 11470 rue London en date du 8 octobre 1997.
[174] Puis, en date du 13 décembre 1999, par acte notarié (pièce
D-18), elle a rétrocédé à Denis Chesnel pour « la somme de 1 $ et autres considérations » sa moitié
indivise de la propriété du 11470 rue London. Dans
cet acte notarié, à la page 2 sous le titre Possession, il y est
clairement stipulé que « le cessionnaire [Denis Chesnel], devient propriétaire de l'immeuble à compter de ce jour,
avec possession immédiate et occupation à compter du présent contrat ». [13 décembre 1999]
[175] En date du 18 janvier 2000, toujours par acte notarié (pièce
D-17), une correction était apportée à l'acte de rétrocession. Plus particulièrement, il était
maintenant mentionné que
199-120-619 Page 45
la « possession et l'occupation » du 11470 rue
London avait eu lieu rétroactivement au 1er février 1999.
[176] Le Tribunal n'accorde aucune crédibilité à ce troisième acte
notarié [pièce D-17], et ce, pour les raisons suivantes. Dans un acte rétrocession d'un immeuble, la
date effective de livraison de
l'immeuble n'est pas un élément accessoire et anodin. De plus, l'acte étant notarié, il y a une présomption
légale que le notaire instrumentant à lu devant les parties toutes les clauses du contrat,
qu'il s'est assuré que chacune d'elle en connaissait le sens, la portée et y donnait son
consentement éclairé. Il faut aussi rappeler que l'accusée a signé une promesse
de comparaître le 5 décembre 1999 et il apparaissait à la face de celle-ci que l'infraction qu'on
reprochait à Danielle Rochon couvrait la période entre le 1er janvier 1999 et le 7 décembre 1999.
[177] Dans ces
circonstances, le Tribunal est convaincu que l'acte notarié (pièce D-17) apportant une correction à la date de possession
et d'occupation de façon rétroactive au 1er février 1999, est un acte de pure complaisance qui a été
créé dans le seul but de disculper
l'accusée Danielle Rochon, en lui enlevant le titre de copropriétaire, occupant
ou d'une autre façon ayant la charge
ou le contrôle du 11470 rue London.
[178] Ceci étant, la preuve établit-elle hors de tout doute raisonnable
la commission de l'infraction par
Danielle Rochon?
[179] Le Tribunal est d'avis qu'il faut répondre à cette question par
la négative. En effet, comme le rappelle la Cour suprême dans l'arrêt Corbeil (supra), il
faut, pour être trouvé coupable de l'infraction prévue à l'ai. 210(2)c), que « l'accusé ait un certain
degré de contrôle sur le soin et l'administration des lieux ». La distinction entre tenir une maison
de débauche et permettre qu'un local soit employé comme une maison de débauche
se situe au niveau de la deuxième condition, c'est-à-dire la participation
active à l'acte illicite dans le cas du par. 210(1) [tenir] par opposition à
l'autorisation consciente sans participation de ce lieu aux fins d'une maison de débauche, dans le cas de
l'ai. 210(2)c) [permettre].
[180] Or, en l'espèce, le Tribunal conclut que, tout au plus, la preuve
établit que l'accusée s'est trouvée sur les lieux à deux occasions au moment où des activités sexuelles
avaient lieu. Les deux fois,
elle agissait comme réceptionniste et comme serveuse en l'absence des
tenanciers Denis Chesnel et Brigitte Chesnel.
199-120-619 Page 46
[181] Quant au fait que son prénom
apparaissait sur les cartes d'affaires référant au 11470 rue London, « Denis et Danielle », elle l'explique dans sa déclaration aux
policiers (pièce P-41) comme étant une stratégie commerciale pour attirer des
couples à cet endroit. Le Tribunal n'a pas de raison de douter de la véracité de
cette explication par ailleurs logique.
[182] Bref, de la preuve acceptée, le Tribunal ne
peut conclure hors de tout doute raisonnable que
l'accusée Danielle Rochon avait un certain contrôle sur le soin et
l'administration des lieux. En
conséquence, le tribunal acquitte l'accusée dans ce dossier.
9) Mélanie
Bouchard, Sylvie Brosseau, Brigitte Chesnel, Denis Chesnel, Stéphanie Lecompte et Daniel Rioux
ont-ils commis l'infraction d'avoir été trouvés sans excuse légitime dans la maison de
débauche du 1090 boul. Rosemont?
[183] Comme mentionné ci-dessus,
l’al. 210(2)b) du Code criminel rend coupable d'une infraction punissable sur déclaration de culpabilité par procédure sommaire
quiconque est trouvé, sans excuse légitime, dans
une maison de débauche. Ainsi, la poursuite doit prouver
que l'accusé a été trouvé dans la maison de débauche, et ce, sans excuse légitime.
[184] Dans l'arrêt R. c. Polovsky, R.J.P.Q.
89-229 (C.M.), il a été décidé que l'infraction créée par cet alinéa consiste à avoir été trouvé dans une maison de débauche,
à l'exclusion du seul fait de
fréquenter ou de s'être trouvé dans une telle maison. Pour qu'un accusé soit déclaré coupable, la preuve doit démontrer qu'il
a été trouvé dans la maison de débauche le jour précisé dans la dénonciation.
[185] De plus, le fait de
travailler dans la maison de débauche à un emploi qui facilite l'exploitation de cette maison et de s'y trouver à ce titre, ne constitue
pas une excuse légitime. Il en sera ainsi par
exemple d'une réceptionniste, d'une serveuse, d'un responsable de la
musique (disc-jockey), d'un maître de cérémonie, etc.
a) Mélanie
Bouchard
[186] Dans le dossier 100-043-967, il est reproché
à Mélanie Bouchard, le 20 novembre 1999, d'avoir
été trouvée, sans excuse légitime, dans la maison de débauche du 1090 boul. Rosemont.
199-120-619 Page 47
[187] Le Tribunal a déjà statué qu'à cette date, ce local était une
maison de débauche. Bien que la preuve établit que l'accusée à quelques reprises a été vue dans le local
du 1090 boul. Rosemont, il n'y
a pas de preuve à l'effet que le 20 novembre 1999, l'accusée Mélanie Bouchard a été trouvée sur les
lieux, ce qu'exigé la jurisprudence pour qu'elle puisse être déclarée coupable de cette
infraction. En conséquence, le Tribunal acquitte l'accusée de l'infraction portée contre elle dans
le présent dossier.
b) Sylvie Brosseau
[188] Dans le dossier 199-120-593, il est reproché à Sylvie Brosseau,
le 20 novembre 1999, d'avoir été trouvée, sans excuse légitime, dans la maison
de débauche du 1090 boul. Rosemont.
[189] Le Tribunal a déjà statué qu'à cette date, ce local était une
maison de débauche. De plus, la preuve établit hors de tout doute raisonnable que l'accusée se trouvait
sans excuse légitime dans ce
local. Plus particulièrement, elle agissait à titre de préposée au vestiaire. En conséquence, le tribunal déclare
Sylvie Brosseau coupable de l'infraction de s'être trouvée sans excuse légitime
dans une maison de débauche le tout en contravention à l'article 210(2)b) du Code criminel.
c) Brigitte
Chesnel
[190] Dans le dossier 199-120-650, il est reproché à Brigitte Chesnel,
le 20 novembre 1999, d'avoir été
trouvée, sans excuse légitime, dans la maison de débauche du 1090 boul. Rosemont.
[191] Le Tribunal a déjà conclu qu'à cette date, ce local était une
maison de débauche. De plus, la preuve établit hors de tout doute raisonnable que l'accusée se trouvait
sans excuse légitime dans ce
local. Plus particulièrement, en date du 20 novembre 1999, elle agissait à titre de réceptionniste et
responsable de la bonne marche des affaires. En conséquence, le Tribunal déclare Brigitte Chesnel
coupable de l'infraction de s'être trouvée sans excuse légitime dans une maison de débauche le
tout en contravention avec l'article 210(2) b) du Code criminel.
199-120-619 Page 48
d) Denis
Chesnel
[192] Dans le dossier
199-120-965, il est reproché à l'accusé Denis Chesnel, le 20 novembre 1999, d'avoir été trouvé, sans excuse légitime, dans la maison de débauche
du 1090 boul. Rosemont,
[193] Le Tribunal a déjà conclu
qu'à cette date, ce local était une maison de débauche. Cependant, bien que tenancier de cette maison de débauche, il n'y a aucune
preuve à l'effet que le 20 novembre 1999, l'accusé Denis
Chesnel a été trouvé sur les lieux, ce qu'exigé la jurisprudence
pour que l'accusé soit déclaré coupable de cette infraction. En conséquence, le Tribunal acquitte l'accusé de l'infraction portée contre
lui dans ce dossier.
e) Stéphanie
Lecompte
[194] Dans le dossier 100-043-942,
il est reproché à l'accusée Stéphanie Lecompte, le 20 novembre 1999, d'avoir été trouvée, sans excuse légitime, dans la maison
de débauche du 1090 boul. Rosemont
[195] Le Tribunal a déjà conclu
qu'à cette date, ce local était une maison de débauche. De plus la preuve établit hors de tout doute raisonnable qu'en date du 20 novembre
1999, l'accusée se trouvait sans excuse légitime dans ce
local. Plus particulièrement, elle agissait à titre de
serveuse des boissons alcooliques que les clients avaient apportées sur place. En conséquence, le Tribunal déclare Stéphanie Lecompte coupable de
l'infraction de s'être trouvée sans excuse
légitime dans une maison de débauche, le tout contrairement à
l'article 210(2)b) du Code criminel.
f) Daniel
Rioux
[196] Dans le dossier
199-120-940, il est reproché à l'accusé Daniel Rioux, le 20 novembre 1999, d'avoir été trouvé sans excuse légitime, dans la maison de débauche
du 1090 boul. Rosemont.
[197] Le Tribunal a déjà conclu
qu'à cette date, ce local était une maison de débauche. Cependant, bien que la preuve établit que l'accusé a été vu à cet endroit à
plusieurs reprises, nommément à titre de responsable de la
musique (disc-jockey), il n'y a pas de preuve à l'effet
que le 20 novembre 1999, il s'y est trouvé, comme l'exige la jurisprudence
199-120-619 Page 49
pour que l'accusé puisse être déclaré coupable. En conséquence, le Tribunal acquitte l'accusé de
l'infraction telle que portée contre lui dans ce dossier.
10) Brigitte
Chesnel, Stéphanie Lecompte et Daniel Rioux ont-ils commis l'infraction d'avoir été trouvés
sans excuse légitime dans la maison de 11470 rue London?
[198] Dans le dossier 199-125-279,
il est reproché à Brigitte Chesnel, le 5 décembre 1999, d'avoir
été trouvée, sans excuse légitime, dans ia maison de débauche du 11470 rue London.
[199] Le Tribunal a déjà conclu
qu'à cette date, ce local était une maison de débauche. De plus, la preuve en l'espèce établit hors de tout doute raisonnable qu'en date du
5 décembre 1999, l'accusée se trouvait dans ce local, et ce,
sans excuse légitime. Plus particulièrement, elle agissait à titre de
réceptionniste et de tenancière responsable de l'administration et de la bonne marche des affaires. En conséquence, le
Tribunal déclare Brigitte Chesnel
coupable de s'être trouvée sans excuse légitime dans une maison de débauche,
le tout contrairement à l'article 210(2)b) du Code criminel.
a) Stéphanie
Lecompte
[200] Dans le dossier 100-060-458,
il est reproché à l'accusée Stéphanie Lecompte, le 5 décembre 1999, d'avoir été trouvée, sans excuse légitime, dans la maison de
débauche du 11470 rue London.
[201] Le Tribunal a déjà conclu
qu'à cette date, ce local était une maison de débauche. Cependant, bien que la preuve établit que l'accusée Stéphanie Lecompte a
déjà été vue à cet endroit, il n'y a pas de
preuve à l'effet que le 5 décembre 1999, elle s'y soit trouvée, ce qu'exigé la jurisprudence pour que l'accusée puisse être déclarée
coupable. En conséquence, le Tribunal acquitte
l'accusée de l'infraction telle que portée contre elle dans ce dossier.
199-120-619 Page 50
b) Daniel Rioux
[202] Dans le dossier 100-060-953, il est reproché à l'accusé Daniel
Rioux, le 5 décembre 1999, d'avoir été trouvé, sans excuse légitime, dans la maison de débauche du
11470 rue London.
[203] Le Tribunal a déjà conclu qu'à cette date, ce local était une
maison de débauche. De plus, la preuve en l'espèce établit hors de tout doute raisonnable que l'accusé
se trouvait le 5 décembre 1999
dans ce local, et ce, sans excuse légitime. Plus particulièrement, il agissait à titre de responsable de
la musique (disc-jockey). En conséquence, le Tribunal déclare Daniel Rioux coupable de s'être trouvé
sans excuse légitime dans une maison de débauche, le tout contrairement à l'article 210(2)b) du Code criminel.
[204] Dans le dossier
199-120-619, le Tribunal déclare l'accusé Michele Angerillo non coupable de l'accusation d'avoir tenu une maison de débauche
au 1090 boul. Rosemont.
[205] Dans le dossier
199-120-601, le Tribunal déclare l'accusée Sylvie Brosseau non coupable de l'accusation d'avoir tenu une maison de débauche
au 1090 boul. Rosemont.
[206] Dans
le dossier 199-120-676, le Tribunal déclare l'accusée Brigitte Chesnel
coupable d'avoir tenu une maison de débauche au 1090 boul. Rosemont.
[207] Dans le dossier
199-120-957, le Tribunal déclare l'accusé Denis Chesnel coupable de l'accusation d'avoir tenu une maison
de débauche au 1090 boul. Rosemont.
[208] Dans le dossier
199-120-932, le Tribunal déclare l'accusé Daniel Rioux non coupable de l'accusation d'avoir tenu une maison
de débauche au 1090 boul. Rosemont.
[209] Dans le dossier
199-125-360, le Tribunal déclare l'accusé Michele Angerillo non coupable de l'accusation d'avoir tenu une maison de
débauche au 11470 rue London.
[210] Dans le dossier 199-125-287, le Tribunal déclare l'accusée Brigitte
Chesnel coupable de l'accusation d'avoir tenu une maison de débauche au
11470 rue London.
199-120-619 Page 51
[211] Dans le dossier 199-125-329, le Tribunal
déclare l'accusé Denis Chesnel coupable de l'accusation d'avoir tenu une
maison de débauche au 11470 rue London.
[212] Dans le dossier 199-125-345,
le Tribunal déclare l'accusée Danielle Rochon non coupable de l'accusation d'avoir permis que
le local du 11470 rue London soit employé aux fins d'une maison
de débauche.
[213] Dans le dossier 199-125-303, le Tribunal
déclare l'accusé Denis Chesnel coupable de l'accusation d'avoir permis que le local du 11470 rue London soit
employé aux fins d'une maison de débauche.
[214] Dans le dossier 100-043-967,
le Tribunal déclare l'accusée Mélanie Bouchard non coupable de l'accusation de s'être trouvée
sans excuse légitime dans la maison de débauche au 1090 boul, Rosemont.
[215] Dans le dossier 199-120-593,
le Tribunal déclare l'accusée Sylvie Brosseau coupable de l'accusation
de s'être trouvée sans excuse légitime dans la maison de débauche du 1090 boul Rosemont.
[216] Dans le dossier 199-120-650,
le Tribunal déclare l'accusée Brigitte Chesnei coupable de
l'accusation de s'être trouvée sans excuse légitime dans la maison de débauche
du 1090 boul. Rosemont.
[217] Dans le dossier 199-120-965,
le Tribunal déclare l'accusé Denis Chesnel non coupable de
l'accusation d'avoir été trouvé sans excuse légitime dans la maison de débauche
du 1090 boul. Rosemont.
[218] Dans le dossier 100-043-942,
le Tribunal déclare l'accusée Stéphanie Lecompte coupable d'avoir été trouvée sans excuse
légitime dans la maison de débauche du 1090 boul. Rosemont.
[219] Dans le dossier 199-120-940, le Tribunal
déclare l'accusé Daniel Rioux non coupable de l'accusation d'avoir été
trouvé sans excuse légitime dans la maison de débauche du 1090 boul. Rosemont.
199-120-619 Page 52
[220] Dans le dossier 199-125-279, le Tribunal
déclare l'accusée Brigitte Chesnel coupable de l'accusation d'avoir été trouvée sans excuse légitime dans la maison
de débauche du 11470 rue London.
[221] Dans le dossier 100-060-458,
le Tribunal déclare l'accusée Stéphanie Lecompte non coupable de
l'accusation d'avoir été trouvée sans excuse légitime dans la maison de débauche du
11470 rue London.
[222] Dans le dossier 100-060-953,
le Tribunal déclare l'accusé Daniel Rioux coupable d'avoir été trouvé
sans excuse légitime dans la maison de débauche du 11470 rue London.
DENIS BOISVERT,
J.C.M.V.M.