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Jugement pour remise en liberté des propriétaires du club O-Corps-Donné



Le livre L'échangisme, un phénomène de société





Copie conforme du jugement du 2 juillet 2004

Également disponible en format Word à l'AÉQSA.
Voyez la requête qui avait initié ce jugement.


 

 

JB 3778

 
 

COUR SUPÉRIEURE

(Chambre criminelle)

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

DISTRICT DE

BEDFORD

 

N° :

455-36-000068-049

 

 

 

DATE :

2 juillet 2004

______________________________________________________________________

 

SOUS LA PRÉSIDENCE DE :

L’HONORABLE

MARTIN BUREAU, J.C.S.

______________________________________________________________________

 

 

JEAN-LUC CHAUVEL

Et

LOUISE HUARD

Requérants

c.

LA REINE

            Intimée

 

______________________________________________________________________

 

JUGEMENT SUR LA REQUÊTE AMENDÉE EN RÉVISION DES

CONDITIONS DE REMISE EN LIBERTÉ

______________________________________________________________________

 

[1]                Les conditions de remise en liberté imposées aux requérants à la suite de leur arrestation doivent-elles faire l'objet d'une révision?  Voici la question soumise au tribunal dans le présent dossier.

LES PARTIES ET LES PROCÉDURES:

[2]                Les requérants sont accusés d'avoir:

"Entre le 1 décembre 2003 et le 22 mai 2004, à St-Alphonse de Granby, district de Bedford, a tenu une maison de débauche située au 95, rue Authier, commettant ainsi l'acte criminel prévu à l'article 210.1 du Code criminel."

[3]                Le 4 juin 2004, les requérants sont arrêtés à leur domicile, endroit où ils auraient, selon l'acte d'accusation, tenu leur maison de débauche.  Ils sont par la suite amenés au poste de la Sûreté du Québec à Cowansville. 

[4]                Dans l'impossibilité de rejoindre leur procureur, ils décident de ne pas en consulter un autre, bien qu'on le leur ait offert.  Après une certaine période de temps, ils font individuellement des déclarations aux policiers lesquelles sont consignées par écrit.

[5]                Ils sont par la suite transportés au Palais de Justice à Granby où, après que des procédures de fouille et de sécurité soient accomplies, on les amène devant un juge de la Cour du Québec, chambre criminelle. 

[6]                Lors de leur arrivée dans la salle d’audience, la procureure de la Couronne indique au juge qu'elle n'a pas d'objection à une remise en liberté moyennant certaines conditions qu'elle exprime alors.

[7]                Les requérants ne réagissent d'aucune façon aux commentaires de la procureure de la Couronne.  Le juge ne s'enquiert pas de leur consentement à de telles conditions et ordonne leur mise en liberté sur signature d'un engagement à être présents au tribunal le 12 juillet 2004 et à respecter les conditions suivantes:

"1.  Garder la paix, avoir une bonne conduite.  Etre présent devant la Cour lorsque requis.

 

2.  Demeurer au 95, RUE AUTHIER, ST-ALPHONSE DE GRANBY, (QUÉBEC) J2K 3G6.

 

3.  Aviser la Cour préalablement et par écrit de tout changement d'adresse.

 

4.  Autres conditions:

 

A.  INTERDICTION D'ORGANISER DES SOIRÉES D'ÉCHANGISTES.

 

B.  INTERDITION DE FAIRE DE LA PUBLICITÉ CONCERNANT LE (CERCLE DES AMIS LIBERTAINS DE GRANBY).

 

C.  INTERDICTION D'AVOIR UNE ADRESSE INTERNET AINSI QU'UN SITE INTERNET."

[8]                Après avoir complété par leurs signatures le formulaire «Promesse remise à un juge de paix ou à un juge», les requérants obtiennent leur libération.

[9]                C'est à la suite de cette libération qu'ils auraient pris conscience véritablement des conditions qui leur sont imposées.  Après avoir exposé tous les faits à leur procureur, celui avec lequel ils auraient aimé communiquer lors de leur arrestation, les requérants formulent une requête en révision des conditions de remise en liberté (art. 520 Code criminel) et ensuite une requête amendée.

[10]            Ils invoquent dans ces procédures et les affidavits qui les accompagnent plusieurs motifs qui, selon eux, justifient une révision des conditions qui leur ont été imposées.  On peut résumer sommairement ces motifs de la façon suivante:

- Ils n'étaient pas conseillés par avocat, ne savaient pas qu'ils pouvaient contester les conditions et qu'il leur était préférable de consulter un avocat avant de signer les engagements.

- Les conditions imposées sont inutiles, abusives, déraisonnables, disproportionnées, illégales et sans motif suffisant pour les justifier parce qu'aucune loi au Canada n'interdit l'échangisme et les clubs échangistes.

- Les conditions imposées sont vagues, ambiguës et restreignent leurs droits fondamentaux.

- Les conditions imposées équivalent à leur interdire d'opérer un commerce légitime.  Ils sont accusés d'avoir tenu une maison de débauche et non pas d'avoir organisé des activités d'échangistes.  Le crime dont ils sont accusés n'implique aucune violence ou menace pour la sécurité du public.

-         Les conditions imposées affectent la présomption d'innocence.

LE CONTEXTE JURIDIQUE :

[11]            Le présent dossier concerne donc le phénomène des clubs échangistes, lequel a fait l'objet directement ou indirectement, à l'heure actuelle, de deux décisions en Cour municipale de Montréal, soit les affaires La Reine c. Jean-Paul Labaye[1] et La Reine c. Angerillo et al[2].

[12]            La première décision, à laquelle on réfère souvent comme étant le dossier du Club l'Orage, a été portée en appel.  La Cour d'appel, qui a entendu les arguments respectifs des parties à l'automne 2003, devrait prononcer sa décision prochainement.

[13]            La deuxième affaire à laquelle on réfère également à l'occasion comme étant le dossier de Michel et Brigitte n'a pas fait l'objet d'appel.

[14]            Dans ces deux décisions, des condamnations ont été prononcées et certaines personnes ont été trouvées coupables d'avoir tenu une maison de débauche.

[15]            Toutefois, dans la plus récente décision, celle de R. c. Angerillo et al, monsieur le juge Denis Boisvert de la Cour municipale de Montréal, après s'être posé la question suivante: "L'échangisme et les clubs d'échangistes sont-ils légaux au Canada?" en est arrivé à la conclusion suivante:[3]

"[132] Le Tribunal conclut donc que l'échangisme et les clubs d'échangistes ne sont pas illégaux au Canada si les échanges sexuels ont lieu en privé.  Si les échanges sexuels ont lieu en public, ils sont illégaux car ils se situent sous le seuil de tolérance de la société canadienne contemporaine qui n'accepte pas que d'autres Canadiens, même adultes, avertis et consentants y participent."

[16]            C'est en se fondant en grande partie sur cette dernière décision que les requérants basent leurs arguments et affirment que les conditions qui leur ont été imposées sont d'une part imprécises, d'autre part inapplicables et enfin portent atteinte à la présomption d'innocence.

LE POUVOIR D’INTERVENTION DE LA COUR SUPÉRIEURE :

[17]            D'entrée de jeu, lors de l'audition devant le présent tribunal, la procureure de la Couronne a reconnu que l'imposition des conditions s'était faite rapidement, sans que les requérants n'aient consulté un avocat et sans qu'ils se soient enquis de leur nature ou sans qu'elles leur aient été expliquées soit par elle-même, soit par le juge qui les a imposées. 

[18]            Les dispositions de l'article 520(7) du Code criminel permettent que le juge de la Cour supérieure, si une preuve nouvelle lui est présentée, intervienne et modifie les conditions déjà imposées par le juge de paix.  Pour ce faire, il doit après mure réflexion en venir "à la conclusion qu'il ne peut, en son âme et conscience, se réconcilier avec une décision différente."[4]

[19]            Dans le présent cas, bien que les dispositions de l'article 515(4)f) permettent au juge de paix d'ordonner aux prévenus d'observer telles autres conditions raisonnables qu'il estime opportunes, aucun motif, aucune justification n'ont été donnés.  Le tout s'est déroulé comme s'il n'y avait pas de contestation de celles-ci et qu'elles étaient ainsi imposées de consentement.

[20]            La preuve est à l'effet que les requérants n'ont aucun casier judiciaire et que c'était leur première présence à la Cour.  Ils n'ont pas compris toutes les subtilités du processus auquel ils étaient soumis.  Aucune preuve n'a été apportée par la Couronne, aucune raison n'a été invoquée pour requérir de telles conditions et aucun motif n'a été prononcé pour les imposer. 

[21]            Il apparaît ainsi que le tribunal peut raisonnablement en arriver à la conclusion qu'il a le pouvoir de réviser cette décision, d'autant plus qu'une preuve complète par témoins, par admissions et par dépôt de pièces a été administrée dans le cadre de la présente requête. L'enquête et l'audition sur la présente requête ont duré près d'une journée et demie.

[22]            Le tribunal se considère donc justifié d'intervenir et de réexaminer toutes les conditions imposées sur la base de cette preuve nouvelle.  Il se considère d’ailleurs presque comme agissant en première instance, compte tenu des circonstances particulières au présent dossier.

LA JUSTIFICATION DE CONDITIONS POUR LA REMISE EN LIBERTÉ :

[23]            Il y a maintenant lieu de déterminer aux lieu et place du juge de paix s'il faut assortir la promesse d'être présent au tribunal de certaines conditions tel que le prévoit l'article 515 du Code criminel et si celles imposées sont adéquates.

[24]            Parmi les pouvoirs qui sont accordés au juge de paix relativement aux conditions qu'il peut imposer aux termes du paragraphe 2 de l'article 515, on retrouve généralement des conditions permettant d'assurer la présence du prévenu lors de la prochaine audition devant le tribunal.  Certaines autres conditions peuvent être imposées dans le but de protéger la victime ou les témoins.  Enfin, comme le précise l'alinéa f) de l'article 515(4), le juge de paix peut également ordonner au prévenu de:

"f) observer telles autres conditions raisonnables, spécifiées dans l'ordonnance, que le juge de paix estime opportunes."

[25]            Y a-t-il lieu dans le présent cas de maintenir celles qui ont déjà été ordonnées, faut-il les annuler entièrement ou devrait-on les modifier en tout ou en partie?

[26]            Dans un premier temps, il est apparu de la preuve et des arguments tant du procureur de la poursuite que du procureur des requérants, que les trois premières conditions apparaissant à la promesse ne faisaient pas problème et qu'elles pouvaient être maintenues telles quelles, soit:

"1.  Garder la paix, avoir une bonne conduite.  Etre présent devant la Cour lorsque requis.

 

2.  Demeurer au 95, RUE AUTHIER, ST-ALPHONSE DE GRANBY, (QUÉBEC) J2K 3G6.

 

3.  Aviser la Cour préalablement et par écrit de tout changement d'adresse."

[27]            Ce sont uniquement les autres conditions sur lesquelles il y a débat.

[28]            La procureure de la Couronne suggère, compte tenu de l'état actuel de la jurisprudence en ce qui concerne les maisons de débauche et les clubs échangistes et compte tenu de certains critères suggérés par le juge Boisvert dans la décision de R. c. Angerillo et al, qu’il fallait imposer certaines conditions.  Elle a mentionné que les conditions suivantes pourraient être imposées:

1- Dans le cadre de l'organisation d'activités échangistes, qu'aucun attouchement sexuel ne soit permis sauf dans les chambres situées au sous-sol de la maison et que le tout se fasse derrière des portes fermées à clef.

2- Qu'il n'y ait pas plus de dix personnes par chambre.

3- Qu'aucun coût d'entrée ne soit imposé.

4- Qu'aucune publicité ne soit faite pour ces rencontres.

5- Qu'il soit interdit d'opérer un site internet dédié à la promotion de ces rencontres.

[29]            Les suggestions de la procureure de la Couronne sont fondées sur certains principes, émis par la Cour suprême du Canada dans les arrêts  R. c. Marra[5] et R. c. Tremblay[6], relatifs à la qualification d'endroits privés et d'endroits publics, aux activités ayant lieu dans des endroits privés et aux normes de tolérance de la société.

[30]            La recommandation de la procureure de la Couronne se veut, plaide-t-elle, dans le prolongement de la décision de monsieur le juge Boisvert.  Bien que celui-ci ait déclaré, dans ce qu'on peut toutefois considérer d'obiter, que l'échangisme et les clubs échangistes ne sont pas illégaux au Canada, il a précisé « si les échanges sexuels ont lieu en privé ».

[31]            Le procureur des requérants se dit en total désaccord avec les suggestions ou les recommandations de la procureure de la Couronne.  Selon lui, imposer de telles conditions ou imposer celles qui sont présentement en vigueur, n'est fondé sur aucune justification.  Ces conditions porteraient atteinte aux droits fondamentaux des requérants et transgresseraient la présomption d'innocence.

[32]            Bien qu'aucune des parties ne l'ait soulevé de façon spécifique au tribunal, la question qui lui est soumise n'est pas nouvelle.  Elle a fait l'objet d'au moins deux décisions sur le sujet il y a maintenant plus de neuf ans.

[33]            Il s'agit de décisions prononcées le 7 mars 1995 par l'honorable André Biron dans la cause de Pelletier c. R.[7] et le 6 avril 1995 par l'honorable Yves Mayrand dans le dossier Hamel c. R[8].

[34]            Dans les deux cas il s'agissait, comme dans celui qui nous concerne, d'une demande de révision en vertu de l'article 520 du Code criminel concernant des conditions imposées par un juge de paix en vertu de l'article 515(4)f) du Code criminel.

[35]            Dans les deux cas pratiquement identiques, il s'agissait pour le tribunal d'évaluer les conditions de mise en liberté imposées à des prévenus accusés d'avoir tenu une maison de débauche en contravention de l'article 210(1) du Code criminel.

[36]            Dans les deux cas, ce qui était reproché aux inculpés est résumé de la façon suivante par l'honorable Yves Mayrand:[9]

"Cette affaire concerne le phénomène des danses connues sous le vocable de "les danses à 10,00 $" exécutées par des danseuses, dans des isoloirs, alors qu'elles ont un client devant elle et que ce client touche au sein, aux fesses et au corps de cette danseuse."

[37]            À l'époque, certaines décisions avaient déjà été prononcées relativement à la légalité de tels gestes, mais l'état du droit n'était pas encore déterminé de façon définitive.

[38]            Dans le présent dossier, les actes reprochés aux requérants sont différents de ceux alors reprochés aux inculpés et pour lesquels les juges Biron et Mayrand avaient à décider s'il fallait modifier les conditions en vertu de l'article 515(4)f).  Toutefois, leur légalité et les circonstances qui pourraient faire en sorte que dans certains cas ils sont légaux et dans d'autres non, font encore l'objet d'une certaine controverse.  Celle-ci sera peut-être en tout ou en partie réglée par la décision que doit prononcer prochainement la Cour d'appel dans le dossier R. c. Labaye.

[39]            Il n'en demeure pas moins que les principes alors énoncés et mis en application par les honorables Biron et Mayrand doivent trouver ici application. 

[40]            Les parties n'ayant aucune d'elles soumis ou soulevé l'une ou l'autre de ces décisions, il apparaît opportun d'en reproduire de larges extraits, même si la décision de Hamel c. R. est rapportée dans les rapports de jurisprudence. Voici donc les extraits que le tribunal considère les plus pertinents:[10]

"C'est en vertu de l'article 515 (4) f) du Code criminel que le présent juge de paix a déterminé qu'il était justifié d'imposer cette condition, qui éliminait à toutes fins pratiques les danses dans les isoloirs. Cet article se lit ainsi:

 

"(4) [Conditions autorisées] Le juge de paix peut ordonner, comme conditions [...] que le prévenu fasse celle ou celles des choses suivantes que spécifie l'ordonnance:

 

[...]

 

f) observer telles autres conditions raisonnables, spécifiées dans l'ordonnance que le juge de paix estime opportunes."

 

             À l'article 515 (4), le juge de paix est devant une personne présumée innocente du crime pour lequel elle comparaît devant lui. À l'article 737, la position est différente: le juge de paix a devant lui une personne qui a été déclarée coupable hors de tout doute raisonnable du crime qui lui avait été reproché. Et c'est pourquoi l'article 737 (2) h) dit:

 

"Le Tribunal peut prescrire comme conditions…

 

[...]

 

h) observer telles autres conditions raisonnables que le tribunal considère souhaitables pour assurer la bonne conduite de l'accusé et l'empêcher de commettre de nouveau la même infraction ou de commettre d'autres infractions."

 

              L'honorable juge Lamer, lorsqu'il siégeait à la Cour d'appel, avait étudié cette question dans une cause qui émanait de la Cour municipale de Montréal, où il renversait un jugement de l'honorable juge Stalker, de ladite cour. Il s'agit de l'arrêt Keenan c. Stalker[11](14), où le juge Stalker, dans le cas d'une personne trouvée dans une maison de débauche, avait ordonné que cette personne subisse un examen médical et que sa remise en liberté soit assujettie à un tel examen. L'honorable juge Lamer en profitait pour analyser la situation, et je pense qu'il est utile de le citer.

 

Quels sont les pouvoirs que confère le Code criminel au juge de paix? Je cite cet arrêt de Keenan où l'honorable juge Lamer dit[12](15):

 

"Le pouvait‑il, eu égard aux pouvoirs que lui confère le Code criminel? C'est la seule question dont je traite ici.

 

À cette fin cernons davantage le problème. Au départ on doit noter que le juge qui décide d'un cautionnement est dans une situation bien différente de celle où il décide des conditions d'une ordonnance de probation.

 

La présomption d'innocence écartée et le crime prouvé, le juge est dès lors autorisé au nom de la société à intervenir dans la vie privée du coupable pour procéder au besoin à la neutralisation de la dangerosité qu'aurait dans l'hypothèse révélée le procès. [...]

 

Il en est cependant autrement lorsqu'il s'agit d'une condition d'un engagement qu'offre un juge à un prévenu comme alternative à l'emprisonnement en attendant le procès.

 

À ce stade des événements la nature des activités du juge diffère grandement de celle de la détermination des mesures sentencielles. L'accusé est présumé innocent. La société n'a pas voulu se donner le droit d'envahir la vie privée du prévenu dans la même mesure qu'elle se le reconnaît dans le cas de celui dont la marginalité a été prouvée hors de toute doute raisonnable.

Le Code criminel, tout en édictant les critères qui président à l'incarcération d'un prévenu, nous décrit au par. (7) de l'art. 457 [aujourd'hui 515] la nature du rôle que remplit le juge en matière de cautionnement.

 

À ceux qui pourraient douter de la pertinence de ces critères pour baliser les pouvoirs du juge d'imposer des conditions, je dois rappeler que le prévenu qui choisit de ne pas souscrire à un engagement que détermine le juge est incarcéré."

 

             On retrouve au paragraphe 10 de l'article 515 une description des buts recherchés par le juge de paix, et là je cite de nouveau l'honorable juge Lamer[13](16):

 

"On s'aperçoit qu'ils sont divers et pourraient se regrouper comme suit:

 

(1) s'assurer de la présence du prévenu devant la cour;

 

(2) protéger l'intérêt public, et ce, entre autres façons de ce faire, en s'assurant qu'il n'interviendra pas de façon illégale dans le déroulement des procédures; et

 

(3) protéger le public en l'empêchant de profiter de sa liberté pour commettre des actes criminels.

 

Il saute aux yeux que les deux premiers buts que recherche le cautionnement diffèrent grandement du troisième en ce que par ce dernier la société se permet d'entrer par anticipation dans les circonstances de l'affaire et d'évaluer les risques d'une récidive ou qu'il commette un autre crime en regard des circonstances de l'infraction reprochée et de la personnalité de l'inculpé.

 

Le pouvoir d'incarcérer ou d'imposer des conditions à l'élargissement du prévenu se justifie et se trouve limité par ce souci de neutraliser le temps qu'il faut ces facteurs qui par hypothèse sont dangereux pour la société. En somme, cette connexité qui doit exister de façon générale en matière sentencielle et en matière de cautionnement doit, lorsqu'il s'agit, avant procès, de protéger le public d'une dangerosité «appréhendée», être de nature causale en ce que la dangerosité que l'on se permet de contrôler par l'imposition d'une condition doit être de quelque façon une des causes du crime qu'on lui a reproché ou pourrait l'être d'un autre. La mesure, tout bénéfiques que puissent être ses effets, dont l'impertinence (non‑pertinence) est due à une absence de «cette causalité», relève d'une activité qui n'a rien à voir avec celle d'un juge de paix décidant d'un cautionnement, et par voie de conséquence est ultra vires des pouvoirs de celui‑ci. Si la mesure est de celles qui cherchent à contrer un facteur de dangerosité «causal», le juge agit alors en deça de sa compétence et elle ne pourra être entreprise que par le truchement des art. 457.5 ou 457.6, selon le cas."

 

             En un mot, le juge peut aller, même à l'intérieur d'une ordonnance de remise en liberté, jusqu'à émettre des ordonnances pour neutraliser quelqu'un dans les circonstances où effectivement le refus de signer une telle ordonnance, par exemple de ne pas entrer en communication avec la victime, serait  en soi suffisant pour justifier le juge de maintenir incarcéré l'accusé.

 

Ici, en supposant qu'un accusé refuse de signer un engagement de ne plus permettre des danses dans les isoloirs, est‑ce qu'un tel refus pourrait justifier le juge de maintenir une personne incarcérée? La Cour est d'opinion que, non, ce n'est pas un cas où il y a lieu de protéger le public d'une «dangerosité appréhendée» puisque ce genre de crime ne comporte pas de violence physique et même peut être considéré comme un crime dit sans victime si l'on prend pour acquis que tout le monde semble être consentant à se livrer à de telles activités.

 

Troisième point que la Cour veut traiter, c'est la décision de mon collègue l'honorable juge André Biron dans l'arrêt Pelletier c. R.[14](17), qui est un cas identique à celui que nous avons devant nous; c'est une décision rendue le 7 mars 1995.

 

L'honorable juge Biron résume bien la situation et dit que le poursuivant invoque que les danseuses se laissent toucher par les clients et que cela peut constituer des actes de prostitution, et que dans les circonstances le propriétaire de cabaret est à bon droit accusé d'avoir tenu une maison de débauche. Il réfère avec nuance à l'opinion de l'honorable juge Michel Proulx dans l'arrêt Léon c. R., de la Cour d'appel. L'honorable juge Biron analyse les buts poursuivis par le paragraphe 10 de l'article 515 du Code criminel et fait les commentaires suivants à l'effet que[15](18):

 

"… il paraît difficile à première vue, de conclure que la protection ou la sécurité du public exige l'imposition d'une telle condition.  Lorsqu'on dit protection, on pense ou peut penser à un mal physique qui pourrait être causé à quelqu'un, et lorsqu'on parle de sécurité, on parle de la privation de liberté.

 

Il est bien certain que le public peut être lésé autrement que par le fait de causer des blessures à quelqu'un ou d'être susceptible de le faire, ou de le priver de sa liberté.  Cependant, cette cour comme déjà dit n'est pas appelée à trancher la question à savoir s'il y a eu des actes de prostitution, dans les circonstances.  A lire l'opinion de M. le juge Proulx dans l'affaire Léon, il semblerait qu'effectivement ce soit le cas.

 

Cependant, M. le juge Proulx cite l'arrêt de la Cour d'appel dans l'affaire de La Reine c. Tremblay jugement No. 500-10-000465-888, jugement qui a été infirmé par la Cour Suprême du Canada.  Le Tribunal est d'avis (et ceci est important) que dans les circonstances il est difficile de dire que la question est définitivement tranchée.  Il y aura lieu, sans aucun doute, que la Cour d'appel trace la ligne à suivre et elle le fera sans aucun doute, puisque le jugement de M. le juge Guérin a été porté en appel.

 

Le Tribunal est cependant d'avis qu'en imposant cette condition, le juge de première instance décidait pour ainsi dire de la cause, car c'est véritablement la question en litige ici."

 

Dans les deux causes, celles de Pelletier et de Hamel, les cabaretiers avaient été informés par les policiers que de telles danses pouvaient désormais être tolérées, mais quelques semaines plus tard, ils sont avisés effectivement que ce n'est plus toléré.

 

Mais revenant à la décision de l'Honorable juge Biron, nous citons à la page 5:

 

"… le Tribunal est d'avis qu'il n'est pas approprié d'imposer une telle condition, dans les circonstances, car il y a place à interprétation judiciaire de la loi dans cette situation de fait, car l'opinion judiciaire continue d'évoluer.

 

Le Tribunal est d'avis qu'imposer une telle condition a pour résultat de substituer à la présomption d'innocence, une présomption de culpabilité.  Il y a ici matière à procès.  La Cour d'appel tranchera éventuellement la question de fond.

 

Le Tribunal est d'avis que dans les circonstances, il ne peut être dit que la sécurité et la protection du public exigent l'imposition d'une telle condition."

 

Et c'est pour ces raisons que l'Honorable Juge Biron a fait droit à la requête et a biffé purement et simplement la condition numéro 6 dans le dossier de monsieur Gilles Pelletier, qui était exactement la même condition que dans notre dossier."

[41]            Pour l'ensemble des motifs alors exprimés tant par l'honorable juge Mayrand que l'honorable juge Biron, et que le tribunal fait siens, il y a lieu de modifier les conditions qui furent imposées aux requérants. 

[42]            Dans les circonstances, jusqu'à ce qu'une décision soit prononcée quant à la culpabilité ou non de ceux-ci en regard des faits qui leur sont reprochés, il n'y a pas lieu de leur imposer quelque condition que ce soit, autre que les trois premières plus haut mentionnées, même si à un certain moment le tribunal a été, comme il l'a d'ailleurs exprimé aux parties lors de l'audition, tenté de le faire.

[43]            Les raisons qui ont amené le tribunal à ne pas substituer quelque condition que ce soit à celles qui avaient été initialement imposées relativement à l'organisation d'activités échangistes, sont les mêmes que celles qui avaient amené l'honorable Mayrand à ne pas agir ainsi soit:[16]

"La Cour a entretenu la possibilité de chercher à substituer une formule qui pourrait atteindre un certain but et a renoncé à cette tentative pour deux motifs:  il y a le danger qu'une telle formule, soit une formule demandant que la Loi soit respectée, aille à l'encontre de la présomption d'innocence laissant entendre que la Loi n'a pas été respectée, et que deuxièmement, il est illusoire de mettre des formules qui ne sont pas exécutoires, puisque l'accusé doit être en mesure de se défendre de façon adéquate et de faire une défense pleine et entière, s'il est accusé de bris de condition.

 

Donc, il faut être prudent dans la rédaction des conditions qui sont imposées à une personne qui est remise en liberté.  Ce sont les deux motifs qui ont fait que j'ai éliminé cette hypothèse que j'ai entretenue de rechercher une autre formulation plus heureuse que celle qui faisait l'objet de la présente requête."

PAR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL:

ACCUEILLE la requête avec dépens;

            DÉCLARE que les trois conditions du paragraphe 4 de la promesse du 4 juin 2004 doivent être annulées et en conséquence biffées de la promesse et que les autres conditions qui y apparaissent soient maintenues;

            ORDONNE aux requérants, dans les cinq jours du présent jugement, de se présenter au greffe de la Cour du Québec, division criminelle, pour signer une nouvelle promesse conforme au présent jugement et comportant uniquement les conditions suivantes:

"1.  Garder la paix, avoir une bonne conduite.  Etre présent devant la Cour lorsque requis.

 

2.  Demeurer au 95, RUE AUTHIER, ST-ALPHONSE DE GRANBY, (QUÉBEC) J2K 3G6.

 

3.  Aviser la Cour préalablement et par écrit de tout changement d'adresse."

 

 

__________________________________

MARTIN BUREAU, J.C.S.

 

 

Me Bernard Corbeil

Procureur des requérants

 

Me Julie Beauchesne

Procureure de l'intimée

 

 

Dates d’audience:

17 et 18 juin 2004

 



[1]    Cour municipale Montréal, 198-054-660, 22 juillet 1999, j. Baribeau

[2]    Cour municipale Montréal, 199-120-619 et al, 4 juillet 2003, j. Boisvert

[3]    précitée, note 2

[4]    Pierre BÉLIVEAU, Martin VAUCLAIR, Traité général de preuve et de procédure pénales, 10e éd., Montréal, Éditions Thémis, 2003, p. 614

[5]    [1997] 2 R.C.S. 630

[6]    [1993] 2 R.C.S. 932

[7]    C.S. Montréal, no 500-36-000077-951, 7 mars 1995, j. Biron

[8]    C.S. Montréal, no 500-36-000087-950, 6 avril 1995, j. Mayrand; [1995] R.J.Q. 1469 (C.S.)

[9]    Id., p. 2

[10]   précitée, note 8, pp. 8-15

    [11](14)   (1980) 12 C.R. 135 (Que. C.A.).

    [12](15)   Id., 146‑147.

    [13](16)   Id. 147‑148.

    [14](17)   C.S. Montréal 500‑36‑000077‑951, le 7 mars 1995.

    [15](18)   Id., p. 4 du jugement.

[16]   précitée, note 6, p. 18





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