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Textes de jurisprudences




CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

DISTRICT DE MONTRÉAL C O U R      MUNICIPALE

                                                                       _________________________________

NO: 199 125 329

                                                                       LA REINE

                                                                      

                                                                       c.

 

                                                                       DENIS CHESNEL ET AL

                                                                        

                                                                       _________________________________

 

ANALYSE DE LA JURISPRUDENCE PAR ME BERNARD CORBEIL SOUMISE À L’HONORABLE JUGE DENIS BOISVERT  

 

INTRODUCTION

 

1.                 Le présent document fait partie d’un ensemble de quatre documents qui constituent la plaidoirie présentée par Me Bernard Corbeil.

2.                 Dans le premier document intitulé « Plaidoirie » nous avons analysé les pièces.

3.                 Dans le deuxième document, intitulé « Normes » nous avons répondu à la question du tribunal qui demandait comment déterminer les paramètres d’un club échangiste authentique afin de s'assurer qu'il soit fréquenté par d'authentiques adeptes de l'échangisme.

4.                 Dans le troisième document, nous avons analysé la preuve testimoniale.

5.                 Dans ce quatrième document nous analysons la jurisprudence et nous soumettons nos conclusions.

DOSSIER SANS PRÉCÉDENT

 

6.                 Nous analyserons d'abord la jurisprudence que nous soumettons en défense et  par la suite nous analyserons la jurisprudence de la poursuite.

7.                 L’analyse de cette jurisprudence concernant les maisons de débauche et la notion d’indécence permet au tribunal de constater que le présent dossier est un cas d’espèce unique en son genre.

8.                 En effet, c’est le seul dossier qui cumule un ensemble d’éléments en même temps au niveau des faits, des documents, de la preuve testimoniale et des arguments, comparativement aux cas de jurisprudence en semblable matière.

9.                 Les autres cas de jurisprudence traitent de certains éléments, mais ils ne traitent pas de certains autres, de sorte que des distinctions importantes permettent au tribunal de tirer des conclusions différentes des autres cas de jurisprudence.

10.             Ainsi, le présent dossier est le seul qui cumule tous et chacun des éléments suivants :

10.1        il n’y a pas de commerce de boissons alcoolisées susceptible de donner un caractère  public comme dans le cas d’un établissement licencié;

10.2        il n’y a pas de danseuses nues qui se font toucher les seins et les fesses par des clients moyennent un montant d’argent;

10.3        un endroit où on utilisait et même fournissait des condoms;

10.4        un endroit identifié et reconnu comme étant un club échangiste;

10.5        un endroit discret, privé et dont l’accès était contrôlé par une porte verrouillé qui empêchait le premier venu d’entrer sans avoir de réservation;

10.6        une expertise par un expert en psychologie et en sexologie;

10.7        le témoignage de l’expert en psychologie et en sexologie reconnu par la Cour Suprême du Canada comme étant compétent pour éclairer le tribunal en matière de tolérance de la société canadienne et contemporaine;

10.8        les témoignages de deux experts dans trois domaines différents soit en sexologie, psychologie et en sondage d’opinion publique;

10.9        une preuve objective et scientifique sur la tolérance de la société canadienne et contemporaine sous la forme d’un sondage;

10.10    un sondage fait selon les règles de l'art en matière de sondage;

10.11    un sondage dont la force probante n'a même pas été mise en doute par une preuve contraire;

10.12    un sondage qui établit que la société canadienne et contemporaine est  très tolérante en matière de sexualité;

10.13    un sondage qui établit qu’une majorité de la société canadienne et contemporaine est d’accord  pour que les adultes consentants peuvent vivre leur vie sexuelle comme ils l’entendent, du moment qu’ils ne dérangent personne;

10.14    un sondage qui établit qu’une majorité de la société canadienne et contemporaine ne voit aucun problème avec l’existence des clubs échangistes qui sont fréquentés par des adultes consentants et qui ne dérangent personne;

10.15    un sondage qui établit qu’une majorité de la société canadienne et contemporaine n'est pas dérangée par les clubs d'échangistes où des adultes d'âge légal, avertis et consentants, assistent ou participent à des activités sexuelles explicites, en groupe, dans un établissement prévu à cette fin qui leur est réservé.  Ces activités se font à l'abri du regard du public ne désirant pas y assister ou y participer;

10.16    un sondage qui établit qu’une majorité de la société canadienne et contemporaine tolère les clubs d'échangistes où des adultes d'âge légal, avertis et consentants, assistent ou participent à des activités sexuelles explicites, en groupe, dans un établissement prévu à cette fin qui leur est réservé.  Ces activités se font à l'abri du regard du public ne désirant pas y assister ou y participer;

10.17    un sondage qui établit que plus les gens ont une connaissance des clubs échangistes, plus la tolérance est grande à leur égard;

10.18    un sondage qui établit que même si une forte majorité, quatre-vingt-sept pour cent (87%), déclare ne pas vouloir personnellement visiter un club d'échangistes, plus de six (6) répondants sur dix (10), soixante-quatre pour cent (64%), ne s'opposent pas à ce que d'autres adultes fréquentent de tels éta­blissements.

10.19    un sondage qui établit que:

10.19.1 ce qui se passait chez Brigitte et Michel correspond à ce qui est décrit dans le sondage;

10.19.2 ce qui est décrit dans le sondage est toléré par la société canadienne et contemporaine;

10.20    un sondage qui peut servir d'outil aux tribunaux qui doivent déterminer le niveau de la tolérance de la société canadienne et contemporaine selon une preuve scientifique et objective, plutôt que de se baser sur leur expérience personnelle d'une façon subjective;

10.21    un sondage qui peut également servir aux policiers et aux avocats de la poursuite comme outil de travail pour éviter qu'on leur reproche d'agir selon des critères subjectifs, d'autant plus que les policiers n'ont pas de document administratif pour  déterminer ce qui est ou n’est pas indécent compte tenu du seuil de tolérance de la société canadienne et contemporaine;

10.22    un sondage qui peut servir à combler ce "vide juridique" qui a empêché les policiers et les avocats de la poursuite d'agir avec diligence pendant 21 mois;

10.23    un sondage qui démontre que la société canadienne et contemporaine tolère l’échangisme qu’elle distingue de la prostitution qui, elle, dérange d’avantage la société;

10.24    une expertise et le témoignage d'un expert en sexologie et en psychologie établissant d'une façon prépondérante et non contredite qu'il n'y a pas de perversion, de pathologie, de déviance, de prédateurs sexuels, d'exploitation de la femme, ni de violence dans la culture échangiste et qu'au contraire cette preuve démontre que les échangistes sont plutôt de simples badauds respectueux qui veulent s'amuser entre eux dans le respect de règles d'éthique et dans un endroit suffisamment privé pour ne pas déranger les autres;

10.25    une expertise et le témoignage d'un expert en sexologie et en psychologie qui donne au tribunal un outil pour connaître et comprendre l'évolution du seuil de tolérance dans le temps, dans l'histoire et plus particulièrement dans la société canadienne et contemporaine;

10.26    soulevant la question du droit fondamental à la liberté d’association, d’expression et de liberté de pensée  que la Charte garantit aux gens qui partagent des affinités et un intérêt commun pour un style de vie différent de la majorité des gens et qui exercent ces droits en se réunissant dans un club échangiste qui leur est réservé;

10.27    la preuve d’un “ vide juridique” admis par la police et les avocats de la poursuite concernant les maisons de débauche, et plus particulièrement l’interprétation et la mise en application des articles du code criminel utilisés pour porter des accusations dans le présent dossier;

10.28    le fait que les policiers ont toléré pendant 21 mois que quelques 8000 personnes participent à des échanges sexuels chez Brigitte et Michel, sans intervenir et sans leur donner le moindre avertissement;

10.29    la preuve que durant ces 21 mois pendant lesquels quelques 8000 personnes ont participé à des échanges sexuels chez Brigitte et Michel, aucune plainte n’a été formulée;

10.30    la preuve testimoniale et non contredite qu’il s’agit d’un endroit où règne un contexte de respect envers les autres en général et à l’égard de la femme en particulier;

10.31    la preuve que la femme policière qui enquêtait comme agent double ainsi que les femmes présentes chez Brigitte et Michel n’étaient pas obligées de se déshabiller,  de se laisser toucher ou de participer d’une façon dégradante, déshumanisante ou humiliante à des activités sexuelles;

10.32    l’admission par les policiers qu’il s’agissait d’un endroit ou les gens étaient respectueux les uns des autres;

10.33    des circonstances où les gens sont avertis qu’il s’agit d’un lieu de rencontre pour les couples et les célibataires ayant l’esprit ouvert;

10.34    la preuve qu’aucun argent n'était donné en contrepartie de faveurs sexuelles;

10.35    la preuve que depuis les 20 dernières années la société canadienne et contemporaine est de plus en plus tolérante en matière de sexualité;

10.36    une preuve par vidéocassettes filmées à l’insu des participants et qui démontrent que tout se déroulait dans des circonstances et dans un contexte de calme et de respect selon le comportement décrit comme étant celui des échangistes authentiques;

10.37    un endroit où il avait des règles d’hygiène que l’on faisait respecter véritablement grâce aux douches, à l’usage des condoms, l’entretien du bain tourbillon, le changement de draps;

10.38    un endroit où il n’y avait pas de prostitution;

10.39    aucune plainte des quelques 8000 personnes qui ont participé aux activités chez Brigitte et Miche pendant ces 21 mois;

10.40    un endroit où les deux conjoints d’un couple sont en présence l’un de l’autre pour du sexe récréatif en toute honnêteté et franchise entre eux, plutôt que de se tromper hypocritement l’un l’autre au détriment de leur vie de couple;

10.41    un endroit qui projette un message positif de respect et d’égalité à l’égard de la femme, dans la mesure où les gens savent ce qu’est un club échangiste authentique par opposition au message que projette un établissement licencié qui offrent, en pâtures à ses clients, des danseuses nues en même temps qu’une consommation d’alcool;

10.42    un endroit où on respecte le libre choix des gens de faire ou non quelque chose contrairement à ce qui se passe dans les établissements licenciés dont parle la jurisprudence au sujet  des danseuses qui sont obligées de se laisser toucher parce qu'elles sont payées pour cela.

10.43    la preuve que les adeptes authentiques de la culture échangiste ont des règles d'éthique qui démontrent qu'un club échangiste authentique qui implante et respecte ce code d'éthique, ne causerait aucun préjudice à la société et ne prédisposerait à un comportement antisocial;

10.44    la preuve que les éléments suivants, qui font partie du code d'éthique des échangistes, ne peuvent au contraire n'être que positifs et profitables à la société canadienne et contemporaine en général en prédisposant les gens à un comportement social comme :

10.44.1 la courtoisie;

10.44.2 les rapports amicaux;

10.44.3 l'hygiène;

10.44.4 la propreté;

10.44.5 le droit de dire non;

10.44.6 le respect du refus;

10.44.7 la non-consommation d'alcool et de drogue

10.44.8 la pratique du sexe sans risque et l'usage du condom.

11.             Ce que le présent tribunal peut retenir de cette liste de différences entre les différents jugements, ce n'est pas, bien entendu, qu'il faille trouver deux causes ayant une superposition parfaite des questions de droit et de faits d'un dossier à l'autre.

12.             Ce que le présent tribunal peut retenir de cette liste de différences, c'est plutôt le fait que nous sommes en présence d'une situation sans précédent qui cumule tous les éléments en même temps pour la première fois:

12.1        dès le début de l’enquête policière il est clair qu’il s’agit d’un cas de club échangiste et non pas d’un bar de danseuses nues;

12.2        d'une part parce que c’est un club échangiste, il n'y a aucun paiement d'argent pour une gratification sexuelle, comme c'est le cas dans la plupart des dossiers où on a jugé dégradant et déshumanisant que la femme soit considérée comme un objet de plaisir pour l'homme, alors que c'est tout à fait le contraire dans le milieu échangiste, où tout se fait avec respect, pour le plaisir et non pour l'argent;

12.3        d'autre part, que dans le cas des échangistes, le contrat social se fait entre les membres du club et non pas entre un client et une  danseuse qui n'est pas libre de dire non.

12.4        et aussi, c'est qu’il n’y a pas ce caractère carrément public qui découle du fait que les activités surviennent dans un établissement licencié où il se vend des boissons alcoolisées, comme c’est le cas dans les autres jugements. Ce qui ressort de ces autres jugements où il y a un permis d’alcool et qui est dégradant et déshumanisant pour la femme et qui prédispose aussi à un comportement antisocial, c’est que dans ces débits de boisson, l’usager associe et banalise la consommation d’alcool et la consommation de sexe.

12.5        finalement c’est que pour la première fois il y a un cumule de preuves scientifiques et objectives, dans le domaine de la sexologie, de la psychologie et du sondage d’opinion publique, qui démontre qu’une majorité de la société canadienne et contemporaine n’est pas dérangée et tolère le contexte et les circonstances qui prévalent dans les clubs échangistes comme chez Brigitte et Michel.

13.             Ce qui est particulièrement intolérable, dans le cas d'un commerce licencié ayant un caractère carrément public, c’est le fait que la femme offre, à tout venant, son corps à la vue ou aux touchés des clients en échange d'argent, et qui fait d’elle,  un article de consommation, que l'employeur offre simultanément à ses clients, au même titre que l'alcool. Le présent tribunal est en mesure de conclure que c'est cet aspect qui répugne et qui fait que le contexte et les circonstances outrepassent le seuil de tolérance de la société canadienne et contemporaine.

14.             En bref, cela revient à dire que ce qui constitue  ou ressemble à de la prostitution, est indécent car cela outrepasse le seuil de tolérance de la société canadienne et c'est d'ailleurs ce que révèle le sondage produit dans le présent dossier.

15.             Mais ce sondage fait bien la distinction en établissant que la société canadienne et contemporaine ne semble pas être prête à tolérer la prostitution  alors qu’elle semble être prête à tolérer les clubs échangistes tel que défini dans le sondage. 

JURISPRUDENCE DE LA DÉFENSE

 

16.             En nous inspirant de la méthodologie du cheminement chronologique que l'expert Michel Campbell a utilisée pour démontrer la progression de l'évolution de la société face à la sexualité de l'humain, il nous est apparu pertinent de faire une analyse chronologique de la jurisprudence pour démontrer comment la tolérance de la société canadienne et contemporaine est en perpétuelle évolution.

17.             L’expert Campbell a établi que durant les années 60 il est survenu une “révolution sexuelle” et que depuis les années 80 il y a eu une “renaissance sexuelle” et la jurisprudence de ces périodes reflète aussi une évolution vers une plus grande tolérance en matière de sexualité et un plus grand respect de la vie privée des gens qui ont le droit constitutionnel d’être différents. Cette évolution s’est également reflétée dans les lois et il suffit de penser à l’homosexualité, l’avortement, les paris illégaux et la Charte canadienne des droits et libertés.

18.             Cette période d'ouverture d'esprit dans la jurisprudence concorde avec les années 1960 que l'expert Michel Campbell a rattaché la période de révolution sexuelle, notamment du à l'arrivée du contraceptif oral communément appelé "la pilule" et pendant laquelle la femme a acquis l'autonomie de son corps dont elle pouvait jouir enfin sans risque de grossesse.

19.             Durant les années 1960 la notion de sexe récréatif  côtoie celle du sexe reproductif.

20.             L'évolution jurisprudentielle sur les maisons de débauche a du suivre l'évolution technologique dans le sens qu'au début il s'agissait d'accusations pour des maisons de débauche impliquant des prostituées, des spectacles d’effeuillage et des salons de massage. Puis les tribunaux ont du adapter les concepts d’indécence de l’époque victorienne à d’autres technologies comme la littérature, le cinéma, la télévision, le téléphone, les revues spécialisées, les films pour adultes, les vidéocassettes, les danseuses nues sans contact, les danseuses nues avec contact, l’internet, le cybersexe.

21.             Maintenant au tournant du XXI ième siècle, la société découvre la zone grise des clubs échangistes alors que la jurisprudence fait face au "vide juridique" qui a conduit au présent dossier.

22.             Avant d’entreprendre l’analyse de la jurisprudence il important de savoir que certains passages ont été traduits pour résumer le sens de ce qui est dit dans le texte parfois un peu long, de sorte qu'en cas d'incertitude nous suggérons de référer au texte dans la version originale dont nous joignons un exemplaire dans notre cahier de jurisprudence.

23.             D’autre part, quand un passage est cité dans le cadre de l’analyse d’un jugement en particulier, ce passage provient du jugement analysé, mais il peut s’agir en même temps de l’extrait d’un jugement cité dans le jugement analysé.

24.             Finalement, comme certains jugements réfèrent souvent aux mêmes jugements au fur et à mesure que les années passent et comme nous les analysons chronologiquement un par un et qu’il faut les comparer et les distinguer les uns par rapport aux autres, il y aura inévitablement des répétitions et parfois une impression de redondance. Toutefois il faut lire attentivement chaque référence car les références aux mêmes jugements peuvent parfois être faites pour faire ressortir différents aspects du même jugement. Pour faire ressortir les points de comparaison et de différenciation, nous avons mis certains passages en caractères gras ou en souligné ou les deux à la fois. 

25.             En décembre 1967, la Cour Suprême du Canada renverse une décision rendue le 5 février 1967 pour de la sollicitation faite par téléphone le 8 février 1966 et prononce un acquittement parce que la poursuite n'a pas prouvé que le local avait été utilisé à plusieurs reprises pour des fins de prostitution. ( Patterson vs The Queen (1968) R. C. S. 157 )

26.             Le 22 octobre 1968, une cour d'appel d'Ontario maintient l'acquittement pour une accusation de spectacle indécent dans un lieu public, soit un hôtel, le 23 février 1968 alors que l’accusée portait d'abord un bikini et des pastilles sur le bout des seins et qu'elle s'est frotté les seins et les fesses sur certains clients ( R. v. Sequin 1969 C. C. C. Vol. 22, 150 ) considérant que:

26.1        même si la représentation a eu lieu dans un hôtel (qui devait détenir un permis d'alcool), le tribunal a conclu que ce n'était pas un endroit public comme un parc public et que cela faisait une différence car l'auditoire était composée que d'adultes des deux sexes;

26.2        la publicité ayant été faite pour annoncer le spectacle, les gens qui ont vu le spectacle avaient une bonne idée de ce qui les attendait et d'ailleurs personne ne s'en est plaint sauf les policiers de l'escouade de la moralité qui avaient vu le spectacle la veille;

26.3        le spectacle avait été présenté dans plusieurs villes sans que personne ne s'en plaigne et sans que la police ne porte d'accusation;

26.4        les normes de tolérance de la société canadienne et contemporaine sont des concepts qui évoluent car les idées changent avec le temps (comme cela a été dit en 1955 dans la cause de Marro au Québec);

26.5        dans le cas de situation proche de la limite (border line) la tolérance est préférable à l'interdiction;

26.6        chaque cas est un cas d'espèce;

26.7        dans le domaine de la moralité, de l'obscénité et de l'indécence, il faut être particulièrement vigilant pour ne pas transformer ses goûts personnels en principes juridiques;

26.8        comparé à l'ère victorienne, les gens vivent maintenant (1968-69) dans une  "liberal age" qui se manifeste notamment par la liberté que l'on a de parler des questions de sexe dans les livres, les revues, la télévision, le cinéma et même dans les salons, et ce avec une candeur qui à une époque antérieure aurait pu être vu comme indécent ou intolérable. (comme cela a été dit en 1955 dans la cause de Marro au Québec);

26.9        il n'est pas nécessaire d'être un docteur en sociologie pour le savoir.

27.             Le 29 janvier 1974, la cour d'appel du Manitoba a maintenu l'acquittement pour une accusation d'avoir montré publiquement un film obscène  (Le Dernier Tango à Paris) contenant des scènes de violence, de langage cru, de relations sexuelles, de masturbation et de sodomie (R. c. Odeon Morton Theatres Ltd 16 C. C. C. (2d ) 185 ) considérant que:

27.1        il faut accorder le bénéfice du doute à l'accusé;

27.2        il faut appliquer objectivement le test des normes de tolérance de la société canadienne contemporaine et non pas juger selon ses critères subjectifs et personnels;

27.3        cette preuve peut se faire par le témoignage d'experts;

27.4        le film avait été classé dans la catégorie des films pour 18 ans et plus;

27.5        chaque cas est un cas d'espèce.

28.             Le 10 avril 1974, la cour d'appel d'Ontario renversait la décision de première instance en ordonnant un nouveau procès pour une personne accusée d'avoir commis un acte de grossière indécence soit un cunnilingus le  3 septembre 1971 (R. c. St-Pierre 3 O. R. (2d) 642). Ne serait-ce que pour illustrer à quel point la sexualité était un sujet extrêmement tabou à cette époque, on peut lire à la page 645 du jugement que le juge de première instance a admis qu'il a du regarder dans le dictionnaire pour savoir en quoi consistait un cunnilingus et conclure que c'était " … a  dirty, filthy pratice such as this that is resorted to by no one but by sexual pervert, is surely an infringment of the Criminal Code … " !!!. Il a dit la même chose de la fellation dont il a parlé en référant à un autre dossier. L'acquittement par la cour d'appel a été prononcé en considération que:

28.1        un expert en psychiatrie est venu dire que le cunnilingus est un préliminaire parfaitement normal à une relation sexuelle et qu'une large proportion de la population le fait;

28.2        le cunnilingus est une pratique qui est en croissance depuis les derniers 20 ans (donc depuis les années 50).

29.             Le 25 mars 1977 la cour provinciale d'Ontario a acquitté une personne accusée d'avoir organisé publiquement un spectacle immoral, indécent ou obscène lors d'un concours de strip-tease amateur dans un bar licencié le 16 septembre 1976 ( R. v. Kleppe, 35 C. C. C. (2d) 168 ) en ce que:

29.1        la nudité en soit n'a rien d'illégal compte tenu que des spectacles avec nudité devant des auditoires d'hôtels et de boîtes de nuits se font à de nombreux endroits;

29.2        personne n'est obligé d'assister à un spectacle et surtout d'y rester jusqu'à la fin si un tel spectacle lui déplait;

29.3        n'ayant peu ou pas de preuve établissant les normes de tolérance de la société qui démontrerait que le spectacle était choquant (offensive) pour l'auditoire qui a volontairement assisté à toute la représentation.

29.4        ces spectacles " They are not being forced on the public in a public square or forum" (p. 174).

30.             Le 5 septembre 1980 la cour d'appel d'Ontario a maintenu l'acquittement d'une personne accusée d'avoir été publiquement nue et d'avoir montré ses organes génitaux lors d'un spectacle dans un bar ( R. v. Bélanger,  (1980) 5 W. B. C. 446 ), car :

30.1        il y avait de la preuve pour appuyer la conclusion du juge de première instance "that the community standards had not been offended"

30.2        il faut tenir compte du lieu, des circonstances et l'auditoire.

31.             Le 5 octobre 1982 la cour d'appel d'Ontario accueille l'appel et acquitte une personne accusée d'avoir donné un spectacle immoral dans un théâtre public ( R. v. MacLean and MacLean 1 C. C. C. 413) car pour établir la norme de tolérance de la société il faut prendre en considération:

31.1        le local où le spectacle prend place;

31.2        l'avertissement fait au public;

31.3        les conditions d'admission;

31.4        "the size and nature and the extent of the reception of the audience to the particular performance and to similar performances." (p.114)

32.             Le 24 octobre 1983 une cour d'Ontario ( R. v. Doug Rankine Co. 36 C. R. 154 ) a partiellement acquitté et partiellement condamné quelqu'un accusé de distribution de films et vidéocassettes obscènes entre décembre 82 et avril 83 considérant que:

32.1        une partie de la population tolèrerait les éléments suivants dans des vidéocassettes: scènes de sexe oral explicites, masturbation, relations sexuelles, sexe en groupe impliquant trois personnes ou plus, du voyeurisme et du langage "grossier" (offensive);

32.2        le témoignage d'experts doit être considéré et être d'un grand secours dans les domaines où le juge ou le jury n'ont pas d'expertise dans le domaine qu'ils doivent juger (p 162) ;

32.3        il faut être très vigilant pour pas que le goût ou l'opinion personnel se transforment en principes juridiques;

32.4        les normes de tolérance de la société doivent être contemporaines, canadiennes et objectives;

32.5        " To suppress the bad is one thing; to suppress the not so bad, or even the possibly good is quite another." ( p. 166 ) Ce que le présent tribunal peut appliquer dans le présent dossier comme signifiant:: “supprimer les maisons de débauche c'est une bonne chose; mais supprimer le droit des échangistes authentiques à des clubs qui ne sont peut-être pas si intolérables, et qui sont possiblement bons, c'est une toute autre chose”.

32.6        "Thus there is very little evidence before the court to assist it in determining what is the national level of tolerance, other than the films" ( p. 171 ). ( Ce qui permet au présent tribunal de conclure, a contrario, que, puisque dans le présent dossier il y a une abondante  preuve prépondérante et en grande partie non contredite, et c'est cette preuve qui n’existe pas dans les autres jugements, qui permet justement au présent tribunal de constater que chez Brigitte et Michel il s’agit d’un cas d’espèce unique;

32.7        il est très difficile pour une seule personne comme un juge, de savoir ce que 24 millions de personnes peuvent tolérer ( p. 172 ). ( Ce qui permet au présent tribunal de constater personnellement que c'est effectivement très difficile et que c'est pour cela que le sondage et l'expertise en psychologie et en sexologie ainsi que les témoignages de leurs auteurs sont si utiles et si pertinents pour éclairer le tribunal. )

33.             LE 9 MAI 1985 la Cour Suprême du Canada ( Town Cinema Theaters Ltd c. La Reine (1985) 1 R. C. S. 494 ) renversait le jugement rendu par la cour d'appel d'Alberta le 12 mai 1982 et acquittait la personne accusée d’avoir présenté un divertissement  obscène le 27 janvier 1980. Ce jugement cristallisait les critères que les tribunaux doivent appliquer et ont appliqués depuis, pour se prononcer sur le seuil de tolérance de la société canadienne en matière d'indécence et d'obscénité.  On peut les résumer de la façon suivante (tout en se rappelant qu'il faut mettre ces extraits dans l'entièreté du texte du jugement:

33.1        "l'un des critères applicables consiste à savoir si on a outrepassé les normes de tolérance admises dans la société canadienne contemporaine." (p. 494

33.2        "Ces normes ne sont pas fixées par des gens au goût et aux intérêts les plus bas."  (p. 506 g )

33.3        "Elles ne sont pas non plus fixées exclusivement par des gens de goût et d'esprit rigide, austères, conservateurs ou puritains." ( p. 506 g )

33.4        "Il faut en arriver à quelque chose qui se rapproche de la moyenne générale des opinions et des sentiments de la société" ( p. 506 g ). ( Ce qui permet au présent tribunal de constater que la preuve dans le présent dossier respecte et dépasse même cette moyenne générale” puisque le sondage démontre que 57% de la société canadienne et contemporaine tolèrent les clubs échangistes tel que définis au sondage et dont la définition correspond à ce qui se passait chez Brigitte et Michel.)

33.5        "L'affaire Prairie Schooner portait notamment sur l'admissibilité d'une preuve d'expert (sous forme de sondage d'opinion publique ) concernant l'état des normes sociales contemporaines. À la page 266 du recueil où est publié cette affaire, on trouve le passage suivant des motifs du juge Monnin et de moi-même :

33.5.1  Il me semblerait que lorsqu'il devient nécessaire de déterminer la nature véritable de l'opinion publique et de trouver une norme unique, la Cour doit pouvoir bénéficier d'une preuve scientifique obtenue conformément à la procédure reconnue en matière d'échantillonnage par des personnes qui sont des experts en matière de sondage d'opinion. Cette preuve peut, à bon droit, être qualifiée de preuve d'expert. L'état d'esprit ou l'attitude d'une société est un fait tout autant que l'état de santé d'une personne: il semblerait donc qu'il convient d'admettre l'avis d'experts autant sur un sujet que sur l'autre." ( p. 513 a-d ) (Cette jurisprudence du 27 août 1970 permet donc au présent tribunal de considérer le sondage produit dans le présent dossier comme ayant une grande force probante. Elle permet aussi au présent tribunal de conclure qu'il faut écarter la jurisprudence qui dit que ce serait irréaliste, impossible, douteux ou trop coûteux de demander à la poursuite de faire une preuve du seuil de tolérance. La poursuite a décidé de ne pas faire quelque expertise que ce soit et elle soutient qu'elle n'a pas l'obligation d'en produire une, ni de faire la preuve du seuil de tolérance de la société canadienne et contemporaine. La conséquence de ce choix par la poursuite, qu'il soit fondé ou non, c'est que le tribunal se retrouve devant une seule et unique preuve par voie de sondage et par expertise, alors que la jurisprudence sous étude conclut que cette preuve peut être faite par expert. S'il peut être discutable et discuté que la poursuite ait l'obligation de faire cette preuve c'est une chose. Mais une chose qui n'est ni discutée, ni discutable, c'est que la défense n'a certainement pas l'obligation de faire une telle preuve et pourtant elle l’a faite.)

33.6        “Certes, il lui (le juge) appartenait de trancher cette ultime question, mais même le juge le mieux informé doit hésiter à se fonder sur son goût personnel, sur son appréciation subjective, pour condamner l’art. Il n’améliore pas la situation lorsqu’il invoque son droit d’appliquer la loi et qu’il le fait en portant une attention rituelle aux facteurs qui doivent être examinés à fond pour inscrire une déclaration de culpabilité.” ( p. 513 i,  j )

33.7        “Il est  clair en droit que le juge des faits n’est pas tenu d’accepter un témoignage, celui d’un expert ou autre. Il peut le rejeter en totalité ou en partie. Il ne peut cependant le rejeter sans motifs valables. En l’espèce, le juge du procès avait le devoir d’examiner ce témoignage et d’évaluer le poids de la preuve, en ce qu’elle reflète les normes sociales de tolérance, que constituent l’approbation du film par les organismes de censure ou de classification ainsi que le fait que la Commission de l’Alberta n’au reçu aucune plainte bien que plus de 8 500 personnes aient vu le film”. ( p. 517 b, c, )  ( Cette référence au chiffre de 8 500 personnes, permet au présent tribunal de faire le même commentaire quant aux 8 000 personnes qui sont allées chez Brigitte et Michel pendant les 21 mois de tolérance des policiers et qu’aucune autre plainte n’a été reçue  par la police. )

33.8        “ ( La question de l’obscénité ) doit être tranchée suivant les normes contemporaines de la société canadienne. Plusieurs facteurs doivent être pris en considération pour trancher cette question. L’un d’eux est le témoignage des experts, que le juge doit soupeser et évaluer. Un autre est le fait que le film ne peut être vu que par des adultes puisqu’il a reçu la cote “Réservé aux adultes” et qu’il ne peut ainsi être présenté aux personnes de moins de 18 ans.” ( p. 517 f, )

33.9        “Dans la présente espèce, le juge n’aurait certainement pas dû rejeter la preuve qui lui a été soumise sans donner d’explication.” ( p. 517 i. )

33.10    “Il faut également se rappeler que la poursuite doit établir sa preuve hors de tout doute raisonnable. Si. à la fin du procès, compte tenu de la preuve de la défense ou autrement, le juge a un doute raisonnable que le film outre passe les normes sociales, il doit prononcer l’acquittement. L’accusé n’a pas le fardeau d’établir que les normes sociales sont respectées.” ( p. 517 j, ) ( Cette conclusion de la Cour Suprême permet donc au présent tribunal de conclure que l’argument soumis par la défense à l’effet que c’est à la poursuite de faire la preuve du seuil de tolérance hors de tout doute raisonnable et que ce n’est pas à la défense de le faire, est tout à fait fondé en vertu de ce jugement. )

33.11    “Je suis d’avis que le juge du procès a commis une erreur en ne tenant pas compte du témoignage non réfuté du président de la Commission de censure de l’Alberta.” ( p. 518 a )

33.12    “Ce qui importe, c’est ce que les Canadiens ne souffriraient pas que d’autres Canadiens voient parce que ce serait outrepasser la norme contemporaine de tolérance au Canada que de permettre qu’ils le voient”. ( p. 519 a ) (Ce qui permet au présent tribunal de retenir du sondage D-7 p. 17, qu’une majorité significative (64%) des Canadiens ne s’opposent pas à ce que d’autres adultes fréquentent des clubs échangistes et que 78% sont d’accord pour dire que les adultes peuvent vivre leur vie sexuelle comme ils l’entendent du moment qu’ils ne dérangent personne.)

33.13    “ … je partage également son point de vue que, pour formuler la norme sociale qui constitue un élément de la preuve qu’elle doit faire dans une cause criminelle, la poursuite doit présenter des témoignages, ceux des experts ou autres, au juge des faits.” ( p. 519 c, d, )

33.14    “Le critère en fonction duquel le juge des faits doit évaluer la norme sociale est un critère objectif”. ( p. 520 f )

33.15    “Pour déterminer cette norme sociale, le juge des faits serait contraint de spéculer non seulement sur ce que la société estime acceptable, mais également sur l’auditoire que celle-ci avait à l’esprit en établissant la norme d’acceptabilité. ( p. 521 a)

33.16    “ Le Shorter Oxford English Dictionary définit “tolérance” (toleration) comme “l’acte ou le fait de tolérer ou de permettre ce qui n’est pas réellement approuvé. Il  ressort de cette définition qu’il existe une distinction entre ce qui n’est pas approuvé et ce qui n’est pas toléré.“ ( p. 522 j ). ( Ce qui permet au présent tribunal de conclure à juste titre que, même si le sondage dans le présent dossier ne démontre pas que ce qui se passait chez Brigitte et Michel est “approuvé” à 100 %, ce sondage démontre au moins d’une façon prépondérante et non contredite par une preuve contraire, que  c’est au moins “toléré” par une majorité de la société canadienne contemporaine. )

33.17    “Les tribunaux ont affirmé que la norme applicable est objective et il doit clairement en être ainsi. Mais l’objectivité nécessite l’établissement de critères et les tribunaux n’ont pas vraiment réussi à les élaborer. Il s’agit néanmoins d’une infraction criminelle et, suivant notre système de justice pénale, il est essentiel que le public sache quelle conduite est criminelle et laquelle ne l’est pas.” (p. 524 a) ( Ce qui permet au présent tribunal de conclure qu’en toute justice pour les accusés, ces derniers ne doivent pas être pénalisés par le “vide juridique” reconnu par les policiers et  les avocats de la poursuite. Le présent tribunal se doit donc d’établir le plus clairement possible les critères de ce qui est un club échangiste authentique afin que le “public sache quelle conduite est criminelle et laquelle ne l’est pas” car il pourra ainsi faire la différence entre le club échangiste authentique et qui est toléré et légal selon ces critères, et un autre établissement qui prétendrait être un club échangiste, mais qui en réalité serait plutôt une maison de débauche déguisée.)

33.18    “Le critère de la norme sociale au Canada a son origine, je crois, dans l’arrêt Brodie (précitée), l’affaire de L’amant de Lady Chatterly, où quatre membres de cette Cour ont conclu que la définition de l’obscénité insérée dans le Code en 1957 rendait désuet le critère appliqué dans l’arrêt R. v. Hicklin (1868), L. R. 3 Q. B. 360. ” ( p. 525 j )

33.19    “Dans ce domaine du droit, il faut bien prendre garde de ne pas ériger ses propres goûts ou préjugés en principes de droit.” ( p. 526 i ) (Ce qui invite le présent tribunal à être prudent et à conclure qu’il lui serait extrêmement difficile, voir même impossible, de vraiment déterminer d’une manière objective quel est le seuil de tolérance de 24 millions de Canadiens sans s’éclairer avec le sondage produit par la défense. Sans ce sondage et les expertises de la défense, comment le présent tribunal peut-il être certain, de respecter le principe établi par la Cour Suprême “de ne pas ériger ses propres goûts ou préjugés en principes de droit” ? )  

33.20    “Il faut en arriver à quelque chose qui se rapproche de la moyenne générale des opinions et des sentiments de la société.” (p. 527 b) ( Ce qui permet au tribunal de conclure que cette moyenne générale est significativement atteinte et même dépassée avec 57% de la société canadienne contemporaine qui tolèrent la tenue d’activités comme celles qui se dérouleraient dans un club échangiste comme chez Brigitte et Michel et 64% qui disent être d’accord avec le fait que d’autres personnes fréquentent les clubs échangistes du moment qu’ils ne dérangent pas les autres. )

33.21    “De toute évidence ce n’est pas une tâche facile puisque ce que nous cherchons à quantifier est intangible. Il faut quand même faire cet effort si nous voulons obtenir une norme juste et objective qui permette de vérifier si une publication est obscène.” (p. 527 c) ( Ce qui permet au présent tribunal de constater que le sondage, produit dans le présent dossier, est une forme de preuve qui semble correspondre réalistement à cette exigence. )

33.22    “ Les normes sociales doivent être contemporaines. Les temps et les idées changent. Nous vivons à une époque qui est libérale si on la compare à l’ère victorienne. Une manifestation de ce phénomène est la liberté relative avec laquelle on parle de choses sexuelles. Dans les livres, les revues, les films, les émissions de télévision et parfois même dans les conversations de salon, les différents aspects des choses sexuelles font l’objet de commentaires avec franchise qui, à une époque antérieure, aurait été considérée comme indécente et intolérable.” (p. 527 e) ( Ce qui permet au présent tribunal de conclure que cette preuve a également été objectivement établie dans le présent dossier, par la production des cassettes d’émissions de télévision où l’on voit et entend des intervenants de tous les âges qui parlent librement du phénomène échangiste comme d’un phénomène tout à fait toléré et décent.)

33.23    “Je crois devoir ajouter qu’à mon avis la tolérance doit l’emporter sur la proscription dans les cas limites. Bannir une publication qui n’est pas clairement obscène peut avoir des répercussions et des implications qui ne sont pas immédiatement visibles. Supprimer le mal et supprimer ce qui n’est pas si mal ou même ce qui être bon sont des choses tout à fait différentes. À moins qu’elle ne se limite à des cas évidents, la suppression peut tendre à freiner les élans et les efforts de créativité qui devraient être encouragés dans une société libre.” (p. 527 i, j ) ( Ce qui permet au présent tribunal de conclure que la suppression des clubs échangistes authentiques risquent de freiner la liberté d’association de gens qui partagent une culture respectueuse et qui disposent ses adeptes à avoir un comportement socialement profitable pour l’évolution de la  communauté multiculturelle qu’est la société canadienne et contemporaine.)

33.24    “À mon avis, il incombe à la poursuite de soumettre à la cour une preuve relativement à la question du “caractère indu”. Je ne puis voir comment la norme sociale en fonction de laquelle on doit apprécier le matériel prétendument obscène peut être déterminée sans cette preuve. Dans l’arrêt R. v. Cameron (1966), 58 D. L. R. (2d) 486, le juge Laskin (alors juge à la Cour d’appel de l’Ontario) a souligné dans sa dissidence que le témoignage d’expert est indispensable étant donné qu’un juge ou un jury peut-être limité géographiquement dans ce à quoi il peut être exposé, ce qui pourrait alors entraîner (traduction) “une réduction des moyens d’apprécier et de comprendre” un sujet donné – dans ce cas, des dessins d’artistes. Il affirme, à la p. 515 :

33.24.1 (traduction) Je pense que ce genre de témoignage sera toujours nécessaire pour étayer la preuve de la poursuite et celle de la défense, surtout lorsqu’il s’agit, comme en l’espèce, de tableaux d’artistes de renom saisis à l’intérieur d’une galerie réputée. Tel étant  mon point de vue, je ne puis faire autrement qu’être surpris de constater que la poursuite en l’espèce n’a présenté aucun témoignage d’expert et qu’elle s’est fondée sur les tableaux eux-mêmes pour prouver l’obscénité devant ce magistrat. Certes, il lui appartient de trancher cette ultime question, mais même le juge le mieux informé doit hésiter à se fonder sur son goût personnel, sur son appréciation subjective, pour condamner l’art. Il n’améliore pas la situation lorsqu’il invoque son droit d’appliquer la loi et qu’il le fait en portant une attention rituelle aux facteurs qui doivent être examinés à fond pour inscrire une déclaration  de culpabilité.” (p. 528 e-j à p. 529 a)  (Ce qui permet au présent tribunal de conclure que le sondage et l’expertise en sexologie et en psychologie constituent des outils très utiles, voir même indispensables” pour employer le vocabulaire du paragraphe précédent. Sans ces outils, un juge peut très difficilement juger d’une façon objective et hors de tout doute raisonnable, ce que pensent et tolèrent 24 millions de personnes formant la société canadienne et contemporaine.)

33.25    “Le juge Laskin parlait bien sûr de la preuve d’expert dans le contexte de cette affaire, mais il me semble que c’est tout aussi valable au sujet de la preuve ordinaire. Étant donné qu’il incombe à la poursuite de prouver l’obscénité au-delà de tout doute raisonnable, il me semble qu’elle est tenue de déterminer ce qu’est la norme sociale d’acceptation et de démontrer aussi que l’accusé a outrepassé cette norme. Ce dernier peut contrecarrer la preuve de la poursuite relative à la norme sociale en présentant sa propre preuve et le juge peut en venir à sa décision sur la preuve de la manière habituelle. Il est illusoire de croire qu’un juge peut, en se fondant uniquement sur sa propre expérience, déterminer la norme objective en fonction de laquelle la conduite reprochée doit être appréciée. Comme l’a dit le juge Borins dans l’affaire R. v. Doug Rankine Co, (précitée), le législateur ne peut réellement s’attendre à ce que le juge des faits garde le doigt sur le (traduction) “pouls pornographique” de la nation”. En outre c’est un mauvais principe. L’accusé n’a aucun moyen de savoir quelle preuve pèse contre lui et à quel degré d’acceptabilité un juge particulier fixera la limite. Il n’y a aucune certitude. Il s’agit de la transposition en droit criminel de la mesure à l’aune.” (p.529 a-f)

33.26    “ Ce qui s’est produit  en l’espèce est exactement ce que le juge Laskin redoutait qu’il se produisît en cas d’absence de preuve soumise au juge du procès. Le juge du procès a porté (traduction) “une attention rituelle aux facteurs qui doivent être examinés à fond. Il a indiqué qu’il savait que le critère du “caractère indu” était objectif, qu’il devait décider si le film outrepassait la norme d’acceptabilité de la société dans son ensemble, mais il a lors attribué à la société dans son ensemble le sentiment de dégoût qu’il a éprouvé en visionnant le film. Il n’a pas indiqué en vertu de quoi il se croyait autorisé à agir ainsi et rien ne laisse croire qu’il a tenu compte de la preuve de l’approbation de la Commission de censure qui lui avait été soumise. Cette preuve n’a pas été contestée et, compte tenu de la fin légale pour laquelle ces commissions ont été créées, je suis d’avis qu’il s’agissait d’une preuve pertinente et qu’il était tenu de la prendre en considération. (p.529 g-j à p.530 a)  ( Ce qui permet au présent tribunal de constater qu’il doit tenir compte de la preuve prépondérante et non contredite du sondage et de l’expertise en psychologie et en sexologie s’il ne veut pas commettre ce genre d’erreur.)

33.27    “Il est difficile de concevoir qu’un juge siégeant dans une région donnée, ou même un jury choisi dans cette région, soit mieux informé de ce qui est acceptable pour les Canadiens de tout le pays.” ( p. 530 f )

33.28    “À mon avis, la pratique qui consiste à permettre au juge des faits de s’appuyer exclusivement sur son expérience personnelle des normes sociales de tolérance (voir R. v. Great West News Ltd. (1970) 4 C . C. C. 307 (C. A. Man.) aux pages 314 et 315) invite le genre d’erreur commise par le juge du procès en l’espèce. Le problème peut être facilement évité en imposant à la poursuite de faire la preuve de la norme sociale. Le juge des faits déterminerait alors la norme sociale compte tenu de la preuve devant lui de la même façon qu’il tranche les questions de faits dans les autres genres d’affaires criminelles.” (p.531 e-g)

33.29    “Pour l’instant, le juge des faits dans une affaire d’obscénité peut être confronté par la tâche peu enviable de décider du niveau de tolérance de 24 millions de personnes en se fondant sur rien de plus que son expérience personnelle. En fait, en l’absence de preuve, le juge des faits attribue par déduction ses propres perceptions à la société canadienne dans son ensemble. Je crois qu’imposer au juge des faits de prendre une décision compte tenu de la preuve produite rendrait sa tâche plus facile et non plus difficile. Cela inspirerait aussi au public une plus grande confiance dans les résultats. En outre, cela aurait aussi pour effet très désirable de renforcer l’uniformité de l’application du droit de l’obscénité puisque la preuve des normes sociales qui s’applique  à une poursuite sera normalement pertinente dans les autres cas.” (p. 531 i-j à p. 532 a) (Ce qui permet au présent tribunal de conclure que pour prendre une décision et “renforcer l’uniformité de l’application du droit,” il doit prendre une décision compte tenu de la preuve établie par le sondage et l’expertise en psychologie et en sexologie, s’il veut éviter une telle erreur.)

34.             Ces passages du jugement de la Cour Suprême s’inscrivent parfaitement dans l’ordre des principes de base de la justice criminelle en matière de fardeau de la preuve qui est fondamentalement basée sur la présomption d’innocence.

35.             Toutefois, il est fort étonnant de constater que certains autres passages du même jugement donnent l’impression au lecteur que la poursuite n’aurait pas le fardeau de mettre en preuve certains des éléments essentiel de l’article constitutif d’infraction.

36.             En effet, dans la partie du jugement rendue par un autre juge et que l’on retrouve aux pages 511 et suivantes dans l’affaire Town Cinema, le lecteur peut constater sous la rubrique “La question de la preuve” qu’on dirait que, contrairement au principe général des règles du fardeau de la preuve en matière criminelle, la poursuite n’aurait pas le même fardeau de la preuve.

37.             En réalité, cette autre approche a comme conséquence apparente et réelle d’imposer au juge d’établir lui-même la preuve qu’il doit juger objectivement. Pourtant, ce juge admet d’emblée qu’il s’agit d’un “problème épineux” :

37.1        “La question de savoir qui a le fardeau de la preuve et ce qui doit être prouvé devant le juge des faits dans les causes d’obscénité est un problème épineux qui se pose fréquemment. En vertu de la règle énoncée dans l’arrêt Hicklin, la preuve d’expert est généralement considérée comme non pertinente” (p.512 d)

38.             Il est inhérent à la règle du précédent dans la jurisprudence que certains arrêts même très anciens ont encore toute leur pertinence. Toutefois, il est également inhérent à ce système que de nombreuses causes sont désuètes car la jurisprudence véhicule des principes qui, tout comme les idées et la notion de niveau de tolérance, évoluent dans le temps.

39.             L’arrêt Hicklin remonte à 1868 et les moyens de preuve par expert ont beaucoup évolués depuis lors et le test établi il y 130 ans est maintenant désuet.

40.             De plus, le fait que le jugement dans Towne Cinema ait été rendu en 1985, peut expliquer pourquoi cette partie du jugement sur la preuve par expert, vient en contradiction flagrante avec la jurisprudence postérieure de la Cour Suprême du Canada en 1993 ( Tremblay c. R. (1993) 2 R. C. S. 932 ) qui est venue dire absolument le contraire et qui a déterminé que, non seulement la preuve par expert est faisable et probante pour établir la norme de tolérance de la société canadienne contemporaine, mais plus encore, cette preuve peut se faire par un expert en sexologie et en psychologie.

41.             Cette jurisprudence postérieure de la Cour Suprême a même établi que l’expert Michel Campbell qui est précisément le même expert qui a agi dans le présent dossier et dans le dossier où la Cour Suprême du Canada a déclaré clairement que non seulement cette preuve était recevable, réalisable, scientifique et objective, mais qu’elle devait être prise en considération au niveau de sa valeur probante pour déterminer le seuil de tolérance de la société en matière d’indécence.

42.             Cet autre juge dans la cause de Towne cinema dispense la poursuite du fardeau de prouver le seuil de tolérance pour le motif que d’imposer un tel fardeau de preuve à la poursuite serait “irréaliste”, “coûteux”, “impossible” et “douteux” :

42.1        “Depuis l’arrêt Great West News Ltd., je ne connais aucune opinion majoritaire, exprime au Canada ou ailleurs dans le Commonwealth, qui ait rendu obligatoire la preuve d’expert relativement aux normes sociales. Imposer à la poursuite une telle obligation serait irréaliste. La preuve d’expert est toujours coûteuse, parfois simplement impossible à obtenir et fréquemment douteuse.” (p. 514 c, d)

43.             C’est affirmation ne sont pas autres choses que des affirmations subjectives, gratuites et surtout illogiques. En effet, s’il fallait dispenser la poursuite du fardeau de la preuve parce qu’elle est “coûteuse”, il serait facile de libérer la poursuite de faire une preuve pour des raisons strictement économique. C’est comme si la poursuite pouvait être dispensée de faire le procès des motards criminalisés comme celui qui se déroule actuellement au nouveau palais de justice Gouin parce que ce serait trop  coûteux”.

44.             De plus, un tel raisonnement pour des considérations d’ordre économique créerait une justice à deux temps et inégale, donc inconstitutionnelle, car il y aurait une justice pour les  riches et une justice pour les pauvres selon la capacité économique de faire une preuve. Et où est donc l’équité et la justice quand c’est l’accusé qui, malgré la présomption d’innocence et sa non obligation de faire la preuve, se retrouve dans l’obligation de faire la preuve “coûteuse” d’un élément essentiel de l’infraction comme dans le présent dossier ?

45.             En vertu de quoi il serait “irréaliste” et “impossible” pour la poursuite de faire cette preuve alors que les accusés dans le présent dossier, tout comme d’autres accusés dans d’autres dossiers, l’ont fait ?

46.             Ce serait comme de dire que les présents accusés ont réalisé l’impossible en produisant des expertises coûteuses.

47.             Comment et en vertu de quelle preuve ce juge peut-il affirmer que les expertises sont “fréquemment douteuses” ?

48.             Doit-on croire et même présumer que les témoins déclarés experts par la cour sont des gens malhonnêtes et incompétents et qu’il faut fréquemment douter de leur parole ?

49.             Ouvrons une parenthèse dans l’étude du jugement de Towne Cinema c. La Reine pour tenter de comprendre ce que contient exactement le cas d’espèce auquel on fait référence à savoir la cause de  R. v. Great West News Ltd.

50.             C’est en lisant directement le texte intégral du jugement rendu le 2 janvier 1970, dans R. v. Great West News Ltd. (1970) 4 C . C. C. 307 (C. A. Man.) que le tribunal peut constater que les affirmations de ce juge implique une accusation différente que celle qui nous concerne et que certaines nuances doivent être apportées.

51.             En effet, dans R. v. Great West News, il s’agissait d’une accusation de distribution de matériel obscène qui implique le concept de l’exploitation indue du sexe, lequel concept n’est pas pertinent à l’accusation de maison de débauche qui concerne le présent tribunal.

52.             Cette accusation était portée en vertu de l’article 150 (8) tel qu’il appert à la page 308 du jugement rendu le 2 janvier 1970 dans Great West et la formulation de la loi semble créer un genre de présomption qui pourrait laisser croire que le fardeau de la preuve de la poursuite serait facilité :

52.1        “Under s. 150 (8) (enacted 1959, c. 41, s 11) of the Criminal code “ any publication a dominant characteristic of which is the undue exploitation of sexshall be deemed to be obscene.

53.             C’est simplement en regardant les images des revues en question, qu’il a semblé évident pour le tribunal dans R. v. Great West News qu’il était facile de se faire d’abord une opinion sur l’exploitation indue du sexe, sans qu’il soit même nécessaire d’avoir le témoignage d’un expert pour l’établir.

54.             La conclusion du juge sur le premier concept qui est celui de l’exploitation indue du sexe apparaît aux passages suivant de la page 308 dans R. v. Great West News Ltd. (1970) 4 C. C.  C. 307 (C. A. Man.) :

54.1        “The heavy concentration upon nude female figures deliberately posed to reveal their genitalia – often with the pubic hair shaved so as to permit an unobstructed view not only of the exterior portion of the female organ but also to some degree of its internal apparatus – clearly shows that a dominant characteristics of these magazines is the undue exploitation

55.             Donc c’est parce que le juge avait une telle preuve, qu’il lui est apparu évident de pouvoir conclure qu’il s’agissait d’une exploitation indue du sexe sans avoir besoin d’un expert pour l’éclairer sur le sujet.

56.             La conclusion du juge sur le deuxième concept, qui est celui de l’obscénité, lui est apparue toutes aussi évidente que pour le premier, sans avoir besoin d’un expert, puisque la loi prévoit qu’une publication dont la caractéristique  dominante est l’exploitation indue du sexe est réputée être obscène, tel qu’il appert à la page 309 :

56.1        “Any publication, a dominant characteristic of which is the undue exploitation of sex, is deemed to be obscene, according to the s. 150 (8) (enacted, 1959, c. 41, s. 11) of the Criminal Code. No difficulty is experienced in finding that a dominant characteristic, one might say the only characteristic, of pictorial and written material herein impugned is the exploitation of sex. The material has been sufficiently described in the judgment of my brother Freedman and I shall not add to his discription (sic). By any definition of the word the material can only be characterized as pornographic and the activities of the appellant described as the distribution commercially of  “dirt for dirt’s sake”. The material is devoid of literary or artistic worth.”

57.             Dans sa perception, ce juge était convaincu qu’il avait une preuve suffisante à la face même des documents, pour qu’il puisse conclure qu’il s’agissait d’un matériel obscène, sans avoir besoin d’un expert pour l’éclairer sur le sujet.

58.             Donc encore une fois, le juge dans Great West News ne semblait pas avoir besoin d’un expert pour tirer une conclusion du texte de loi lui-même, à l’effet que, le matériel ayant comme caractéristique dominante l’exploitation indue du sexe,  est en soit obscène.

59.             C’est ainsi que le juge a pu conclure sur le troisième concept, qui est celui du seuil de tolérance de la société canadienne et contemporaine, il allait de soit que l’obscénité étant nécessairement contraire aux normes de tolérance de la société, qu’il n’était pas nécessaire d’en faire la preuve.

60.             Pour atteindre cette conclusion le juge dans R. v. Great West News se base sur une interprétation d’une opinion minoritaire dans une décision d’un tribunal américain, tel qu’il appert à la page 311 :

60.1        “In Re Giannini et al. (1968 ) 446 P. 2d 535 at p. 543, however, a majority of the Supreme Court of California said: “We cannot assume that jurors in themselves necessarily express or reflect community standards; ”, holding that expert testimony should be introduced to establish community standards. The minority of the Court held at p. 547 that this would “impose a difficult or impossible burden”.

61.             C’est donc dire que non seulement le juge a retenu la conclusion d’un jugement non canadien, mais en plus, il a omis de respecter la décision émise par la majorité des juges ( “ a majority of the Supreme Court”) établissant l’obligation (should be introduced) de faire la preuve du seuil de tolérance de la société par le témoignage d’un expert (expert testimony) et mais il a aussi retenu l’opinion minoritaire disant “would impose a difficult or impossible burden”.

62.             C’est dans ce contexte particulier de matériel obscène et non pas dans le contexte d’une maison de débauche, que le juge semble dire que la poursuite n’a pas besoin de faire plus de preuve car il est suffisant d’établir le caractère dominant, tel qu’il appert au passage suivant de la page 316 dans Great West :

62.1        “But the Crown does not need to do that, since it is enough to establish that a dominant characteristic of the magazines is the undue exploitation of sex.”

63.             Par conséquent, dans le présent dossier, la poursuite a été bien imprudente de s’inspirer d’une jurisprudence traitant de matériel obscène et de l’appliquer aveuglément à un dossier de maison de débauche et quand elle a décidé de ne pas faire d’expertise, en croyant qu’elle n’avait pas l’obligation de faire la preuve du seuil de tolérance par expertise parce “irréaliste”, “coûteux”, “impossible” et “douteux”.

64.             La poursuite a erré en se basant sur une partie du jugement dans Towne Cinema ( qui lui-même réfère à la cause de Great West News qui elle–même réfère au jugement minoritaire de la décision américaine dans Giannini, plutôt que de considérer le jugement majoritaire dans ce dernier cas et qui dit : “expert testimony should be introduced to establish community standards”.

65.             L’évolution de la jurisprudence de la Cour Suprême du Canada est d’ailleurs venue confirmer que c’est par le témoignage d’un expert, que la preuve du seuil de tolérance se fait, comme on le voit dans R. c. Tremblay, (1993) 2 R. C. S. 932-972, 23 ans après la cause R. v. Great West News qui remonte à 1970 et dans le dossier de Towne Cinema en 1985, soit 8 ans après Great West :

65.1        "Contrairement à la Cour d'appel, je suis d'avis qu'il était tout à fait approprié que le juge du procès tienne compte du témoignage d'expert de M. Campbell pour déterminer quelle était la norme de tolérance de la société. Ce témoignage était pertinent et utile aux fins d'apprécier, de manière objective, quels genres de comportements sexuels seraient tolérés par les Canadiens. (R. c. Tremblay, (1993) 2 R. C. S. p. 964 par. h, i  ).

66.             Même dans l’hypothèse où le présent tribunal concluait que la poursuite n’avait pas l’obligation de faire une preuve du seuil de tolérance de la société canadienne et contemporaine, il n’en demeure pas moins que le tribunal est saisi d’une preuve d’expertise dont il doit tenir compte quand vient le temps de déterminer la prépondérance de preuve et sa valeur probante.

67.             Même dans l’hypothèse où le tribunal concluait que la poursuite n’avait pas une obligation, il n’en demeure pas moins que la jurisprudence dit que cette preuve par expert est recevable, souhaitable et pertinente et que le présent tribunal doit rendre sa décision en considération de la preuve qui lui est soumise.

68.             Nous fermons maintenant la parenthèse ouverte sur l’analyse du jugement rendu dans R. v. Great West News Ltd. (1970) 4 C. C. C. 307 (C. A. Man.) et qui est citée dans le jugement Towne Cinema, et nous reprenons l’analyse de la jurisprudence en ordre chronologique. 

69.             Le 28 novembre 1985 la Cour Supérieure du Québec, ( Pelletier c. R.  (1986) R. J. Q. 595 ) siégeant en appel d’une décision de la Cour Municipale de Montréal, renversait la décision de première instance et prononçait l’acquittement pour une accusation de spectacle indécent par la projection de vidéocassettes présentées publiquement dans un bar, le 20 décembre 1983 , alors que “des danseuses nues se donnaient en spectacle sur une scène ou à la table de certains clients” ( p. 596 ) et que pendant ce temps, “ On présente une série ininterrompue d’actes sexuels explicites de différentes natures entre homme et femmes et entre femmes.” :

69.1         “ C’est un truisme que d’affirmer qu’une législation, réglementant la conduite ou les actions des citoyens, doit être suffisamment claire et précise pour permettre de connaître, avec un certain degré d’assurance, ce qui est défendu. ” ( p. 597 ) ( Ce qui permet au présent tribunal de juger l’importance d’accorder le bénéfice du doute aux accusés qui ont été laissés dans le “vide juridique” mis en preuve par un document de la police et des avocats de la poursuite.  C’est pour la même raison que le présent tribunal est en droit de faire l’analogie avec la nécessité d’établir des critères objectifs permettant aux citoyen “ de connaître, avec un certain degré d’assurance”, ce qui est un club échangiste authentique et ce qui ne l’est pas.

69.2        “ The need to re-affirm the necessity of explicitness and specificity so that the “well-intentioned citizen” of common intelligence will not have to guess at the meaning of a by-law is particularly important in a by-law purporting to license and regulate the sale of magazines.” ( p. 597 )

69.3        “ The citizen must be able to ascertain beforehand how he stands with regard to the criminal law; otherwise to punish him for breach of that law is purposeless cruelty. Punishment in all its forms is a loss of right or advantages consequent on a breach of law. When it loses this quality it degenerates into an arbitrary act of violence that can produce nothing but bad social effects. Opinion about what people ought morally to do are almost as numerous as human beings, but opinions about what people are obliged legally to do should be capable of being ascertained by legal research..” ( p. 598 ) ( Ce qui permet au présent tribunal de conclure que, s’il condamnait les accusés qui ne savent pas quoi faire légalement comme en a témoigné Brigitte Chesnel et qu’en plus il existe ce “vide juridique” mis en preuve par un document de la police et des avocats de la poursuite, cela constituerait une cruauté inutile (purposeless cruelty ) et serait contraire aux droits fondamentaux garantis par la Charte des Droits et des Libertés.).

69.4        “ In my opinion, one of the first characteristics of a reasonable limit prescribed by law is that it should be expressed in terms sufficiently clear to permit a determination of where and what the limit is. A limit,   which is vague, ambiguous, uncertain, or subject to discretionary determination is, by that fact alone, en unreasonable limit. If a citizen cannot know with tolerable certainty the extent to which the exercise of a guaranteed freedom may be restrained, he is likely to deterred from conduct which is in fact lawful and not prohibited. Uncertainty and vagueness are constitutional vices when they are used to restrain constitutionally-protected rights and freedoms. While there can never be absolute certainty, a limitation of a guaranteed right must be such as to allow a very high degree of predictability of the legal consequences.” ( p. 599 ) ( Ce qui permet au présent tribunal de conclure que le “vide juridique” mis en preuve par un document de la police et des avocats de la poursuite rend difficile voir même impossible de trouver les accusés coupables quand la poursuite elle-même est dans l’incertitude. )

69.5        “ Secondly, the words “immoral” and “indecent” are highly subjective and emotional in their content. Opinions honestly held by reasonable people will vary widely. The current public debate on abortion has its eloquent and persuasive adherents on both sides arguing that their view alone is moral, that of their opponents immoral. Standards of decency also vary even (or perhaps especially) amongst judges. ” ( Ce qui permet au pressent tribunal de conclure qu’il doit être particulièrement prudent et qu’il doit prendre en très haute considération la preuve scientifique et objective faite devant lui, afin que le public puisse voir clairement et hors de tout doute raisonnable que le juge a vraiment réussi à mettre  de côté son point de vue personnel et subjectif pour rendre jugement en fonction de ce que la moyenne générale de la société canadienne et contemporaine tolère comme le dit un jugement précédent.)

69.6         “ There is nothing wrong in the treatment of sex per se but there may be something wrong in the manner of its treatment. It may be presented brutally, salaciously and in a degrading manner, and would thus be dehumanizing and intolerable not only to the individuals or groups who are victimized by it but to society at large. On the other hand, it may be presented in a way which harm no one, in that it depicts nothing more than non-violent sexual activity in a manner which neither degrades nor dehumanizes any particular individuals or groups. It is this line between the mere portrayal of human acts and dehumanization of people that must be reflected in the definition of “undueness.” (  p. 601 ) ( Ce qui permet au pressent tribunal de conclure que son jugement doit vraiment et indiscutablement refléter ce que la preuve a établi scientifiquement et objectivement et non pas ce que le juge peut penser personnellement et subjectivement. )

69.7        “ Il m’est impossible de ne pas souscrire aux propos émis par monsieur le juge Dickson, alors membre de la Cour d’Appel du Manitoba, dans R. c. P. lorsqu’il mentionnait que les tribunaux ne doivent pas s’ériger en arbitre des pratiques sexuelles entre adultes consentants. Il ajoutait le commentaires suivant :

69.7.1  In the result I am of the opinion, (i) that the act of fellatio between male and female may be grossly indecent depending on time, place and circumstances, and (ii) that, saving what is proscribed in s. 147, Parliament never intended, by s. 149, to attach criminal sanction to sexual acts done in private by consenting adults of different sex..”. (p. 604)

69.8        “What is needed is a fair objective standard in relation to which the conduct can be tested. It is not to be a subjective approach where the result would be dependent upon and varying with the personal taste and predilections of the particular Judge or juryman who happens to be trying the case.” (p. 604) ( Ce qui permet au présent tribunal de constater que les expertises produites par la défense constituent de tels “fair objective standard”.)

69.9        Attitudes relating to sexual behavior are constantly changing. In determining whether the conduct of the accused was a very marked departure from decent conduct, it would have been of great assistance to the jury to have been apprised by an admitted qualified expert as to sexual practices being carried on in this country, which are not regarded by many as abnormal or perverted. In the absence of such evidence the jury would be left to make the determination dependent solely on their own private views and their own experience..” (p. 604-605) (Ce qui permet au présent tribunal de conclure à l’utilité et à la pertinence des expertises produites par la défense.)

69.10    “Tous trois expriment l’opinion que le contenu du film “Fore Play” n’est pas obscène : il ne dépasse pas le degré de tolérance du citoyen canadien moyen. En résumé, ils soumettent les remarques suivantes : on y montre explicitement des actes sexuels pratiqués couramment par les membres de la communauté canadienne. Aucun violence sexuelle n’est exercée par les participants. Aucun enfant n’y est impliqué Ce film est présenté à des adultes qui se rendent volontairement dans cet établissement commercial pour voir ce genre de spectacle.” (p.605-606) ( Ce qui au présent tribunal de constater et de conclure que cette description et ce  raisonnement s’appliquent raisonnablement bien à ce qui se déroule dans un club échangiste comme celui de Brigitte et Michel mais en trois dimensions. Il serait déraisonnable d’interdire aux membres de la société canadienne de vivre en trois dimensions ce qu’ils peuvent voir en trois dimensions entre adultes consentants hors du regard du public. )

69.11    “Contrairement à l’obscénité où l’auditoire n’a aucune pertinence puisque c’est le comportement  lui-même ou sa représentation qui est condamnable et doit être proscrit, il en est autrement , il me semble, lorsqu’il s’agit d’indécence. Dans ce dernier cas l’auditoire, s’il y en a un, le lieu et le contexte de la représentation deviennent des éléments essentiels à la détermination de l’indécence, compte tenu du climat de tolérance canadienne puisque l’acte, en soi, n’a rien de répréhensible.” (p. 606 )

69.12    La lecture de la section des quotidiens montréalais consacré aux annonces du cinéma, l’observation des affiches qui placardent ces salles, en circulant dans les rues de Montréal, le témoignage des experts entendus, le visa du Bureau de surveillance et la nature de l’auditoire qui pouvait visionner cette vidéo cassette, auraient dû, au moins, engendrer dans l’esprit du premier juge un doute raisonnable quant à savoir si cette pellicule excédait le degré de tolérance de la communauté lorsque projeté dans les circonstances décrites par la preuve.” (p.607) ( Ce qui permet au présent tribunal de faire le parallèle avec les circonstances du présent dossier, où, le témoignage des experts, les expertises produites, le fait que les autorités publiques tolèrent le commerce taxable de vidéocassettes montrant des scènes identiques ou similaires à ce qui se passait chez Brigitte et Michel, le contexte discret et respectueux du local, l’absence de plaintes pendant 21 mois sans aucune intervention policière, la lecture des quotidiens montréalais produits au dossier et qui contiennent des pages entières d’escortes qui, de toute évidence, offrent les services de femmes pour des plaisirs sexuels. L’ensemble de cette preuve démontre qu’il y a une très grande tolérance dans la société canadienne contemporaine quant à la liberté sexuelle individuelle et que la tolérance de cette société face aux échangistes consentants et avertis qui s’associent pour du sexe récréatif dans un contexte plutôt privé, est compréhensible. )

70.             Le 9 novembre 1988 la juge Pierre Fontaine de la Cour Municipale de Montréal (R. c. Tremblay, 1989 R. J. Q. 217 ) rejetait des accusations de maison de débauche pour des événements survenus le 22 mars et le 20 avril 1988, et dont je jugement sera confirmé par la Cour Suprême du Canada en 1993. Puisque le jugement de la Cour Suprême dans Tremblay fait l’objet d’une analyse approfondie dans le présent document et compte tenu des longs extraits abondamment soulignés dans l’exemplaire du jugement de la Cour Municipale contenu dans le cahier d’autorités de la défense, nous attirons l’attention du tribunal sur les extraits suivants qui s’appliquent particulièrement bien au présent dossier :

70.1        “ Il est à remarquer que, dans aucune des décisions précitées, les standards de la communauté canadienne n’ont été plaidés ni même prouvés par quelque témoin que ce soit contrairement à la cause que ce Tribunal a à décider.” (p. 222)

70.2        “ Or, la preuve faite devant le Tribunal indique clairement que, selon les circonstances relatives aux lieux, au temps et la nature des actes commis, ceux-ci n’outrepassent pas les limites de tolérance de la communauté canadienne en 1988”. (p.222)

70.3        “ En appliquant ce test au cas présent, on peut dire ce qui suit : ce qui importe et ce qui est pertinent ce n’est pas ce que les citoyens canadiens approuvent pour eux-mêmes, c’est ce que les citoyens canadiens sont prêts à tolérer comme activités dans un endroit sans que ceci soit choquant, révoltant ou dégradant.” (p.223). ( Ce qui permet au présent tribunal de conclure que selon les experts et les expertises et l’ensemble de la preuve, il semble effectivement que les citoyens canadiens sont prêts à tolérer que d’autres citoyens canadiens fréquentent des clubs échangistes tel que définis dans le sondage et chez Brigitte et Michel. )

70.4        “ D’autant plus qu’il n’y a pas de violence combinée à ces activités d’auto stimulation et d’autogratification sexuelles et que, comme l’a expliqué le témoin expert, le Dr Campbell, dans le contexte dans lequel elles se déroulent, il ne s’agit là ni de déviation sexuelle ni d’acte dégradant, même s’il est entendu qu’une partie de la population peut très bien ne pas être d’accord avec ses activités, il n’en demeure pas moins qu’elle est prête à tolérer que d’autres personnes les exercent d’une façon privé et discrète, sans coercition aucune et sans déranger les citoyens qui ne sont pas d’accord avec ces activités ou qui ne désirent pas y participer. (p.224)

70.5        “ Or, ce faisant, la poursuite semble avoir oublié de tenir compte d’une partie importante de la preuve présentée dans le présent dossier et qui est celle sur laquelle ce Tribunal doit se prononcer.” (p.225-226) ( Ce qui permet au présent tribunal de constater que dans le présent dossier la poursuite semble commettre la même erreur d’omission.)

70.6        “ Puisqu’il a été mis en preuve que les actes de masturbation commis tant par les clients que par les employés de l’établissement avaient lieu en privé entre adultes consentants, et ce, même si sur le plan juridique le 3668 Ontario Est  était un endroit public, donc ouvert à toute personne.” (p. 226) ( Ce qui permet au présent tribunal de conclure que la preuve au présent dossier démontre comme dans l’affaire Tremblay, et ce d’une façon prépondérante et suffisamment semblable, que les activités chez Brigitte et Michel “avaient lieu en privé entre adultes consentants, et ce, même si sur le plan juridique  le 1090 Rosemont ”était un endroit public”. )

70.7        “ Puisqu’une preuve a été faite par au moins un témoin expert qu’il ne s’agissait pas d’une perversion sexuelle, d’une déviation sexuelle mais d’actes sexuels non pathologiques qui peuvent être tolérés par la communauté canadienne.” (p. 226) ( Ce qui permet au présent tribunal de croire que ce raisonnement et cette conclusion sont raisonnablement applicables au présent dossier.)

70.8        La poursuite avait le fardeau de prouver hors de tout doute raisonnable que les activités qui se déroulaient au 3668 Ontario Est, durant la période mentionnée dans la dénonciation, excédaient les standards de décence et de la tolérance de la communauté canadienne. Or, selon la preuve faite devant le Tribunal, elle ne s’est pas déchargée de ce fardeau hors de tout doute raisonnable. En effet, au contraire, de nombreux éléments, tant dans la preuve de la Couronne que dans la preuve présentée par la défense, nous indiquent que le seuil de tolérance de la communauté canadienne n’a pas été dépassée.”. (p. 227) ( Ce qui permet au présent tribunal de croire que ce raisonnement et cette conclusion sont tout à fait applicables au présent dossier. )

70.9        “Quant à l’accusé, il n’avait aucun fardeau relatif à ce type de preuve.” (p. 227) (Ce qui permet au présent tribunal de croire que ce raisonnement et cette conclusion sont raisonnablement applicables au présent dossier.)

70.10     “ Le tribunal ayant à juger uniquement suivant la preuve présentée devant lui est lié par cette preuve et, puisque cette preuve soulève à tout le moins un doute raisonnable quant à la tolérance de la communauté canadienne à l’égard des activités qui se déroulaient au Pussy Cat, le Tribunal se doit d’en faire bénéficier l’accusé et donc de l’acquitter.” (p. 227) (Ce qui permet au présent tribunal de croire que ce raisonnement et cette conclusion sont raisonnablement applicables au présent dossier.) 

71.             Le 27 février 1992 la Cour Suprême du Canada ( R. c. Butler 1992 1 R. C. S. 452 ). accueillait l’appel d’une personne accusée de vente de matériel obscène et ordonnait un nouveau procès pour des événements survenus le 21 août 1987 Comme pour les autres causes de jurisprudence analysées, nous référons le tribunal au texte original et aux passages soulignés, dont nous retenons en particulier les extraits suivants :

71.1        “Les Tribunaux doivent déterminer du mieux qu’ils peuvent, ce que la société tolérerait que les autres voient en fonction du degré de préjudice qui peut en résulter. Dans ce contexte, le préjudice signifie qu’il prédispose une personne à agir de façon antisociale, c’est-à-dire d’une manière que la société reconnaît officiellement comme incompatible avec son bon fonctionnement.” (p. 454) ( Ce qui permet au présent tribunal de constater que pour “déterminer du mieux” qu’il peut ce que la société tolère, il est tout à fait approprié et raisonnable d’utiliser des mesures objectives, comme les opinions d’un expert en psychologie et en sexologie et un sondage scientifique, qui est fait conformément aux règles de l’art, par un expert en sondage d’opinion. Ainsi, le tribunal est en meilleure position pour éviter de rendre un jugement en se basant uniquement sur son expérience personnelle. Dans la preuve ainsi produite, le présent tribunal est à même de constater qu’une majorité de canadiens tolère le fait que d’autres canadiens aient une vie sexuelle différente, et notamment fréquentent des clubs échangistes tel que décrits dans le sondage, en autant qu’ils ne dérangent personne.  De plus, cette preuve permet au présent tribunal de conclure que si un majorité de canadiens tolère que d’autres fréquentent de tels endroits, c’est que la société juge que les clubs échangistes ne prédisposent pas à un comportement antisocial, sinon ce ne serait pas toléré. Le présent tribunal peut donc ainsi jouer pleinement son rôle de décideur objectif, et établir des critères qui lui paraissent plus vraisemblablement tolérables pour une plus grande majorité de canadiens, car il semble important que les citoyens puissent distinguer  qu’il s’agisse d’un club échangiste authentique et non pas d’un établissement qui camouflerait une maison de prostitution. )

71.2        “Enfin, les choses sexuelles qui ne comportent pas de violence et qui ne sont ni dégradantes ni déshumanisantes sont généralement tolérés dans notre société et ne constituent pas une exploitation indue des choses sexuelles, sauf si leur production comporte la participation d’enfant.” ( Ce qui permet au présent tribunal de constater qu’il est très pertinent de souligner que, selon la preuve au dossier, lors des activités qui se déroulent dans un club échangiste comme Brigitte et Michel, il n’y “ pas de violence”, ni de choses “dégradantes” ou “déshumanisantes” et on n’implique pas d’enfants. Au contraire, si les parents échangistes authentiques  peuvent avoir des clubs échangistes à leur disposition loin de leurs enfants, cela permettra d’éliminer le risque de préjudice social dont parle la jurisprudence, en protégeant encore d’avantage les enfants qui ne sont pas alors exposés à brûle pourpoint à de rencontres échangistes à la maison. Ce qui permet au présent tribunal de conclure que, loin de prédisposer à un comportement antisocial, les clubs échangistes authentiques donnent plutôt une alternative raisonnable pour permettre à la fois de protéger le public, qui ne veut pas y  assister ou y participer, tout en permettant d’assurer le respect du droit fondamental des échangistes à la liberté d’association garantie par la Charte Canadienne des Droits et Libertés.)

71.3        “Afin de justifier la suppression de droits garantis par la Charte, les prétentions morales doivent être fondées; elles doivent porter sur des problèmes concrets, comme la vie, le préjudice, le bien être et il ne doit pas s’agir simplement de divergences d’opinions ou de goûts. Il doit aussi exister un consensus au sein de la population quant à cette prétention.” ( Ce qui permet au présent tribunal de conclure que le sondage, les expertises en sexologie et en psychologie ainsi que les témoignages mis en preuve, constituent les meilleurs outils connus jusqu’à présent pour établir que, dans la société canadienne et contemporaine, en autant qu’ils ne dérangent personne et qu’ils sont consentants, les adultes peuvent vivre leur vie sexuelle comme ils l’entendent (78% au Canada, 90% au Québec, p. 17 de D-7) et du moment que les adultes qui les fréquentent ne dérangent personne et qu’ils sont consentants, 64% des Canadiens et 76% des Québécois ne voient aucun problème à l’existence des clubs échangistes (p. 17 du sondage D-7). Il est raisonnable de croire que le risque de préjudice social sera diminué d’une part par l’existence même des clubs échangistes qui permettent d’assurer une certaine intimité sans déranger et d’autre part par le fait que ces clubs échangistes rencontrent certaines normes compatibles avec la norme sociale, canadienne et contemporaine.)

71.4        “En procédant à l’analyse sur l’article premier, le juge Wright a exprimé l’opinion qu’une loi qui cherche à éliminer une liberté fondamentale doit avoir un objectif plus précis que celui de contrôler simplement les mœurs de la société ou d’encourager la pudeur ” (p. 463).

71.5        “Le matériel visé par les autres chefs d’accusation, qui ont trait aux magazines et aux vidéocassettes, illustre une activité consensuelle par des adultes qui ne comporte aucun recours à la force, à la contrainte ou à la cruauté. Dans ce contexte, je ne puis conclure que la représentation du corps humain ou de l’une ses parties, si explicite soit-elle, ou qu’une présentation visuelle de personnes en train de se masturber, d’avoir des relations sexuelles en groupe ou d’autres activités hétérosexuelles ou homosexuelles, y compris des rapports incestueux, se rapportent à première vue à des préoccupations précises qui, dans  une société libre et démocratique, sont suffisamment urgentes et réelles pour justifier la restriction de la liberté fondamentale qui en permet l’expression. Le même raisonnement s’applique à l’égard des articles devant la cour qui sont décrits comme des jouets ou des stimulants érotiques.” (Ce qui permet a présent tribunal de constater que, ces critères qui sont ainsi considérés en matière de matériel pornographique dans la cause en question, entraînent une réflexion et une conclusion similaire en matière de clubs échangistes, d’indécence ou de maison de débauche sans prostitution.)

71.6        Le ministère public n’a pas présenté une preuve forte et persuasive pour établir les objectifs précis que l’on cherchait à réaliser ni à démontrer que pareils objectifs justifient la restriction de la liberté d’expression que les dispositions législatives attaquées cherchent à réaliser.”  ( Ce qui permet au présent tribunal de conclure que ce commentaire et que ce raisonnement  et cette conclusion sont applicables au présent dossier pour prouver le caractère indécent ou intolérable des actes dont il accuse les défendeurs.)

71.7        “ Notamment, le matériel dégradant ou déshumanisant place des femmes (et parfois des hommes) en état de subordination, de soumission avilissante ou d’humiliation. Il est contraire aux principes d’égalité et de dignité de tous les êtres humains.” ( Ce qui permet au présent tribunal de constater que selon ce qui a été mis en preuve comme comportement chez Brigitte et Michel en particulier et dans le milieu échangiste en général, on n’y place pas “des femmes (et parfois des hommes) en état de subordination, de soumission avilissante ou d’humiliation”. Il n’y a rien de “ dégradant ou déshumanisant ” qui ait été mis en preuve quant à ce  qui s’est passé dans le club échangiste Brigitte et Michel. C’est la police elle-même qui est venu témoigner à l’effet que chez Brigitte et Michel c’était respectueux et que personne n’était contraint. La police a même prouvé que chez Brigitte et Michel on appliquait des principes “ d’égalité et de dignité ” lorsque la policière indique que lorsqu’elle a dit non à un homme, ce dernier l’a respecté et que lorsqu’une autre femme a rabaissé sa jupe pour signifier son non-consentement, sa dignité de femme a été respectée d’égal à égal.

71.8        “La philosophie de l’arrêt Hicklin pose en principe que les représentations sexuelles explicites, notamment en dehors des contextes approuvés du mariage et de la procréation, menacent la moralité ou la structure de la société.” (p. 492). ( Ce qui permet au tribunal de constater à quel point la société et la jurisprudence ont évolué, en plus que de trouver dans cet extrait, l’illustration concrète de ce que l’expert Campbell appelle le “sexe récréatif et qui caractérise le culture échangiste et la renaissance sexuelle des années 80, par opposition au “sexe reproductifqui ne laissait place à aucune autre alternative durant une époque maintenant révolue.)

71.9        “Je suis d’accord avec le juge Twaddle de la Cour d’appel que cet objectif particulier n’est plus défendable compte tenu de la Charte. Imposer une certaine norme de moralité publique et sexuelle, seulement parce qu’elle reflète les conventions d’une société donnée, va à l’encore de l’exercice et de la jouissance des libertés individuelles qui forment la base de notre contrat social. D. Dyzenhaus, “Obscenity and the Charter : autonomy and Equalityʼn (1991), 1 C. R. (4th) 367, à la p. 370, dit  qu’il s’agit là d’un (traduction) “moralisme legal”, d’une majorité qui decide quelles sont les valeurs qui devraient guider la vie de chacun, pour ensuite imposer ces valeurs aux minorités. La prévention de “l’obscénité pour l’obscénité” ne constitue pas un objectif légitime qui justifierait  la violation de l’une des libertés les plus fondamentales consacrées dans la Charte.” (p. 493) ( Ce qui permet au présent tribunal de constater que dans ce dossier la situation ce n’est pas qu’une majorité veut imposer sa volonté, mais qu’une minorité constituée d’échangistes  qui demande que la majorité les respectent dans leur choix et que, justement, pour ne pas déranger la majorité qui ne veut pas y participer, les échangistes authentiques demandent de jouir pleinement de leur droit fondamental à la liberté d’association dans un endroit suffisamment privé et clairement identifié comme un club échangiste. La poursuite n’a fait aucune preuve à l’effet que cette demande de la minorité échangiste soit déraisonnable et contraire au seuil de tolérance de la société canadienne et contemporaine. ) 

71.10    “La bonne pornographie a sa valeur parce qu’elle sanctionne le désir des femmes de ressentir du plaisir Elle rend hommage à la nature féminine. Elle sanctionne un éventail de facettes de la sexualité féminine qui sont plus nombreuses et plus véridiques que celles qui sont véhiculés par la culture non pornographique. La bonne pornographie célèbre à la fois le plaisir de la femme et la rationalité de l’homme.” (p.500) ( Ce qui permet au présent tribunal de constater que ce respect du désir de la femme et de la rationalité de l’homme semblent être des objectifs également recherchés, et même atteints, dans le climat qualifié de “respectueux” autant par la policière, quand elle parle du club échangiste Brigitte et Michel, que l’expert Campbell, quand il parle de la culture échangiste en général. Le présent tribunal est donc en mesure de conclure qu’une telle culture de respect, en particulier du droit de la femme de dire non, est loin de  créer un préjudice en prédisposant à agir d’une façon antisocial. Au contraire, une culture de respect comme celle de l’échangisme authentique explique bien pourquoi il n’est pas surprenant qu’une majorité de la société canadienne et contemporaine tolère les clubs échangistes et n’est pas dérangée par leur existence.  )

71.11    L’existence d’un motif économique sous-jacent ne prive pas en soi un ouvrage de signification à titre d’exemple du sens artistique ou de l’épanouissement personnel de l'auteur.” (p. 506) (Ce qui permet au présent tribunal de conclure de la même façon quant à l’épanouissement personnel des échangistes, car il serait inconséquent qu’on leur reconnaisse le droit à des établissements, mais qu’on les aseptiserait de toute dimension économique. Ce serait comme de vouloir empêcher les hôtels et les motels de faire de profits pour le motif qu’ils offrent des locaux où les gens peuvent avoir des relation sexuelles à volonté. L’aspect économique qui est humiliant et déshumanisant dans la prostitution, c’est le fait que l’argent est donné en échange de faveurs sexuelles que la personne soumise ou exploitée ne peut pas refuser. Le fait que dans le sondage on démontre que la société tolère que ce soit dans un “établissement”, (c’est-à-dire un lieu commercial qu’il ne faut pas confondre avec endroit “public”), le présent tribunal peut conclure que l’aspect intolérable de l’argent c’est qu’il serve à acheter la dignité humaine de la personne soumise, et non pas que l’argent puisse servir à payer les frais d’opération ou même que l’opérateur du commerce en tire un profit. Cette conclusion est particulièrement compréhensible lorsque, comme dans le cas du club échangiste Brigitte et Michel, les propriétaires se sont privés des revenus lucratifs de la vente d’alcool.

71.12    “Dans l’arrêt R. c. Rioux, (1969) R. C. S. 599, la Cour a confirmé à l’unanimité la conclusion de la Cour d’appel du Québec que le par. 163(2) (alors le par. 150(2) ne vise pas le fait de regarder en privé du matériel obscène. Le juge Hall a confirmé la décision du juge Pratte, à la p. 602 :

71.12.1 “Si donc l’exposition “à la vue du public” est mentionné dans le paragraphe 2a, c’est que le législateur a voulu que celle-là seule, et non pas l’exposition privée, constitue un crime.” (p. 506-507) ( Ce qui permet au présent tribunal de faire un parallèle et d’appliquer un raisonnement semblable à l’indécence dont on accuse les tenancier du club échangiste Brigitte et Michel. Sans le mentionné dans le texte de la loi concernant les maisons de débauche et les actes indécents, il n’en demeure pas moins qu’il est évident que les actes reprochés auront des conséquences différentes selon qu’ils sont posés dans un contexte et des circonstances carrément publiques (comme l’exemple classique d’un parc ou d’une cour d’école) ou dans un contexte et des circonstances plutôt privé comme un isoloir dans un débit de boisson ou encore un établissement qui n’est pas un débit de boisson licencié comme le club échangiste Brigitte et Michel ou le Pussy Cat dans l’affaire Tremblay.)

71.13    “Il importe en effet de souligner que le Code criminel est fondé sur le principe de liberté sexuelle entre adultes consentants et de responsabilité criminelle dans le cas de relations sexuelles entre des adultes et des personnes mineurs (les jeunes de 14 à 17 ans sont l’objet d’un régime particulier.” ( Ce qui permet au présent tribunal de considérer que ce principe de liberté sexuelle est renforcé par son application par les garanties du droit fondamental au respect de la vie privé et à la liberté d’association prévus expressément dans la Charte. )

71.14    Il semble que la tolérance soit, par rapport au goût, l’équivalent conceptuel de ce que serait la personne raisonnable par rapport à la personne qu’est un demandeur : une abstraction, peut-être une moyenne. La tolérance serait une certaine forme de goût éclairé de l’ensemble de la population et les résumerait.” (p. 520)  (Ce qui permet au présent tribunal de constater que les sondage D-7  permet d’établir une moyenne et même un degré de tolérance plus élevée qu’une simple moyenne de ce qui est toléré par l’ensemble de la société  canadienne et contemporaine. Le présent tribunal se doit également de souligner que cette tolérance est encore plus élevée quand le gens ont une certaine connaissance de l’échangisme, donc quand ils ont en quelque sorte un goût encore plus éclairé comme dit le jugement analysé.)

72.             Le 2 septembre 1993 la Cour Suprême du Canada ( R. c. Tremblay, (1993) 2 R. C. S. 932-972 ) a renversé la décision de la cour d’appel rapportée à 1991 R. J. Q. 2766 et a restauré le jugement rendu en cour municipale le 9 novembre 1988, et acquittait les personnes accusés d’avoir tenu une maison de débauche  entre le 22 mars 1988 et le 20 avril 1988, alors que des clients et des femmes payées pour ça, pouvaient s’offrir des séances de masturbation en présence l’un de l’autre. Nous avons déjà longuement analysé l'application de ce jugement au présent dossier lorsque nous avons plaidé verbalement le 6 décembre 2002, nous référons le tribunal aux transcriptions de notre plaidoirie verbale. Par conséquent nous référons le tribunal aux passages soulignés dans notre cahier de jurisprudence en résumant notre analyse de ce jugement aux extraits suivants :

72.1        "Le critère de la "norme de la tolérance de la société" applicable à l'égard de l'indécence, à l'instar de celui utilisé. en matière d'obscénité, requiert l'analyse des actes reprochés en fonction de plusieurs considérations" (p 933, par. g, h, i,)

72.2        "Ces normes de tolérance admises, qui sont contemporaines et changent avec le temps, et qui tiennent compte des normes de l'ensemble de la société, existent  et ne devraient pas être outrepassées".  (p 933, par. g, h, i,)

72.3        "Cette détermination doit être faite d'une manière objective suivant les normes contemporaines de la société canadienne, et ne pas refléter simplement la conception personnelle du juge de ce qui est tolérable". (p 933, par. g, h, i,)

72.4        "Le degré de préjudice – au sens de prédisposer une personne à agir de façon antisociale – est un facteur dont les tribunaux peuvent tenir compte aux fins de déterminer la norme de tolérance de la société. (p 933, par. g, h, i,)

72.5        "Le degré de préjudice qui peut résulter de la présentation au public des actes reprochés est pertinent lorsqu'il s'agit de déterminer s'ils sont indécents." (p 933, par. j,)

72.6        "Il faut tenir compte du contexte dans lequel l'acte est accompli car la norme de tolérance de la société variera en fonction du lieu où l'acte se produit et de la composition de l'auditoire." ( p. 934 par. b)

72.7        "On peut tenir compte du but de la prestation et la nature de l'avertissement ou de l'avis qui est donné relativement au spectacle." ( p. 934 par. b)

72.8        "Il est légitime de recourir au témoignage d'un expert pour déterminer quelle est la norme de tolérance de la société." ( p. 934 par. c)

72.9        "En l'espèce, pour rendre sa décision concernant cette norme, le juge du procès s'est fondé à bon droit sur le témoignage d'un expert, psychologue et sexologue, sur un rapport du gouvernement concernant les problèmes liés à la pornographie et à la prostitution et sur le témoignage d'un policier qui avait visité les lieux." ( p. 934 par. d)

72.10    "Aucun voisin ou client n'a formulé de plaintes concernant les activités du club, et ce fait peut également être pertinent pour déterminer si la société tolère de tels actes." ( p. 934 par. e)

72.11    "Les clients et les danseuses savaient exactement à quoi s'attendre, consentaient au déroulement des activités en question et pouvaient quitter les lieux." ( p. 934 par. e)

72.12    "Si on applique les renseignement recueillis par la commission Fraser au cas du Pussy Cat, nous pouvons en déduire assez facilement et logiquement que l'ensemble de la communauté canadienne est prête à tolérer que des actes de masturbation, sans qu'il y ait de contact entre les personnes et entre les adultes consentants, qui ont lieu privément même si le local est ouvert au public, n'excédent pas les standards de la décence." ( p. 950 par. g, h, )

72.13    "D'autant plus qu'il n'y a pas de violence combinée à ses activités d'autostimulation et d'autogratification sexuelles et que, comme l'a expliqué le témoin expert le Dr Campbell, dans le contexte dans lequel elles se déroulent, il ne s'agit pas là ni de déviation sexuelle ni d'acte dégradant, même s'il est entendu qu'une partie de la population peut très bien ne pas être d'accord avec ces activités, il n'en demeure pas moins qu'elle est prête à tolérer que d'autres personnes les exercent d'une façon privée et discrète, sans coercition aucune et sans déranger les citoyens qui ne sont pas d'accord avec cette activité ou qui ne désirent pas y participer." ( p. 950 par. i, j,  ) ( Le tribunal en la présente instance est à même de constater que ce mot à mot de la Cour Suprême correspond en grande partie au mot à mot de la définition du sondage produit dans le présent dossier, ce qui démontre que le questionnaire du sondage n'a pas été fait à la légère et qu'au contraire le sondage a cherché à obtenir une réponse selon les paramètres de la Cour Suprême, qu’ils sont très pertinents au présent litige et qu’il faut lui accorder une grande valeur probante.)

72.14    "Le juge Fontaine en est arrivé à la conclusion:

72.14.1  (1) que selon la preuve, les clients du Pussy Cat savaient exactement à quoi s'attendre,

72.14.2  (2) qu'aucun d'eux n'a été choqué par ce qui se passait dans cet établissement,

72.14.3  (3) que les adultes présents avaient consenti aux actes d'automasturbation,

72.14.4 (4) que le spectacle  des danseuses nues au Pussy Cat était de la même nature que celui exécuté dans les clubs où les danseuses touchent à certaines parties de leur anatomie et que la police tolère,

72.14.5 (5) qu'aucun citoyen ne s'était plaint des activités du Pussy Cat et enfin,

72.14.6 (6) que les actes accomplis au Pussy Cat n'étaient pas pathologiques et étaient tolérés par la société." ( p. 951 par. a, b, c, d,  )

72.15    "Tous les arrêts soulignent que la norme applicable est la tolérance et non le goût. Ce qui importe, ce n'est pas ce que les Canadiens estiment convenable pour eux-mêmes de voir. Ce qui importe, c'est ce que les Canadiens ne souffriraient pas que d'autres Canadiens voient parce que ce serait outrepasser la norme contemporaine de tolérance au Canada que de permettre qu'ils le voient" ( p. 958 par. i, j, )

72.16    "Le Shorter Oxford English Dictionary définit "tolérance" toleration) comme "l'acte ou le fait de tolérer ou de permettre ce qui n'est pas réellement approuvé". Il ressort de cette définition qu'il existe une distinction entre ce qui n'est pas approuvé et ce qui n'est pas toléré." ( p. 959 par. a, )

72.17    "À mon avis, les normes sociales contemporaines permettent de tolérer la distribution de films qui comportent essentiellement des scènes où des personnes ont des apports sexuels. Les normes sociales contemporaines toléreraient aussi la distribution de films qui comportent des scènes d'orgie sexuelle, de lesbianisme, de fellation, de cunnilinctus et de sodomie." ( p. 959 par. d, )

72.18    "Les tribunaux doivent déterminer du mieux qu'ils le peuvent ce que la société tolérerait que les autres voient en fonction du degré de préjudice qui peut en résulter. Dans ce contexte, le préjudice signifie qu'il prédispose une personne à agir de façon antisociale comme, par exemple, le fait pour un homme de maltraiter physiquement ou mentalement une femme ou vice versa, ce qui peut-être discutable" ( p. 960 par. a, b,  )

72.19    "Pour déterminer si un acte est indécent, il faut tenir compte du contexte dans lequel il intervient, car un acte n'est jamais accompli dans le vide juridique absolu. La norme de tolérance de la société est celle de l'ensemble de la société, Toutefois, ce que la société peut tolérer variera en fonction du lieu où l'acte se produit et de la composition de l'auditoire. Par exemple, un spectacle que la société peut tolérer comme convenant à la clientèle d'un club peut ne pas convenir du tout aux élèves d'une école secondaire." ( p. 960 par. g, h, i, )

72.20    "Ainsi, le juge du procès a statué que même s'il y avait certainement des Canadiens qui n'approuveraient pas le genre de spectacle exécuté par l'accusée et qui le trouveraient de mauvais goût, offensant ou inacceptable, le numéro en question n'outrepasserait pas la norme de tolérance de la société." ( p. 962 par. b, )

72.21    "Dans Pelletier c. La Reine, (1986) R.J.Q. 595, la Cour supérieure du Québec a eu recours à une analyse contextuelle pour déterminer si la projection, dans un club d'une vidéocassette montrant des scènes de cunnilinctus, de fellation, de lesbianisme et de pénétration sexuelle, pendant que des femmes nues dansaient sur scène, outrepassait la norme de tolérance de la société. Dans le film vidéo, les participants étaient nus et, parfois, les organes génitaux des hommes étaient montrés en gros plan. Une scène en particulier montrait une femme introduisant dans son vagin le manche d'un plumeau." ( p. 962 par. d, e,  )

72.22    " … l'indécence vise le comportement sexuel ou sa représentation qui n'est ni obscène ou immoral mais inapproprié selon les normes canadiennes de tolérance à cause du contexte où il survient. En d'autres termes, l'indécence ne provient pas du comportement lui-même mais plutôt des circonstances où il se produit." ( p. 962 par. h, )

72.23    "Il  a conclu que l'auditoire, le lieu et le contexte étaient des éléments essentiels dont il fallait tenir compte pour déterminer s'il y avait indécence." ( p. 962 par. j, )

72.24    "Contrairement à la Cour d'appel, je suis d'avis qu'il était tout à fait approprié que le juge du procès tienne compte du témoignage d'expert de M. Campbell pour déterminer quelle était la norme de tolérance de la société. Ce témoignage était pertinent et utile aux fins d'apprécier, de manière objective, quels genres de comportements sexuels seraient tolérés par les Canadiens. ( p. 964 par. h, i, )

72.25    "Les attitudes vis-à-vis des comportements sexuels sont en constante évolution. Pour déterminer si la conduite de l'accusé se démarque sensiblement de ce qui est jugé décent, les membres du jury auraient tiré grand avantage du témoignage d'un expert compétent (et considéré comme tel par les deux parties) concernant les pratiques sexuelles qui ont cours au pays et qu'un grand nombre de personnes ne jugent pas anormales ou perverses. Vu l'absence d'un tel témoignage, le jury en est réduit à se fonder sur ses propres opinions et ses expériences personnelles." ( p. 965 par. i, j, )

72.26    " ... les recommandations de ce comité constituent un instrument valable et important pour mesurer le seuil de tolérance de l'ensemble des citoyens canadiens face à des phénomènes comme la pornographie, la prostitution ou les maisons de débauche, ce qui inclut évidemment, il va sans dire, le phénomène de ce qui est indécent ou ce qui ne l'est pas." ( p. 966 par. g, h, )

72.27    "Bien que la preuve de l'acceptation par la police de la conduite reprochée ne puisse servir à déterminer la norme de tolérance de la société, elle constitue néanmoins un indice utile de cette norme." ( p. 967 par. g, )

72.28    "Par conséquent, le juge du procès disposait d'une preuve suffisante pour conclure à bon droit que la police tolérait des activités semblables à celles qui se déroulaient au Pussy Cat. Cela pouvait également être pris en considération aux fins de déterminer quelle était la norme de tolérance de la société applicable aux actes qui se déroulaient au Pussy Cat. ( p. 968 par. e, f, )

72.29    "Il ne faut pas oublier que les activités sexuelles se déroulaient derrière des portes closes, et non à la vue du grand public." ( p. 969 par. j, )

72.30    "Ainsi, même si les actes étaient accomplis dans un endroit public au sens du Code criminel, ils n'étaient pas accomplis à la vue du public de manière flagrante, mais bien à l'intérieur d'une pièce fermée, dans une relative intimité, et seuls des adultes consentants y participaient." ( p. 970 par. i, )

72.31    "Les activités visées ne causaient aucun préjudice. Le judas permettait tout au plus de s'assurer  qu'aucun préjudice n'était infligé à la danseuse ou au client. Comme M. Campbell l'a fait remarquer, les actes étaient le fait d'adultes consentants qui avaient choisi de se rendre dans un lieu qui, tout au moins pour eux, offrait une certaine intimité." ( p. 970 par. j, )

72.32    "Il est clair que toute personne qui se rendait à l'établissement en cause savait exactement à quoi s'attendre. Le client qui avait des réticences à se trouver dans une pièce en compagnie d'une femme nue pouvait quitter les lieux, Tant que le client que la danseuse connaissaient la nature des activités qui se déroulaient dans la pièce, et tous deux consentaient au déroulement de celles-ci. Voilà un facteur dont il pouvait être tenu compte pour déterminer si la société tolérait les actes en questions. ( p. 971 par. d, e, )

72.33    "Ces actes ne sont pas empreints de violence, et ils sont acceptés ou, du moins tolérés par la société lorsqu'ils sont accomplis dans les clubs de danseuses nues. Force est donc de conclure que la société tolère les gestes des danseuses du Pussy Cat. ( p. 971 par. j, )

72.34    "D'aucuns seront choqués par les présentes conclusions, mais ils doivent se rappeler qu'il ne s'agit pas d'appliquer les normes du bon goût, mais plutôt de déterminer si les actes en cause sont tolérés par la société. ( p. 972 par. b, )

73.             Le 13 décembre 1999 la Cour Suprême du Canada ( R. c. Pelletier no du greffe 296928, rapporté à (1999) 3 R. C. S. 863 ).restaurait l’acquittement du propriétaire d’un bar accusé d’avoir tenu une maison de débauche en offrant des danses-contact dans un établissement licencié publique.  Il a été jugé que des danseuses nues pouvaient se laisser toucher les fesses et les seins dans des isoloirs dont les rideaux étaient partiellement ouverts. Malgré le caractère encore plus publique des lieux que dans le dossier de R. c. Tremblay à cause du fait que c’était un établissement qui offrait à la fois la consommation d’alcool et de peau en contre partie d’une somme d’argent, le plus haut tribunal du pays n’y a rien trouvé d’indécent, ni de dégradant ou de déshumanisant pour la femme.

74.             Un tel jugement a été rendu sans faire la moindre analyse d’une preuve du seuil de tolérance, de sondage, ni d’expertises.

75.             Le présent tribunal est bien fondé de se demander comment, compte tenu d’un tel jugement de la Cour Suprême du Canada, il pourrait trouver coupable une femme qui partage du plaisir, non seulement volontairement, mais aussi gratuitement, dans un endroit qui n’a même pas le caractère public d’un établissement licencié dans lequel n’importe quel adulte peut entrer sans même sonner à la porte barrée, comme c’était le cas chez Brigitte et Michel ?

76.             La réponse, du moins quant au présent cas d’espèce, se trouve dans la preuve scientifique, objective et sans précédent quant aux clubs échangistes comme chez Brigitte et Michel, contenue dans le sondage de l’opinion publique, d’une expertise en psychologie et en sexologie et de témoignages d’experts  qui démontrent dans leur ensemble que la société canadienne et contemporaine tolère, d’une façon majoritaire, l’existence des clubs échangistes et qui démontrent d’une façon encore plus grande, que la société canadienne n’est pas dérangée ni par l’existence de ces clubs, ni par le fait que d’autres les fréquentent selon les critères et la définition qui suivent :

76.1        des adultes d’âge légal,

76.2        avertis

76.3        et consentants

76.4        se retrouvent

76.5        pour voir ou participer

76.6        à des activités sexuelle explicites

76.7        en groupe

76.8        dans un établissement prévu à cette fin

76.9        et qui leur est réservé,

76.10    à l’abri du regard du public ne désirant pas y assister ou y participer.

77.              Le présent tribunal est à même de constater que :

77.1        il s’agit là d’un nombre important de critères

77.2        qui servent en autant de filtres

77.3        pour donner un contexte et des circonstances

77.4        expliquant cette tolérance

77.5        dans une société démocratique

77.6        où le droit fondamental à la liberté d’association

77.7        et au respect de la vie privée doivent primer

77.8        en vertu des garanties accordées par la Charte Canadienne des Droits et Libertés

77.9        surtout quand il est démontré que dans les clubs échangistes authentiques les gens ont du respect et qu’ils traitent les autres en égaux et que par conséquent il est raisonnable de conclure que cette culture hédoniste ne prédispose pas ses adeptes à se comporter d’une manière antisociale.

78.             Le présent tribunal est également bien fondé de se demander quel message la cour de plus haute instance au pays a bien voulu passer aux tribunaux d’instance inférieur incluant les cours d’appel, en rendant un jugement aussi lapidaire et aride de preuve  ?

79.             La réponse peut être complexe et élaborée, mais si on veut simplifier les choses il apparaît clairement que la Cour Suprême en se référant succinctement aux jugements de R. c. Tremblay , (1993) 2 R. C. S. 932 et R. c. Mara, (1997) 2 R. C. S. 630 il est raisonnable de conclure que le message est de faire comprendre que, en matière de sexualité, les tribunaux doivent évoluer le plus possible au rythme de la société et plus particulièrement quant au seuil de tolérance qui évolue dans la société canadienne et contemporaine et que :

79.1        quand il s’agit d’un endroit d’accès publique, mais offrant une relative intimité, avec une plaquette extérieure affichant publiquementPussy Cat” et qu’il n’est pas licencié, la société tolère que des femmes soient payées pour se masturber et s’offrir en spectacle tout en permettant à des clients, auxquels elles ne peuvent pas dire non à cause de la contrepartie financière de se masturber devant elles, mais sans contact physique entre eux (Tremblay en 1993 ) ;

79.2        quand il s’agit d’un endroit à caractère carrément publique et qui s’affiche publiquement comme un établissement  licencié , la société  ne tolère pas que des femmes soient payées pour danser nues et tout en ayant des contacts sexuels  avec des clients auxquels elles ne peuvent pas dire non à cause de la contrepartie financière versée, autrement dit de se prostituer (Mara 1997);

79.3        quand il s’agit d’un endroit à caractère carrément publique et qui s’affiche publiquement comme un établissement  licencié, la société   tolère que des femmes soient payées pour danser nues et tout en permettant à des clients, auxquels elles ne peuvent pas dire non à cause de la contrepartie financière versée, de leur toucher les seins et les fesses (Pelletier en 1999)

80.             Mais aucun tribunal au pays, y compris la Cour Suprême de Canada, n’a eu à se prononcer sur le caractère indécent dans un cas d’espèce comme celui du club échangiste Brigitte et Michel soit:

80.1        quand un endroit qui n’a même aucune plaquette, ni enseigne sollicitant le publique

80.2        et qui ne s’affiche absolument pas publiquement sur la rue

80.3        et qui ne détient pas un permis d’alcool

80.4        et qui offre l’intimité relative d’aires ouvertes et d’aires clos

80.5        et au sujet duquel une preuve objective et non contredite a été faite par voie d’un sondage scientifique établissant d’une façon objective que la société canadienne et contemporaine tolère que des adultes d’âge légal, avertis et consentants se retrouvent pour voir ou participer à des activités sexuelles explicites en groupe dans un établissement prévu à cette fin et qui leur est réservé, à l’abri du regard du public ne désirant pas y assister ou y participer.

81.             Quelles sont les contextes et les circonstances qui font que la société canadienne et contemporaine tolère certaines activités à connotation sexuelle et ne tolère pas certaines autres ? Est-ce que c’est :

81.1        le fait qu’il y ait une contrepartie en argent pour accorder des faveurs sexuelles, ou le fait que le gens le font gratuitement,

81.2        le fait que le contexte ressemble plutôt à de la prostitution dans des circonstances de soumission et de servilité, où les soumises  ne peuvent pas dire non à cause de la contrepartie financière, ou  le fait que les actes sexuels puissent se faire dans un rapport d’égalité et de respect, et où les gens peuvent refuser en tout temps ?

81.3        le fait que l’endroit soit plutôt public ou plutôt privé ?

81.4        le fait que l’endroit soit licencié ou pas licencié ?

81.5        le fait que les contacts physiques se fassent entre une danseuse nue et des clients ou un endroit où le contrat social intervient plutôt entre des membres d’un club qui s’associent pour échanger des caresses entre eux à titre d’adeptes authentique de la culture échangistes ?

81.6        le fait que les gens ont un comportement responsable en utilisant des condoms ou le fait qu’on soit d’avantage intéressé à vous soutirer de l’argent plutôt que de se soucier de la santé ?

81.7        le fait que chacun est libre de faire ce qu’il veut sexuellement en autant de ne pas déranger les autres ou le fait que ce soit les policiers qui décident de faire une descente parce que quelqu’un se plaint qu’il n’aime pas le fait que vous soyez différents des autres ?

81.8        le fait que ce soit un club échangiste, clairement annoncé et identifié comme étant un club échangiste, avec un code d’éthique et réservé à cette fin ou un endroit plutôt clandestin où on ne sait pas trop ce qui nous attend parce que n’importe qui peut y aller ?

81.9        le fait que des critères objectifs et précis permettent aux citoyens de faire un choix libre et éclairé ou le fait que ce soit laissé à l’arbitraire subjectif de la police et des autorités politiques ?

82.             Le présent tribunal peut trouver une réponse objective à la plupart de ces questions dans la preuve faite devant lui et plus particulièrement certaines pages du sondage D-7 :

82.1        page 17, question 4a), on voit que lorsque les adultes qui participent à des activités sexuelles sont consentants (donc lorsqu’il n’y a pas de rapport de soumission ou de contrainte) et qu’ils ne dérangent personne, la tolérance est très élevée : 78%. Donc le fait qu’il y ait un consentement et le fait que ce soit fait avec discrétion pour ne pas déranger les autres, ce sont des critères très importants pour déterminer le seuil de tolérance;

82.2        page 17, question 4c), on voit que lorsque ces adultes consentants ne dérangent personne et qu’ils le font dans le contexte d’un club échangiste, la tolérance est tout de même assez élevée : 64 %;

82.3        page 18, question 4a), on voit que, lorsque les gens ont déjà entendu parlé des clubs échangistes, la tolérance est encore plus élevée : 83%. Donc une société canadienne et contemporaine plus informée tolère d’avantage que les autres vivent leur vie sexuelle comme il l’entendent et l’existence des clubs échangistes semble être perçue comme étant un véhicule qui favorise cette tolérance;

82.4        page 18, question 4a), on voit que, dans le groupe de gens qui ont déjà entendu parlé des clubs échangistes, la tolérance est encore plus élevée dans les groupes d’âge qui représentent 71% de la société canadienne et contemporaine (pages 8 et 11 de D-7). En effet, cette tolérance monte à 88% pour le groupe des 18-34 ans et à 78% pour le groupe des 35-54 ans. Donc plus les gens sont informés sur les clubs échangistes et plus il font partie du groupe d’âge de la grande majorité de la population, plus ils sont d’accord pour que les adultes consentants vivent leur vie sexuelle comme ils l’entendent dans le contexte d’un club échangiste.

83.             Avec toute cette preuve qui démontre que la société canadienne et contemporaine n’est pas dérangée par le contexte et les circonstances d’un club échangiste comme Brigitte et Michel, le présent tribunal doit se demander comment peut-il distinguer le présent dossier d’avec les jugements rendus dans Blais-Pelletier, Mara et Tremblay ?

84.             Une première chose qui distingue un club échangiste de ces trois autres jugements d’une façon très significative, c’est que dans un club échangiste, le contrat social s’établit uniquement entre les membres du club et alors que dans les trois autres cas, le contrat social intervient entre une danseuse nue et des clients.

85.             La deuxième distinction significative c’est que dans ces trois autres dossiers, il y a de l’argent qui donné à cette danseuse par les clients à qui cette dernière accorde le droit de la regarder pour se masturber, de la toucher ou d’avoir des contacts physiques, alors que dans un club échangiste ces échanges se font sans aucune remise d’argent entre les participants.

86.             La troisième distinction significative c’est que dans le dossier de Mara et de Blais-Pelletier (qui diffèrent du dossier de Tremblay où il n’y a pas de contact physique entre la danseuse et le client), cette remise d’argent se fait en contrepartie de contacts physiques à connotation sexuelles, ce qui est comparable à un contexte de prostitution alors que dans un club échangiste il n’est pas question de prostitution, notamment parce que les échangistes partagent gratuitement entre eux.

87.             Cette troisième distinction du contexte et des circonstances comparables à de la prostitution permet au présent tribunal de faire un rapprochement avec le sondage qui indique quel est le seuil de tolérance de la société canadienne et contemporaine à l’égard de la prostitution.

88.             Quand on veut évaluer le niveau de non-dérangement qui varie de 64 % à 88% quant à l’échangisme en analysant les réponses à la question 4c) en fonction des pages 6, 9, 10 et 11 du sondage en comparaison avec le niveau de non-dérangement face à la prostitution tel qu’établi en réponse aux question 1b) et 1c), le tribunal constate que ce pourcentage descend considérablement à 35% et 47% seulement pour la prostitution.

89.             Ce qui permet au présent tribunal de conclure que si la société canadienne et contemporaine n’est pas dérangée par les relations sexuelles explicites même en groupe dans un club échangiste, c’est qu’il n’y a pas, dans un club échangiste authentique, ce contexte dégradant et déshumanisant d’échange d’argent entre une danseuse servile et un client qui reçoit des faveurs sexuelles. C’est ce qui explique pourquoi dans Mara en particulier il a été jugé que le contexte équivalant à de la prostitution n’est pas toléré.

90.             La non-applicabilité du jugement rendu dans Mara au présent dossier s’accentue encore plus en raison d’une autre différence fondamentale qui est le caractère privé du lieu où se déroulent les activités. D’ailleurs, c’est en considération de ce caractère privé que dans le jugement de Mara ont a refusé d’appliquer le jugement rendu dans Tremblay.

91.             En effet, dans Mara on a refusé d’appliquer Tremblay parce que,

91.1        premièrement il y avait des contacts physiques contrairement au dossier de Tremblay,

91.2        deuxièmement ces contacts physiques se faisaient entre des danseuses et des clients dans une taverne qui est de nature carrément publique alors que dans le dossier de Tremblay même si l’endroit est publique, il y avait un certain caractère plutôt privé vu que le contexte et les circonstances offraient  une “relative intimité”;

91.3        troisièmement dans Tremblay les activités se déroulaient dans une maison privé sur laquelle il n’y avait qu’une petite plaquette à l’extérieure et non pas d’un endroit s’affichant comme un lieu publique où n’importe qui est invité à consommer de l’alcool et du sexe indistinctement comme dans Mara.

92.             C’est ce qui ressort des extraits suivants tirés de la page 11 du jugement de Mara,  selon l’édition déjà produite sous l’onglet 7 du cahier de jurisprudence de la poursuite :

92.1        “ Les principaux éléments qui distinguent la présente affaire de l’arrêt Tremblay sont le contact physique entre des clients et des danseuses qui a eu lieu ici, mais qui était défendu dans Tremblay, et la nature publique de l’activité en l’espèce; cette activité s’est déroulée ouvertement dans une taverne alors que dans Tremblay, les actes avaient été accomplis en privé.”

92.2        “ Ces caractéristiques distinctives ont une incidence profonde sur la conclusion d’indécence dans la présente affaire. La nature publique de l’activité et le contact physique créent un contexte factuel très différent des affaires précédentes.”

93.             Le présent dossier :

93.1        se distingue de Tremblay et se rapproche de Mara du fait qu’il y avait des actes sexuels comme des fellations et des cunnilingus;

93.2        mais il se rapproche plus de Tremblay et s’éloigne de Mara à cause du caractère privé d’un lieu qui offre une relative intimité;

93.3        et il s’éloigne encore plus de Mara, si on prend en considération le fait que dans le présent cas, il n’y a même pas une plaquette extérieure pour solliciter le public comme c’était le cas dans Tremblay.

94.             Aucun de ces trois jugements ne s’est prononcé sur des actes sexuels dans le contexte très particulier d’un club échangiste authentique et respectueux.

95.             Aucun de ces trois jugements ne s’est prononcé sur des actes sexuels dans des circonstances qui prévalent dans un club échangiste où des adultes, sont libres, donc consentants, car ils ne sont pas payés en contrepartie de faveurs sexuelles.

96.             Aucun de ces trois jugements ne s’est prononcé sur des actes sexuels dans un club échangiste où tous les participants sont dans un rapport d’égalité entre adultes et non pas dans un rapport dégradant ou déshumanisant de  danseuses nues serviles et soumises à des clients qui n’ont pas le même genre de comportement respectueux que ce qui existe dans un club échangiste comme la preuve l’a démontré.

97.             Aucun de ces trois jugements ne s’est prononcé sur des actes sexuels dont le contexte et les circonstances ont été vérifiés par un sondage mis en preuve , et qui est sans précédent et qui a une incidence importante sur la décision à rendre dans le présent dossier.

98.             Le présent tribunal doit trouver des différences entre les deux contextes et circonstances et déterminer les raisons les plus évidentes pour lesquelles la société est dérangée par la prostitution, mais tolère les clubs échangistes.

99.             Pour ce faire, le présent tribunal doit prendre en considération que :

99.1        dans la prostitution il y a un paiement d’argent en échange de faveurs sexuelles comme dans Mara;

99.2        dans la prostitution il a un contact sexuel entre une danseuse et un client comme dans Mara;

99.3        dans la prostitution le consentement de la danseuse est anéanti par le paiement qui la prive de sa liberté de dire non, comme dans Mara;

99.4        dans la prostitution cette perte du droit de dire non à cause de l'argent entraîne le risque de ne pas pouvoir dire non à une relation non protégée par condom, comme dans Mara;

99.5        dans la prostitution le préjudice pour la société c’est que, le fait de pouvoir traiter la femme dans un rapport d’inégalité est dégradant et déshumanisant et prédispose à un comportement antisociale, comme dans Mara.

100.        En analysant ainsi les affaires Tremblay, Mara et Blais-Pelletier, le présent tribunal peut donc, ainsi s’expliquer, pourquoi la société est moins dérangée par l’échangisme que par la prostitution, et aussi il peut mieux comprendre pourquoi la société canadienne et contemporaine tolère l’existence des clubs échangistes dans le contexte et les circonstances qui sont précisées dans la définition du sondage.  

101.        Le 28 février 2001, la Cour d'Appel du Montréal, ( Roux  C La Reine 500-10-001798-006) a renversé le jugement rendu le 7 février 2000 par la Cour Supérieure qui, lui, avait rejeté l’appel fait par les accusées du jugement de la Cour Municipale rendu le 21 mai 1999, et a acquitté les deux femmes accusées d’avoir commis une action indécente en participant à un spectacle offert dans un endroit publique et licencié, car les contacts physiques se faisaient entre deux danseuses et non pas entre une danseuse et un client.

102.        Cette distinction fait toute une différence avec la jurisprudence précédente.

103.        Dans le présent dossier, la distinction qui fait toute une différence avec les autres jugements, c’est précisément que dans les clubs échangistes, tout comme dans ce jugement de la cour d’appel dans Roux, il n’y a aucun contact physique entre les clients et les femmes qui se donnent en spectacle.

104.        Aux paragraphes 7, 8 et 9 de ce jugement la cour analyse la norme de tolérance selon la jurisprudence dans R. c. Tremblay, (1993) 2 R. C. S. 932, R. c. Butler et R. c. Mara, (1997) 2 R. C. S.  670.

105.        Des deux premières causes la Cour d'Appel retient que le "critère déterminant" pour établir la norme de tolérance c'est le "degré de préjudice qui peut résulter de la présentation au public". "À cet égard, la Cour (Suprême) a affirmé que plus forte sera la conclusion de l'existence d'un risque de préjudice, moins grande seront les chances de tolérance" (par. 7).

106.        Positivement formulé cela signifie que le seuil de tolérance est inversement proportionnel au risque de préjudice pour la société, et que l’échangisme est plus tolérable que la prostitution parce que la société ne voit pas dans l’échangisme, le préjudice qui est évident dans la prostitution.

107.        À ce principe la Cour Suprême ajoute les deux "composantes" considérées dans Mara tel qu'il appert au paragraphe 8 du jugement sous étude:

107.1    l'aspect "dégradant et déshumanisant" de l'acte reproché;

107.2    et le risque de préjudice qui consiste à prédisposer les personnes à agir d’une façon antisociale.

108.        Ce qui était "dégradant et déshumanisant" dans Mara, c'est que l'acte reproché "prédisposait les personnes à agir d'une manière antisociale" car  le fait que la femme soit obligée de se soumettre contre sa volonté, prédispose "les personnes à agir d'une manière antisociale" et à considérer la femme comme un objet de plaisir au service de l'homme.

109.        C'est ce caractère servile de la relation danseuse-client, assimilable à de la soumission sexuelle pour ne pas dire de l'esclavage sexuel, qui est  "dégradant et déshumanisant" et "prédisposait les personnes à agir d'une manière antisociale".

110.        Pour appliquer ces principes au présent dossier, le tribunal doit trouver dans la preuve, que ce qui se passait chez Brigitte et Michel était, hors de tout doute raisonnable, à la fois "dégradant et déshumanisant" et aussi "prédisposait les personnes à agir d'une manière antisociale"

111.        C'est ce la Cour d'Appel indique au paragraphe 8 du jugement analysé, en référant à la Cour Suprême dans Mara: "La Cour a jugé inacceptable et dégradant pour les femmes de permettre qu'un tel usage soit fait de leur corps au cours d'un spectacle public dans une taverne".

112.        Dans le cas des clubs échangistes comme Brigitte et Michel, aucun de ces deux éléments n'a été démontré dans la preuve faite devant le présent tribunal.

113.        Au contraire, selon la preuve prépondérante et non contredite au dossier, la culture échangiste prédispose plutôt les gens à agir avec respect à l'égard d'autrui et la société ne peut que tirer un bénéfice d'une culture qui préconise et prédispose à agir d'une manière socialement respectueuse.

114.        Dans un club échangiste l'action survient librement et volontairement entre les membres du club tout comme deux danseuses qui interagissent entre elles et non pas entre une personne qui est obligée de le faire parce qu'elle est payée pour cela et une personne qui paye l'autre pour acheter son droit de lui toucher.

115.        Le fait que l'action se déroule non pas entre une personne payée et une personne qui paie fait toute la différence, et a pour conséquence que la Cour d'Appel conclut que, dans un tel contexte et dans de telles circonstances, la relation sexuelle apparente entre les deux danseuses n'est pas dégradante, ni déshumanisante et ne crée pas de risque de préjudice car elle ne prédispose pas à un comportement antisocial.

116.        Et même là encore il faut ajouter que le fait que l'action se déroule entre une serveuse et un client n'est pas nécessairement illégal, car "la société tolère les actes suggestifs à caractère sexuels accomplis par des danseuses nues, dans la mesure où ces actes ne sont pas empreints de violence et sont posés dans les clubs de danseuses nues" (par. 25 référant aux pages 971 et 972 de R. c. Tremblay.)

117.        De plus, le fait que cette action dans Mara se déroule "au cours d'un spectacle public dans une taverne" est un élément qui se retrouve dans Roux c. R mais qui est loin d'avoir été prouvé hors de tout doute raisonnable dans le présent dossier.

118.        D'abord Brigitte et Michel n'est pas une "taverne", c'est à dire n'est pas un établissement licencié.

119.        De plus, chez Brigitte et Michel, les actes sont accomplis non pas en public, mais plutôt dans une "relative intimité", pour employer l'expression utilisée dans R. v. Tremblay p. 970 par. i.

120.        Les notions d'actes dégradants et déshumanisants ainsi que du préjudice prédisposant les personnes à agir d'une manière antisociale sont également analysées aux paragraphes 14 à 24 du jugement dans Roux c. La Reine. Cette analyse permet au tribunal en la présente instance de conclure que la preuve faite dans le dossier du club échangiste Brigitte et Michel ne démontre pas hors de tout doute raisonnable des circonstances qu'il peut qualifier de "dégradant" et de "déshumanisant".

121.        La Cour d'Appel dans Roux c. La Reine, nous enseigne aussi qu'il y a un troisième élément à considérer car "Pour bien apprécier la norme de tolérance, on doit aussi tenir compte du lieu et de la composition de l'auditoire" (par. 10). Or, chez Brigitte et Michel, tout comme dans le dossier de Roux c. La Reine, "En l'espèce, il est en preuve que les spectateurs étaient "avertis" (par. 10) de ce qui se passait à l'intérieur.

122.        Comme il est dit au paragraphe 22 dans le jugement de Roux c. La Reine, les femmes qui vont s'amuser librement et volontairement dans un club échangiste authentique "seraient sans doute étonnées que dans les circonstances un tribunal qualifie de "dégradant" et "déshumanisant" pour elles, leur participation". En effet, si un femme se donne librement, volontairement et gratuitement accès à plusieurs partenaires, cela ne fait pas d’elle une prostituée. Ce n’est pas le fait d’avoir plusieurs partenaires qui est dégradant et déshumanisant pour la femme, mais c’est plutôt le fait de perdre sa dignité en monnayant l’accès à son corps.

123.        Comme il est dit au paragraphe 24 dans le jugement de Roux c. La Reine, mais en l'adaptant au présent dossier, on pourrait poser la question suivante: Comment faire comprendre aux adultes qu'ils ne peuvent pas voir et faire en trois dimensions ce qu'ils voient en deux dimensions à la télévision, au cinéma ou dans un établissement public et licencié ?

124.        En terminant avec ce jugement de la Cour d'Appel, il est remarquable de voir à quel point la Cour d'Appel a elle-même évolué quand on compare les commentaires de cette cour qui rendait son jugement le 28 février 2001 dans Roux c. La Reine comparativement au jugement plutôt sévère qu'elle a rendu dans Tremblay c. La Reine en 1991. 

125.        Cette évolution très significative en à peine 10 ans donne une bonne idée de l'évolution du seuil de tolérance dans la société depuis 20 ans et de l’importance de s’éloigner de la jurisprudence étroite d’esprit d’il y a 20 ans.

126.        Tous ces extraits, ou presque, du jugement dans Roux c. R. de la Cour d’appel   s'appliquent aux activités qui se déroulaient au club échangiste Brigitte et Michel.

127.        Une des principales différences qui rapproche le présent cas d’espèce et la cause de Roux et qui distingue ces deux jugements des autres jugements, c’est justement que les contacts physiques ne sont pas entre une danseuse obligée et un client qui contrôle. Dans Roux, les contacts se font uniquement entre les deux danseuses consentantes, libres et volontaires qui ont des contacts entre elles, tout comme au club échangiste Brigitte et Michel, où les contacts se font uniquement entre les membres.

128.        Par conséquent, le présent tribunal doit plutôt conclure dans le sens de la Cour d’Appel dans l’affaire Roux plutôt que dans le sens de Mara.

129.        Le fait qu'au club échangiste Brigitte et Michel les actes n'impliquaient aucune personne qui était payée par un autre pour être utilisée comme un objet sexuel, ne peut que rendre la chose plus tolérable pour la société, car il y a absence totale de cet aspect "dégradant et déshumanisant" et de cet aspect "préjudice" qui sont susceptibles de prédisposer cette personne à un comportement antisocial.

130.        Quant au fait qu'il y ait des relations sexuelles entre les "membres du club" uniquement est tout à fait sans précédent (dans Mara les relations avaient lieu entre les clients et les femmes payées pour servir d'objet sexuel). Cet élément nouveau a été analysé dans le sondage D-7, qui est, lui aussi sans précédent et qui établit d'une façon prépondérante et non contredite, que le fait d'avoir ces relations sexuelles dans le contexte et les circonstances qui prévalaient au club échangiste Brigitte et Michel sont tolérées par la société canadienne et contemporaine.

131.        Le sondage sur la tolérance de la société canadienne et contemporaine face aux clubs échangistes ajoute aussi quelque chose d'autre qui est sans précédent, c'est le fait que le sondage constitue un outil de mesure scientifique et objectif, qui permet au juge de ne pas avoir à déterminer subjectivement le seuil de tolérance selon son expérience personnelle.

132.        L'acte sexuel en soit n'est pas indécent car, au contraire, il est tout à fait naturel. Donc, c'est vraiment le contexte et les circonstances dans lesquels il se déroule qui fait toute la différence.

133.        Il est vrai que dans le dossier de Tremblay c. La Reine, il a été pris en considération qu'il n'y avait pas de préjudice étant donné qu'il n'y avait pas de contact physique et donc pas de risque apparent de maladies susceptibles d'être transmises sexuellement.

134.        Il y a quatre éléments qui permettent au présent tribunal de croire que le "risque de préjudice" n'est pas ce qu'il peut sembler être pour ceux qui ne connaissent pas la culture échangiste.

134.1    Premièrement, dans le jugement plus sévère rendu dans Mara à la page 2 et au paragraphe 46 de la page 12, la Cour Suprême a dit que le fait qu'il puisse y avoir un risque de transmission de maladie revêt une importance bien secondaire quant vient le temps de déterminer s’il y a indécence :

134.1.1  “ La possibilité qu’un préjudice soit causé aux exécutantes mêmes – le risque de préjudices découlant de maladies transmises sexuellement et d’activités semblables à la prostitution – bien qu’elle soit regrettable, n’est pas un facteur essentiel aux fins de l’art. 167. Le risque que les exécutantes subissent un préjudice n’est pertinent que s’il aggrave le préjudice social résultant de l’avilissement des femmes et de leur traitement comme des êtres objets. Enfin, le contact physique entre clients et danseuses et la nature publique de l’activité en question sont les principaux éléments qui distinguent la présente affaire des arrêts Tremblay et Hawkins.” (p.2)

134.1.2 “ Quant à la prise en considération du risque de maladies transmises sexuellement, étant donné que je n’accorde tout au plus que peu d’importance à ce facteur, je m’abstiendrai d’examiner s’il était approprié que la Cour d’appel tienne compte de ces risques pour déterminer s’il y avait indécence.” (p. 12 par. 46)

134.2    Deuxièmement, la preuve démontre que dans le milieu échangiste en général et au club échangiste Brigitte et Michel en particulier, on préconise et on utilise le condom et que Brigitte Chesnel elle-même en fournissait au besoin. C’est très différent du comportement antisocial décrit par les tribunaux dans les cas de bars de danseuses nues.

134.3    Troisièmement, la preuve démontre que les adeptes de l'échangisme sont en grande partie des couples qui rencontrent d'autres couples et qui ont une culture de respect les uns des autres. Ils ne sont pas intéressés d'attraper des maladies au sein de leur couple, par opposition aux clients de passages qui achètent du plaisir avec une danseuse ou une prostituée et qui ne se soucient pas de cette dimension. Afin de diminuer le risque de préjudice social qui pourrait découler de la clandestinité et de l'incertitude des clubs échangistes qui sont dans un “vide juridique”, la solution est plutôt de permettre aux échangistes authentiques d'avoir un endroit bien identifié comme un club qui offre un contexte et des circonstances qui seront clairs pour tous. Si les échangistes n’ont pas de tels clubs, il risque de se produire ce qui se passe actuellement pour la prostitution, c’est-à-dire que les échangistes vont continuer leurs activités, mais dans une zone grise et incertaine qui favorisera la clandestinité et le crime organisé.

134.4    Quatrièmement, la société ne peut que bénéficier du fait que des citoyens soient respectueux de cette façon, car cette culture prédispose les gens à avoir un comportement qui n’est pas antisocial.

135.        Le 18 janvier 2002 le Comité de déontologie policière ( C. D. P. c. Alleva C-2001-2998) rendait une décision établissant que les policiers n’ont pas respecté l’autorité de la loi et des tribunaux et ont enfreint l’article 4 de la Charte des droits et libertés de la personne en laissant prendre des images photos et vidéos des échangistes, lors d’une descente policière à l’hôtel Best Western de Brossard le 2 juillet 1999.

136.        Ces images de personnes nues à l’intérieur de la chambre d’hôtel qui ont été prises par les média grâce aux policiers qui ont laissé la porte du motel ouverte avaient, entre autre, parues en première page du Journal de Montréal selon la pièce P-8 (p.8 par. 21).

137.        Le policiers ont publiquement déclaré aux média qu’il s’agissait de prostitution alors qu’ils savaient que c’était faux. Une fois que les média ont publié cette fausse information, les policiers ont du se rétracter, mais il était trop tard car le dommage était fait et les échangistes avaient déjà été humiliés et jugés par leurs familles, leurs amis, leurs voisins et par la population en générale.

138.        Cette jurisprudence permet au présent tribunal de comprendre la demande des accusés de faire détruire les images vidéos et photos qui ont été prises par les policiers dans le présent dossier. Ils soumettent que les policiers n’ont pas respecté l’autorité de la loi et des tribunaux et ont enfreint l’article 4 de la Charte des droits et libertés de la personne en prenant des images photos et vidéos des échangistes chez Brigitte et Michel sans avoir été autorisés par un juge ou par la Loi sur l’identification des criminels.

139.        La preuve a également révélé que les policiers se sont arrogé le droit de prendre des photos de citoyens accusés de s'être trouvés dans une maison de débauche, ce qui constitue une simple infraction sommaire, laquelle ne permet pas la prise de photos en vertu de la loi sur l'identification des criminels (L. R. C. ch.I-1).

140.        En effet, l'article 2 de cette loi ne permet la prise de photographies et  d'empreintes digitales uniquement  dans le cas d'accusations d'actes criminels en vertu du code criminel et de certaines autres lois non applicables dans le cas des présents accusés.

141.        La preuve faite au présent dossier démontre que les échangistes qui se rencontraient chez Brigitte et Michel étaient de simples “badauds” non criminalisés mais que les policiers ont également humilié en prenant ces images.

142.        Quand les policiers en sont rendus à s’en prendre à de simples citoyens en les traitant ainsi, il est nécessaire et urgent que les tribunaux interviennent pour protéger ces derniers contre les “abus d’autorité de la part des policiers qui, en usant ainsi de leurs pouvoirs, posent des gestes répréhensibles, excessifs et mauvais” (p.11 par. 43) et portent ainsi atteinte à la vie privée d’une minorité de gens dont le comportement est pourtant toléré par une majorité de la société canadienne et contemporaine.

143.        Ce n’est pas parce qu’un seul individu envoie une lettre au maire que cela signifie que le seuil de tolérance de la société canadienne et contemporaine est outrepassée.

144.        Ce n’est pas parce qu’une minorité de citoyens agit différemment de la majorité que cela donne le droit à la police de les pourchasser comme dans une chasse aux sorcières. Un peu comme les témoins de Jéhovah pourchassés par la police de Duplessis, il semble que ce soit au tour des échangistes d’avoir besoin de l’intervention des tribunaux pour se faire démystifier et reconnaître comme n’étant pas une menace pour la société.


JURISPRUDENCE DE LA POURSUITE

 

145.        Nous analyserons maintenant la jurisprudence de la poursuite.

146.        Le 12 janvier 1982 la cour d’Appel d’Ontario  ( R. v. Pitchford and Cook,66 C. C. C. (2d) 568, onglet 1)  confirmait un verdict de culpabilité pour une accusation d’avoir tenu une maison de débauche en mars 1980 et mais qui a changé la sentence pour une sentence de libération conditionnelle.

147.        Ce jugement est loin d’être dommageable au présent dossier et il aide même la présente cause pour plusieurs raisons :

147.1    il s’agit d’un jugement concernant des événements survenus depuis plus de 20 ans et qui ne pouvait prendre en considération que les valeurs contemporaines de cette époque, depuis laquelle est survenue la renaissance sexuelle des années 80 dont témoigne l’expert Campbell;

147.2    par conséquent, les normes contemporaines qui auraient pu être prises en considération pour déterminer le caractère indécent d’il y a 20 ans ne sont pas utiles car elles sont ou bien périmées ou inexistantes;

147.3    dans ce jugement il n’y a aucune preuve du seuil de tolérance de la société canadienne et contemporaine, ni par expertise, ni par sondage, ni par témoignage d’expert en sexologie et psychologie, ni par témoignage d’expert en sondage d’opinion publique;

147.4    dans ce jugement il n’y a aucune discussion ni analyse de la notion de tolérance de la société pour juger du caractère indécent de la maison de débauche en question;

147.5    on y parle de “membership list” (p. 571) qui rejoint la notion de carte de membres dont la défense suggère l’utilisation comme paramètre pour déterminer le caractère authentique des clubs échangistes;

147.6    on voit dans ce jugement la démonstration du besoin d’une Charte des Droits et Libertés qui protège la vie privée et garantie la liberté d’association;

147.7    finalement le fait que le juge ait changé la sentence pour accorder une libération conditionnelle démontre bien que déjà en 1982 les tribunaux ne considéraient pas ce genre d’activités comme étant bien grave.

148.        Les causes de Towne Cinema sous l’onglet 2 et de Pelletier sous l’onglet 3, et qui sont favorables à la défense ont déjà fait l’objet d’analyses parmi la jurisprudence produite par la défense.

149.        Le 4 mars 1996 la cour d’Appel d’Ontario ( R. v. Ludacka 46 C. R. (4th) 184) renversait la décision de première instance qui avait prononcé un acquittement pour une accusation d’avoir permis la présentation d’un spectacle indécent, soit du “laps dancing”, dans une théâtre public qui vendait de l’alcool le 11 avril 1992.

150.        Le tribunal doit immédiatement conclure que  cette jurisprudence de 1996 sur les danses contacts ne fait plus force de loi depuis que la Cour Suprême du Canada en a décidé autrement 3 ans plus tard soit le 13 décembre 1999, dans Blais-Pelletier c R. tel qu’il appert à l’onglet 13 du cahier de jurisprudence de la poursuite et que la défense a également produite et analysée.                                 

151.        Par contre plusieurs éléments de faits dans R. v. Ludacka et qui en expliquent le verdict de culpabilité, doivent être pris en considération a contrario ou être distingués par rapport au présent dossier :

151.1    il s’agissait d’un endroit carrément publique mais pas dans le présent cas;

151.2    il s’agissait d’un endroit qui avait un permis d’alcool mais pas dans le présent cas ;

151.3    il y avait un risque découlant du fait que les contacts physiques non apparemment protégés et par conséquent susceptibles de favoriser la transmission de maladies, alors que dans le présent cas il est établi qu’il y avait usage de condoms et que  les adeptes authentiques de la culture échangistes en font généralement l’usage et la promotion.

151.4    Ce qui a été dit de la façon suivante dans ce jugement :

151.4.1 “Furthermore, particularly because the activities were carried on in licensed premises, there is a real risk of physical harm to the performers, the harm of unwanted sexual touching, of sexual assault.( Ce qui permet au présent tribunal de constater que dans un club échangiste c’est tout à fait le contraire qui se passe, c’est-à-dire que les échangistes sont respectueux du refus des autres et qu’ils utilisent des condoms selon les règles d’un code d’éthique qui a été mis en preuve. De plus, comme les gens ne sont pas obligés de boire de l’alcool comme dans un établissement licencié, le risque est moins élevé que les gens s’enivrent et aient un comportement antisocial. Dans un établissement licencié les gens sont obligés ou incités à consommer de l’alcool susceptibles de diminuer leur capacités, alors que chez Brigitte et Michel les gens apportent de l’alcool s’ils veulent en boire, mais ils ne sont pas obligés. );

151.5    ce qui permet au présent tribunal de conclure, que ces comportements n’ont pas été mis en preuve dans le présent cas, et qu’au contraire, les adeptes authentiques de la culture échangiste, en général et chez Brigitte et Michel en particulier, la femme est traitée avec respect sans que personne ne se plaigne ou fasse la preuve que quoique ce soit de dégradant ou de déshumanisant ait été imposé à qui que ce soit;

151.6    ce jugement se base sur l’affaire Mara que nous avons partiellement analysée dans le cadre du jugement dans Blais Pelletier et que nous reverrons sous l’onglet 7 du cahier de jurisprudence de la poursuite;

151.7    certains passages de ce jugement, décrivent certaines parties du spectacle qui sont du genre plutôt burlesques et que l’on peut comparer avec le spectacle que la cour d’Appel du Québec a déclaré tout à fait tolérable et ne dépassant pas le seuil de tolérance de la société canadienne et contemporaine dans l’affaire Roux. c. R., 500-10-001798-006 C. A. M. le 28 février 2001. Ce dernier jugement s’ajoute aux jugements rendus postérieurement à celui rendu le 4 mars 1996 dans ce dossier de R. v. Ludacka;

151.8    dans Ludacka les policiers n’ont pas toléré les activités des accusés pendant 21 mois comme dans le présent cas, mais avaient plutôt agi avec diligence et sans message ambivalent pour les citoyens, car les policiers  ont vu le spectacle la veille et ils ont donné un avertissement et sont revenus le lendemain pour porter des accusations;

151.9    et finalement, la cour d’appel a maintenu le verdict de culpabilité parce que la couronne avait fait la preuve de la culpabilité hors de tout doute raisonnable (p. 194) ce qui est loin d’être le cas dans le présent dossier.

152.        Les onglets 5, 6 et 7 contiennent les jugements des trois instances rendus dans l’affaire Tremblay du Pussy Cat dont nous avons déjà fait l’analyse des jugements de première instance et de la Cour Suprême, qui a acquitté les accusés le 2 septembre 1993. Nous ne ferons aucun autre commentaire sur les jugements déjà analysés dans la jurisprudence de la défense.

153.        Quand au jugement de la cour d’Appel dans Tremblay (1991) R. J. Q. 2766 rendu en 1991 qui est contredit par les deux autres instances, et que l’on retrouve à l’onglet 6 du cahier de jurisprudence de la poursuite nous soumettons que :

153.1    ce jugement ne peut certainement pas servir pour juger du cas d’une maison de débauche où se commettent des actes indécents comme le présent dossier, car il a été renversé;

153.2    ce jugement de la cour d’Appel est par contre très utile pour confirmer l’argument de la défense que ce que la société et les tribunaux jugent contraire au seuil de tolérance, c’est précisément la prostitution comme le décrit la cour d’Appel, or, dans le présent dossier le tribunal peut constater et conclure qu’il n’y a pas de prostitution.

153.3    quand on lit l’annonce publicitaire du Pussy Cat on peut comprendre que la cour d’Appel y ait trouvé des éléments laissant croire qu’il y avait de la prostitution, tel qu’il appert à ce texte qui apparaît au complet uniquement dans le jugement de la cour d’Appel et non pas dans les deux autres jugements. Le texte suivant s’adressait au grand public, et pourtant la Cour Suprême du Canada a conclut que le genre d’activités annoncées ne dépassait pas le seuil de tolérance des années 88 (année de l’infractions) et 93 ( année du jugement) et n’avait rien d’indécent. Le texte suivant est reproduit à la page 2773 de l’onglet 6 :

DANSEUSE NUE

EN PRIVÉ

UNIQUE ENDROIT À MONTREAL SANS

AUCUNE SÉPARATION

PUSSYCAT

3668 ONTARIO

Métro Joliette

SERVICES PERSONNALISÉS

SALON PRIVÉ

TU PEUX ÊTRE COMPLÈTEMENT NU

ELLE DANSE NUE

et RÉALISE TOUS TES (SES)

FANTASMES ???

JOLIES HÔTESSES

À TON CHOIX

ENTRÉE À L’ARRIÈRE

SI DÉSIRÉ

 

154.        Le présent tribunal est en mesure de constater que ce genre d’annonce racoleuse diffère totalement du genre d’annonces que les accusés ont publiées pour leur activités échangistes. L’immeuble où était situé le Pussy Cat était peut-être discret  avec sa petite plaquette mais les annonces du Pussy Cat n’avait rien de discret comme publicité.

155.        Cette publicité permet au tribunal de bien réaliser l’importance de la différence de contexte entre ce cas où on invite les hommes à venir fantasmer dans la promiscuité avec une danseuse dont le seul rôle est d’offrir du plaisir à connotation sexuelle et qui est tout à fait aux antipodes de l’atmosphère de respect que la culture échangiste préconise et véhicule, notamment par leurs règles d’éthique mis en preuve dans le présent dossier.

156.        Cette publicité racoleuse invite au plaisir en offrant des femmes comme objets de plaisir au service de l’homme alors, que la publicité du club échangiste Brigitte et Michel invite plutôt les adeptes de l’échangisme à se rencontrer pour partager ensemble un intérêt commun qu’ils ont pour le sexe récréatif dans un rapport d’égalité entre les participants volontaires et discrets.

157.        Puisque la Cour Suprême n’a pas jugé que cette publicité du Pussy Cat invitait le public en général, à venir dans une maison de débauche pour y commettre des actes indécents, le présent tribunal ne peut franchement pas conclure que la publicité de Brigitte et Michel soir incitative à commettre des actes indécents.

158.        Le présent tribunal est ainsi en meilleure position pour comprendre pourquoi les clubs échangistes tiennent tant à ce que des normes soient clairement établies pour que la société puisse facilement les distinguer de ces autres genres d’endroits où les profiteurs pourront aller sans venir perturber le contexte de respect qui prévaut dans un club échangiste tel qu’établi par la preuve . Les policiers, les avocats de la ville, les autorités politiques, les échangistes en particulier les tribunaux et la société en général ont vraiment un intérêt commun d’établir des normes objectives pour combler ce “vide juridique” qui a empêché les policiers d’agir pendant 21 mois.

159.        Si cette publicité qui reflète les activités à connotation ouvertement sexuelle du Pussy Cat n’a pas été retenue par la Cour Suprême comme élément de preuve permettant de conclure que cette publicité annonçait un contexte dégradant et déshumanisant pour la femme, alors, le présent tribunal peut difficilement conclure que Brigitte et Michel offrait un contexte dégradant et déshumanisant.

160.        Donc, ce jugement de la cour d’Appel qui a été renversé par la Cour Suprême n’a pas de pertinence pour trouver les présents accusés coupables de tenir ou de se trouver dans une maison de débauche, mais il aide au moins à faire ressortir le genre de contexte que les échangistes authentiques veulent éviter.

161.        Le 26 juin 1997  la Cour Suprême du Canada ( R. c. Mara (1997) 2 R. C. S. 630) prononçait un verdict de culpabilité pour une accusation d’avoir permis des spectacles indécents en  mars et avril 1991, dans une taverne publique qui détenait un permis de ventes de boissons alcoolisées et offrait des “divertissements pour adultes”.

162.        Contrairement aux prétentions de la poursuite qui soumet au tribunal que ce jugement devrait inciter la cour à déclarer les accusés coupables, le présent tribunal peut d’avantage se servir de ce jugement pour accorder le bénéfice du doute aux présents accusés. En effet les faits, le contexte, les circonstances, l’ensemble de la preuve et le message véhiculé par les comportements dans l’affaire Mara sont tellement différents du contexte et des circonstances qui prévalaient chez Brigitte et Michel, que ce jugement aide la cour à identifier clairement en quoi un club échangiste se distingue des maisons de débauche où des femmes sont offertes en pâture aux profiteurs de passage.

163.        Voici certains éléments qui permettent au tribunal de bien distinguer entre une maison de débauche où se commettent des actes d’indécence ou de prostitution comme dans Mara et qui démontrent que ce n’est pas le cas au club échangiste Brigitte et Michel :

163.1    il s’agissait d’un endroit carrément publique soit une taverne ayant pignon sur rue et contrairement au présent cas;

163.2    il s’agissait d’un endroit qui avait un permis d’alcool contrairement au présent cas;

163.3    les contacts sexuels se faisaient entre des danseuses nues et des clients contrairement à ce qui se fait dans un club échangiste où ce sont des membres d’un club privé qui s’associent entre eux d’égal à égal pour partager entre eux des jeux à connotation sexuelle et c’est cette différence, qui fait que dans le cas de Mara les activités étaient indécentes et non chez Brigitte et Michel;

163.4     “Les activités étaient indécentes dans la mesure où elles comportaient des attouchements sexuels entre les danseuses et les clients. Ce type d’activité –les caresses des seins des danseuses par les clients avec les mains ou la bouche, de même que les contacts d’organes génitaux entre danseuses et clients- est préjudiciable à la société à maints égards : il dégrade et déshumanise les femmes; il prédispose, en outre, les personnes à agir d’une manière antisociale. Cette analyse suffit pour justifier la conclusion que les spectacles en causes étaient indécents.  (p.2) ( Ce qui permet au présent tribunal de conclure que le contact physique qui est un plaisir tout à fait naturel devient indécent dépendamment entre qui et dans quel but il est partagé. Le contexte danseuses-clients dégage un message évident d’exploitation servile qui est tout à fait différent du contexte entre membres échangistes qui dégage plutôt un message de liberté d’association entre adultes consentants qui se respectent et traitent d’égal à égal.)

163.5      “ La possibilité qu’un préjudice soit causé aux exécutantes mêmes – le risque de préjudices découlant de maladies transmises sexuellement et d’activités semblables à la prostitution – bien qu’elle soit regrettable, n’est pas un facteur essentiel aux fins de l’art. 167. Le risque que les exécutantes subissent un préjudice n’est pertinent que s’il aggrave le préjudice social résultant de l’avilissement des femmes et de leur traitement comme des êtres objets. Enfin, le contact physique entre clients et danseuses et la nature publique de l’activité en question sont les principaux éléments qui distinguent la présente affaire des arrêts Tremblay et Hawkins.” (p.2)

163.6    Et à la page 12, par. 46,  la Cour Suprême revient sur les risques  de maladies transmises sexuellement en précisant spécifiquement que, tout en devant être pris en considération, il faut le faire dans la dimension suivante : “ Quant à la prise en considération du risque de maladies transmises sexuellement, étant donné que je n’accorde tout au plus que peu d’importance à ce facteur, je m’abstiendrai d’examiner s’il était approprié que la Cour d’appel tienne compte de ces risques pour déterminer s’il y avait indécence, même si ce facteur n’avait pas été analysé par le juge du procès. ”

163.7    Ce qui permet au présent tribunal de constater et conclure que :

163.7.1 le risque de maladies transmises sexuellement n’est pas considéré de la même façon par les policiers que par la Cour Suprême du Canada;

163.7.2 l’usage et la promotion du condom dans le milieu échangiste comme chez Brigitte et Michel est une illustration que, du moins dans le milieu échangiste, on a le sens des responsabilités, qu’on prend des moyens raisonnables et reconnus comme le condom pour éviter de causer un préjudice

163.7.3 et que la femme y est traitée avec respect, de sorte que les activités authentiquement échangistes ne semblent pas prédisposer à un comportement antisocial comme dans l’affaire Mar, où les contacts se font entre une danseuse et un client qui paie pour des faveurs sexuelles et qui peut contrôler unilatéralement le refus du condom.

163.8    dans Mara il y avait un risque encore plus grand, découlant du fait que les contacts physiques étaient apparemment non protégés, et par conséquent plus susceptibles de favoriser la transmission de maladies, alors que dans le présent cas, il est établi qu’il y avait usage de condoms et que les adeptes authentiques de la culture échangistes en font généralement l’usage et la promotion.

163.9    les contacts physiques se faisaient entre des danseuses nues et des clients en considération d’un paiement d’argent qui a comme résultat d’empêcher un rapport d’égalité entre les participants et qui fait de la femme un objet de plaisir au service l’homme, ce qui a été jugé dégradant et déshumanisant pour la femme et prédisposerait à un comportement antisocial;

163.10ce qui permet au tribunal de constater que ces comportements n’ont pas été mis en preuve dans le présent cas, et qu’au contraire, les adeptes authentiques de la culture échangiste en général, et chez Brigitte et Michel en particulier, la femme est traitée avec respect, sans que personne ne se plaigne ou fasse la preuve que quoique ce soit de dégradant ou de déshumanisant ait été imposé à qui que ce soit;

163.11 il s’agissait de déterminer si les spectacles offerts au Cheaters étaient indécents alors que dans le présent cas il ne s’agit d’actes pas de spectacles et cela fait une grande différence pour établir le contexte et les circonstances dans lesquels se déroulent les activités, car un spectacle se fait devant un public de spectateurs qui ne sont pas là pour s’associer entre eux comme le font les échangistes. Le but visé par les activités théâtrales de la Taverne Cheaters est intrinsèquement et totalement différent du but visé par un club échangiste comme Brigitte et Michel;

163.12 dans l’affaire Mara, page 5, les appelants n’ont soulevé aucune question concernant la Charte, ce qui fait une autre différence importante avec le présent dossier puisque dans notre cas, sans attaquer la constitutionalité de la loi, les accusés demandent qu’on applique et respecte la Charte pour protéger leur droit fondamentale à la liberté d’association dans le cadre d’un lieu identifier et utilisé à cette fin et réservé pour eux sans déranger personne. C’est donc là un autre élément important qui distingue nettement le présent cas d’espèce de l’affaire Mara;

163.13 une raison pour laquelle le jugement dans Mara est fondamentalement différent du présent cas, c’est que dans Mara, le comportement des accusés constitue de la véritable prostitution alors que dans un club échangiste comme Brigitte et Michel, la femme qui participe le fait gratuitement, de son plein gré et pour son propre plaisir :

163.13.1  “ La cour a décidé que la conduite des danseuses était une forme de prostitution. Bien que la prostitution ne soit pas illégale au Canada, le législateur a clairement exprimé son intention de l’éradiquer en criminalisant les activités liées à la prostitution.” (p.5) ( Ce qui permet au présent Tribunal de préciser qu’en faisant cette éradication, il ne faut pas porter atteinte aux droits fondamentaux des honnêtes citoyens qui ont des activités sexuelles dans un contexte et des circonstances qui n’a rien en commun avec la prostitution.

163.14 “En l’espèce, comme je l’ai mentionné dans la partie sur les faits, les clients de Cheaters pouvaient, en payant une somme d’argent, toucher et caresser des femmes, recevoir des caresses sexuelles intimes et se livrer à la masturbation mutuelle et apparemment au cunnilingus dans une taverne publique. En fait, en plus de leurs consommations, les hommes pouvaient se payer une aventure sexuelle publique pour leur propre plaisir et celui d’autrui.” ( Ce qui permet au présent tribunal de constater que le “profiteur” dont il veut éviter la présence sous le faux prétexte d’être un échangiste, correspond sensiblement à ce consommateur d’alcool et de sexe qui considère ces deux éléments comme étant des produits de consommation banalisés. Le présent tribunal a pu constater que la preuve faite dans le dossier démontre d’une façon tout à fait raisonnable et probable, que le milieu échangiste ne tolèrerait pas la présence de ce “profiteur” qui ne cadrerait pas dans la culture de respect du milieu échangiste qui a son propre code d’éthique.);

163.15  dans le cadre de l’analyse du jugement de la Cour Suprême dans Pelletier dans le cadre de la jurisprudence de la défense, il a été soumis au présent tribunal que l’affaire Mara ne s’appliquait pas au présent cas quant au contexte “privé” ou “publique” des lieux et qu’il fallait plutôt, sur ce point spécifique, conclure que c’est le jugement dans l’affaire Tremblay qu’il faut appliquer compte tenu que Brigitte et Michel offrait une “intimité relative”. Le passage suivant de la page 11 de l’exemplaire contenu à l’onglet 7 du cahier de jurisprudence de la poursuite est pertinent pour conclure en ce sens :

163.15.1 “Les principaux éléments qui distinguent la présente affaire de l’arrêt Tremblay sont le contact physique entre clients et danseuses qui a lieu ici, mais qui était défendu dans Tremblay, et la nature publique de l’activité en l’espèce; cette activité s’est déroulée ouvertement dans une taverne, alors que dans Tremblay, les actes avaient été accomplis en privé.” (p. 11)

163.16 Ce qui permet au présent tribunal de conclure que ces deux distinctions se retrouvent également dans le présent dossier de Brigitte et Michel de la façon suivante :

163.16.1.1 chez Brigitte et Michel, tout comme dans Tremblay, il n’y avait pas de “ contact physique entre clients et danseuses ” comme il y en a eu dans l’affaire Mara;

163.16.1.2 chez Brigitte et Michel, tout comme dans Tremblay, il n’y avait pas un contexte de  nature publique ” comme dans l’affaire Mara;

163.16.1.3 et par conséquent, le présent dossier ressemble d’avantage à l’affaire Tremblay qu’à l’affaire Mara sur les deux mêmes éléments que ceux que la Cour Suprême a retenus pour distinguer Tremblay de Mara, car, tout comme dans Tremblay il y avait un relative intimité qui n’existait pas dans l’affaire Mara et que comme dans Tremblay il n’y a aucun contact entre danseuses et client, comme c’était le cas dans Mara.

163.17 D’autre part, il y a dans le présent dossier, un élément de fait qui n’existe ni dans Mara ni dans Tremblay, ce qui a comme conséquence que ni le jugement dans Mara et ni le jugement dans Tremblay ne viennent répondre entièrement à certaines des questions auxquelles le présent tribunal doit répondre :

163.17.1.1 le fait que chez Brigitte et Michel il y avait des contacts physiques mais entre les membres seulement et pas entre danseuses et clients.

163.18 De plus, il y a dans le présent dossier, des éléments de preuve qui n’existent ni dans Mara ni dans Tremblay, ce qui a comme conséquence que, ni le jugement dans Mara et ni le jugement dans Tremblay, ne viennent répondre entièrement à certaines des questions auxquelles le présent tribunal doit répondre :

163.18.1.1 la mise en preuve d’un sondage, sans précédent, non contredit, qui établit, d’une façon objective et scientifique, qu’une majorité de la société canadienne et contemporaine n’est pas dérangée par l’existence des clubs échangistes et qu’une majorité de la société canadienne et contemporaine tolère les clubs échangistes tel que définis dans le sondage;

163.18.1.2 la mise en preuve à la fois de ce sondage en plus d’une expertise en sexologie et en psychologie et des témoignages explicatifs, qui dans leur ensemble, sinon dans leur totalité, se corroborent, se complètent et ne sont pas contredits par une preuve de la part de la partie qui a pourtant le fardeau de faire la preuve hors de tout doute raisonnable.

163.19 Ce qui permet au présent tribunal de conclure que

163.19.1 l’affaire Mara est un cas d’espèce qui se distingue significativement du présent cas d’espèce qui est sous étude pour ne pas conclure dans le même sens étant donné que les faits diffèrent même si certains points de droits sont les mêmes;

163.19.2  ces éléments de faits et de droit permettront au présent tribunal de prendre la décision finale qu’il lui revient de prendre personnellement, tout en mettant de côté son opinion personnelle, c’est-à-dire de déterminer si la poursuite s’est déchargée de son fardeau de prouver la culpabilité des accusés hors de tout doute raisonnable.

164.        Le 5 juin 1998 la Cour Municipale de Montréal ( R. c. Lafontaine 197-069-115 onglet 8 du cahier de jurisprudence de la poursuite ) déclarait les accusés coupables de s’être trouvés dans une maison de débauche dans des circonstances qui ne sont pas très détaillées mais qui semblent être survenus dans un lieu où le public en général était invité dans un contexte et dans des circonstances qui se comparent à l’affaire Mara.

165.        Le juge a rapidement rejeté la défense des accusés qui se défendaient sans avocat en disant que “ La version donnée par monsieur Lafontaine n’était pas très structurée” (p.3) et il qualifie la version de madame de “invraisemblable” (p.3) et le tribunal en a fait une affaire de crédibilité car les accusés ne soulevaient pas de questions de droit élaborées.

166.        Ce jugement n’apporte rien de significativement pertinent au présent cas d’espèce..

167.        Le 3 décembre 1998 la Cour Supérieure de Montréal ( Lafontaine c. R. C. S. M. 500-36-001585-986 onglet 9 du cahier de jurisprudence de la poursuite) confirme partiellement le jugement de l’onglet précédent et nous apprend que les événements sont survenus le 16 mars 1997 dans un endroit public, soit une discothèque, ce qui confirme qu’il s’agit bien d’un cas comparable à l’affaire Mara et que la cour a tout simplement appliqué. Ce jugement n’apporte donc rien de significativement pertinent au présent cas d’espèce.

168.        Le 14 octobre 1999 la Cour du Québec du district judiciaire de Québec ( R. c. Porte 200-01-034588-982 onglet 10 du cahier de jurisprudence de la poursuite) déclarait les accusés coupable de s’être trouvés dans une maison de débauche en décembre 1997, soit dans un endroit public, à savoir le cabaret “Le Carol” qui vendait de l’alcool et où il y avait des contacts physiques entre danseuses et clients.

169.        Ce jugement traite des danses contact à 10 $ que la Cour Suprême a finalement jugé comme n’étant pas indécentes dans son jugement rendu d’une façon très contemporaine  le 13 décembre 1999 soit 2 mois après ce jugement dans l’affaire du cabaret “Le Carol”.

170.        Le juge a choisi d’appliquer l’affaire Mara en fonction de la prostitution qui avait été retenue dans le dossier Tremblay par la Cour d’Appel en 1991, mais dont la décision a finalement été renversée par la Cour Suprême en 93.

171.        Encore une fois, il s’agissait d’un lieu carrément publique et où il se vendait de l’alcool, ce qui n’est pas le même contexte ni les mêmes circonstances que le présent cas d’espèce.

172.        Par contre, ce qui est intéressant dans ce dossier, c’est qu’un sondage a été produit, mais il ne concernait pas l’échangisme comme celui produit dans le présent dossier et qui demeure sans précédent sur ce sujet, mais au sujet de danseuses nues.

173.        À la page 11 les commentaires suivants au sujet du sondage produit sur les danseuses nues, permettent au présent tribunal d’apprécier la rigueur scientifique et la valeur probante du sondage produit comme pièce D-7 dans le présent dossier :

173.1    “Quant au résultat du sondage, d’opinion présenté dans la preuve de la défense, il n’a que peu de valeur probante et doit être écarté parce que les questions posées ne permettent pas de connaître l’opinion des citoyens sur le préjudice social engendré par les actes en cause.”

173.2    “ D’ailleurs, monsieur Serge Lafrance a admis qu’il était probable que le résultat du sondage eût été différent si l’on avait demandé aux citoyens leur opinion sur le caractère dégradant de ces gestes posés envers la femme. Pour connaître cette différence, il faudrait, bien entendu, procéder à un autre sondage … ”

174.        Le sondage déposé en preuve dans le présent dossier vient en quelque sorte combler ce besoin, mais dans un domaine à la fois semblable et différent:

174.1    le domaine est différent en ce que le contact physique entre une danseuse nue et un client pour de l’argent génère une préoccupation sociale quant aux “gestes posés envers la femme” comme dit ce jugement, alors que la preuve dans le présent dossier démontre que, dans un club échangiste comme chez Brigitte et Michel, la femme était respectée  et elle ne se dégradait pas et ne se déshumanisait  pas en contrepartie d’une somme d’argent comme ces danseuses soumises et exploitées dans Fontaine. Le présent tribunal est en droit de se demander en vertu de quoi, dans la preuve qui lui est soumise le fait d’avoir du plaisir sexuel consensuel partagé en pleine liberté et en présence de son conjoint serait dégradant et déshumanisant pour une femme qui décide de le faire librement et volontairement ?

174.2    le domaine est semblable tout simplement parce qu’il concerne des activités à connotation sexuelle qui soulèvent la question de l’indécence, mais sans plus de similarité.

175.        Il est clair que, ce que la cour a eu en preuve dans le dossier du cabaret “Le Carol” constituent des activités dégradantes et déshumanisantes pour la femme si on considère qu’il s’agissait de prostitution selon la définition lapidaire mais significative qui apparaît en bas de la page 6 : “ La prostitution est le fait d’offrir son corps pour des fins lascives, à tout venant, contre rémunération ”.

176.        Cette jurisprudence vient en quelque sorte étoffer l’argument de la défense à l’effet que si le sondage D-7 indique un taux de tolérance ou de non-dérangement plus élevé face à l’échangisme comparativement à la prostitution, c’est précisément parce que, dans la prostitution il y a le fait que c’est  à tout venant” et “ contre rémunération ” alors que dans un club échangiste c’est par libre choix, gratuitement et en partage avec le choix respecté du conjoint. On ne parle pas du tout de la même chose que Mara.

177.        Le bien fondé de cet argument est illustré par l’extrait suivant de la page 8, qui permet de conclure qu’il y avait de la l’indécence en considération des actes de prostitution dégradants et déshumanisants au cabaret “Le Carol”, mais qui n’existaient pas chez Brigitte et Michel :

177.1     “Dans ce dossier, les danses-contact ont été qualifiées de spectacles indécents parce que les clients pouvaient caresser les seins d’une danseuse, se livrer à la masturbation mutuelle et apparemment au cunnilingus. Il y  avait des contacts physiques et exposition à la vue du public. ” ( Ce qui permet au présent tribunal de constater toute la différence et l’importance découlant du fait que dans un club échangiste les activités se font  à l’abri du regard du public ne désirant pas y assister ou y participer ” )

178.        Donc cette jurisprudence dans R. c. Porte concerne un contexte et des circonstances semblable à Mara, mais significativement différents d’un club échangiste comme Brigitte et Michel.

179.        Le 27 janvier 1993 la Cour du Québec de Joliette ( R. c. Blais-Pelletier C. Q. J. 705-01-002174-920 onglet 11 du cahier de jurisprudence de la poursuite ) acquittait trois danseuses accusées d’avoir tenu une maison de débauche  le 28 avril 1992 dans un lieu publique soit un bar qui vendait de l’alcool. Les danses ordinaires coûtaient 7$ mais pour 3$ de plus les clients pouvaient toucher les fesses et les seins de la danseuse et lors de cette danse à 10$ la danseuse pouvait embrasser le client.

180.        En plus du fait que ces danses avaient lieu dans une un endroit carrément publique soit un bar vendant de l’alcool, ces danses se faisaient dans des isoloirs pouvant accueillir 8 personnes car “ Dans cet isoloir, il y a de la place pour quatre (4) clients et (4) danseuses.” (p.237 de l’onglet 11)  et “la clientèle dans le bar peut voir à l’intérieur de l’isoloir (p. 237 et 244 de l’onglet 11 ).

181.        Les gestes indécents qu’on reprochait aux danseuses sont ainsi décrits à la page 239 de l’onglet 11 :

181.1    “ … À ce moment, on s’est dirigé vers l’isoloir au même endroit. Là, rendu à l’intérieur, elle se dévêtit complètement nue, fait la même chose. Elle se penche vers toi puis elle me prenait là, me passait les seins dans le visage, me prenait par en arrière de la tête, m’a serré contre elle puis là, après cela, ensuite de ça, elle passait les mains sur mes cuisses puis même qu’à ce moment là, une fois elle a passé sa main sur mes parties génitales. Là, elle a fait demi-tour, elle s’est assise sur moi, elle se frotte le fessier sur mes parties. Elle s’est relevée puis là, à un moment donné, elle est arrivée puis elle se frottait les seins puis avec mes mains, elle s’est frotté la vulve. Une fois la danse terminée, je lui ai remis un billet de dix dollars (10$) … ”

182.        Le tribunal est en mesure de constater que la description de ce contexte et les circonstances sont bien différents de ce qui se passe dans un club échangiste comme Brigitte et Michel où il n’y a pas toute cette servilité sexuelle démontrant qu’il ne s’agit pas d’un contrat social dans un rapport d’égalité. Les gestes ainsi posés démontrent clairement l’importante différence qu’il y a dans le fait que les contacts physiques se font entre client qui paie et la serveuse qui sert d’objet sexuel et pourtant le tribunal a conclu que ce n’était pas indécent.

183.        Si ces gestes n’ont pas été jugés indécents même s’ils sont posés entre 4 danseuses et 4 clients dans un isoloir de 8 personnes et qu’ils sont visibles pour la clientèle du bar, le présent tribunal est en mesure de mieux comprendre pourquoi le sondage démontre que la société canadienne et contemporaine tolère que des relations sexuelles entre membres d’un club échangiste se déroulent dans un endroit qui leur est réservé à l’abri du regard du public qui ne veut pas y assister ou participer.

184.        Dans ce jugement de première instance dans Pelletier, le juge fait remarquer que “ la poursuite n’a pas présenté de preuve à savoir quel serait le degré, par divers témoins, le degré de la société canadienne, le degré de tolérance vis-à-vis de tels agissements.” (p.253) et par conséquent “la Cour croit donc que ces actes ne peuvent être qualifiées d’indécents parce que je n’ai pas la preuve qu’ils ne sauraient être tolérés par la communauté en générale. ( Ce qui permet au présent tribunal de conclure que sur ce point les deux cas se ressemblent car, même si certains policiers sont venus émettre leur opinion personnelle et subjective, il n’en demeure pas moins que la poursuite n’a pas fait de preuve objective du dépassement du seuil de tolérance ou de préjudice réel pour la société, et ce, surtout pas hors de tout doute raisonnable.)

185.        Un autre point commun entre ces deux jugements c’est que, tout comme dans les clubs échangistes où les activités se déroulent à l’abri du regard du public qui ne veut pas y assister ni participer, tel qu’il appert à la page 254 de l’onglet 11 : “ Seuls les adultes qui se rendent dans ce lieu pourront être témoins de ces agissements ” Ce qui permet au présent tribunal de croire que la société canadienne et contemporaine de 1992 dans Blais-Pelletier et encore plus en 1999 dans le présent dossier, est de plus en plus tolérante que ce que la poursuite semble le croire à première vue.

186.        Par conséquent, compte tenu de certaines similarités dans le contexte et les circonstances qui prévalent dans l’affaire Pelletier et dans le présent cas, et surtout à cause de certains éléments importants qui diffèrent, comme le fait qu’il y ait un montant d’argent de versé pour permettre au client de toucher la danseuse, le présent tribunal se doit de conclure qu’il faut au moins accorder le bénéfice du doute dans le présent cas.

187.        Le 12 octobre 1994 la Cour Supérieure ( R. c. Blais-Pelletier, C. S. J. 705-36-000012-938 onglet 12 du cahier de jurisprudence de la poursuite ) siégeant en appel du jugement rendu par la Cour du Québec le 27 janvier 1993, a maintenu l’acquittement pour des accusations de maison de débauche contre des danseuses qui ont eut des contacts physiques avec les clients le 28 avril 1992.

188.        Le 13 décembre 1999 la Cour Suprême du Canada ( Blais-Pelletier (1999) 3, R. C. S. 863 onglet 13 du cahier de jurisprudence de la poursuite ) a maintenu l’acquittement des danseuses ayant des contacts physiques avec les clients. Nous référons le tribunal à l’analyse de ce jugement dans la section de la jurisprudence produite et analysée par la défense.

189.        Le 22 juillet 1999 la Cour Municipal de Montréal ( R. c. Labaye C. M. M. 198-054-660 onglet 14 du cahier de jurisprudence de la poursuite) trouvait l’accusé coupable d’avoir tenu une maison de débauche suite à une perquisition faite le 2 mars 1998 dans un endroit principalement et accessoirement publique et détenant deux permis d’alcool.

190.        Ce jugement de la Cour Municipal a été porté en appel devant la Cour d’Appel (500-10-001682-994) et par conséquent le tribunal doit être prudent et ne pas tenir compte d’un jugement qui fait actuellement l’objet d’un appel et qui, comme dans le cas de Tremblay, peut être renversé par la Cour d’Appel et  modifié à nouveau par la Cour Suprême et creuser d’avantage le “vide juridique” dont parle la police et les avocats de la ville.

191.        Cette prudence est d’autant plus appropriée du fait qu’il existe des différences très importantes dans les faits et dans la preuve entre le présent dossier et l’affaire Labaye à savoir que :

191.1    dans Labaye, les activités avaient lieu dans un endroit détenant un permis d’alcool et ayant le caractère publique d’un tel endroit;

191.2    dans Labaye, il n’y a pas eu de preuve de tolérance par la production d’un sondage sur le seuil de tolérance de la société canadienne et contemporaine face à l’échangisme;

191.3    dans Labaye, le tribunal semble en avoir fait une question de crédibilité en ne retenant pas le témoignage que l’endroit était la résidence privée de l’accusé puisque le local en question était loué selon un bail commercial et non résidentiel et a qualifié “d’écran de fumée” le fait que l’accusé prétendait qu’il n’y avait pas de lien entre le débit d’alcool et le local qu’il décrit comme sa résidence;

191.4    dans Labaye, l’accusé ne plaidait pas comme dans le présent cas, que les actes sexuelles se déroulaient dans un club privé, mais qu’au contraire, rien de sexuel ne se déroulait dans les deux étages du club pour lequel il avait un permis d’alcool, mais que les actes sexuels se déroulaient en dehors du club, soit au troisième étage où l’accusé prétendait qu’il s’agissait d’une résidence privée;

191.5    dans Labaye, le tribunal a complètement écarté le témoignage de l’expert Campbell qui n’a pas témoigné de la même façon dans les deux dossiers. Ce n’est pas parce que c’est la même personne que cela veut dire que la preuve est identique même si elle ressemble sur certains principes.

192.        En analysant le caractère privé ou publique des lieux dans l’affaire Labaye, le tribunal a définitivement conclu que les lieux étaient publiques précisément parce qu’il s’agissait d’un commerce de vente d’alcool, raisonnement qui ne s’applique pas à notre cas d’espèce :

192.1    “Après analyse des faits mis en preuve, le tribunal arrive à la conclusion que le troisième niveau est en fait une dépendance des deux premiers niveaux de l’Orage, un établissement licencié.” (p.14)

192.2    “ Pour toutes ces raisons le Tribunal arrive à la conclusion que pendant les heures d’ouverture, l’Orage, y compris le troisième niveau est un endroit public.”

193.        En analysant le caractère privé ou publique des lieux dans l’affaire Labaye, le tribunal a référé au passage du jugement rendu par la Cour Suprême dans Tremblay (1993) 2. R. C. S. 932 en mentionnant au bas de la page 13, l’extrait qui dit que le Pussy Cat était un endroit public selon la définition du code criminel, mais ce tribunal a omis de citer et de considérer le passage suivant qui apparaît au bas de la page 970 dans Tremblay:

193.1    “Ainsi, même si les actes étaient accomplis dans un endroit public au sens du Code criminel, ils n’étaient pas accomplis à la vue du public de manière flagrante, mais bien à l’intérieur d’une pièce fermée, dans un relative intimité, et seuls des adultes consentants y participaient.”

194.        Ce qui permet au présent tribunal de distinguer l’affaire Labaye du présent cas pour les raisons suivantes :

194.1    chez Brigitte et Michel les activités se déroulaient “ dans un relative intimité ”;

194.2    chez Brigitte et Michel ce n’est pas  une dépendance ”… niun établissement licencié ”;

194.3    dans l’affaire Labaye il n’y a pas, comme dans le présent cas, une preuve scientifique et objective par sondage, établissant qu’une majorité de la société canadienne et contemporaine tolère et n’est pas dérangée par l’existence des clubs échangistes quand “ Ces activités se font à l’abri du regard du public ne désirant pas y assister ou y participer.”

194.4    dans l’affaire Labaye :

194.4.1  le tribunal a considéré le fait que les activités se déroulaient en public comme dans l’affaire de Mara

194.4.2  mais il a omis de considérer que, contrairement à Mara, les contacts physiques n’avaient pas lieu entre les danseuses et les clients.

194.4.3 Il est vrai qu’à la page 14 le tribunal a considéré que ça ne faisait pas de différence que ce soit des membres ou non qui aient accès au local, mais cela a été pris en considération seulement pour déterminer si l’endroit était public ou non.

194.4.4 alors que, c’est une toute autre chose de prendre en considération que les contacts physiques ne se faisaient pas entre les danseuses et les clients lorsque vient le temps d’établir ce que cette différence peut faire quant au niveau de tolérance dans la société canadienne et contemporaine,.

195.        Dans l’affaire Labaye page 32 de l’onglet 14, le tribunal a refusé de considérer l’application de la Charte canadienne de droits et libertés pour le motif qu’aucun avis n’avait été donné pour soulever la constitutionnalité de l’article concernant les maisons de débauche. Dans le présent dossier, le tribunal est en mesure de comprendre que, dans le présent cas, la référence à la Charte n’a pas pour but d’attaquer la constitutionnalité de la loi mais de considérer tout simplement que dans un cas d’espèce comme celui-ci, lorsque des échangistes authentiques se rencontrent dans un club authentiquement échangiste, tel que défini dans le sondage D-7, il faut prendre en considération le droit fondamental à la liberté d’association entre gens qui partagent un intérêt commun, conformément à la Charte. C’est un élément important qui permet au présent tribunal de distinguer le présent cas d’espèce de l’affaire Labaye.

196.        Le présent tribunal est donc placé dans une situation sans précédent et doit juger d’un contexte et de circonstances qui constituent un cas d’espèce unique, même si dans l’affaire Labaye il s’agissait d’un club échangiste mais dans un contexte et des circonstances différentes.

197.        De plus, il ressort à la lecture du jugement rendu dans Labaye, que le tribunal en a fait une affaire de crédibilité et que “ La distinction faite par M. Labaye entre son club “public” et son appartement prétendument “privé” n’est qu’un écran de fumée” (p. 15) .

198.        Ce qu’il y a de plus semblable entre l’affaire Labaye et le présent dossier, c’est que contrairement à toute la jurisprudence de la Cour Suprême qui est citée comme précédent à considérer, c’est la première une fois il s’agissait d’un club échangiste.

199.        Dans l’affaire Labaye le tribunal a tout simplement appliqué l’affaire Mara en partant du principe que, dans l’affaire Labaye il s’agissait d’un lieu publique à cause du permis d'alcool et que le fait d’avoir des relations sexuelles dans un endroit publique dépassait le seuil de tolérance de la société canadienne et contemporaine.

200.        Fondamentalement, c’est ce principe que le club échangiste Brigitte et Michel souhaite respecter en allant jusqu’à se priver d’un revenu important que pourrait procurer un permis d’alcool. En se privant d’un commerce lucratif comme celui de la vente d’alcool, le club échangiste Brigitte et Michel a démontré sa bonne foi et  son intention réel d’offrir un contexte le plus privé possible, contrairement à ces établissement licenciés qui ont fait l’objet de jugements défavorables justement par ce que les tribunaux trouvent dégradant et déshumanisant que dans un débit de boisson licencié, le profiteur de passage peut consommer du plaisir sexuel aussi banalement qu’il peut consommer en même temps une boisson alcoolisée.

201.        Contrairement à toutes les autres jurisprudences des 10 dernières années et plus particulièrement l’affaire Mara que le tribunal a appliquée dans l’affaire Labaye, le présent cas d’espèce ne pose pas la question de savoir si, dans le contexte et les circonstances d’un commerce publique dont le but premier est de vendre de l’alcool, on peut en même temps consommer du plaisir sexuel en ajoutant tout simplement quelques dollars de plus.

202.        Dans l’affaire Labaye, page 17, le tribunal justifie en partie la distinction qu’il y a entre l’affaire Tremblay et l’affaire Labaye relativement au caractère privé des lieux en disant que dans Tremblay, “À l’entrée, une petite plaque mentionne simplement “Pussy Cat”. À l’entrée du club échangiste Brigitte et Michel, il n’y a même pas de “ petite plaque” et par conséquent, comme dans l’affaire Tremblay, le présent tribunal est en droit d’appliquer le même raisonnement et conclure que cela constitue un élément de preuve qui donne un contexte et des circonstances plutôt privés que publiques et par conséquent plus tolérables pour la société canadienne et contemporaine.

203.        L’affaire Mara ayant été appliquée pour déclarer Labaye coupable, le présent tribunal peut considérer que toutes les distinctions qui ont été faites par la défense au sujet de l’affaire Mara sont valables pour que l’affaire Labaye ne s’applique pas au présent dossier.

204.        Le fait que dans l’affaire Labaye, le tribunal ait écarté le témoignage et l’expertise de l’expert Campbell entraîne une autre distinction considérable pour justifier de ne pas appliquer l’affaire Labaye au présent cas d’espèce.

205.        En effet, la plupart des raisons et des considérations données par cet autre tribunal aux pages 22 à 25 du jugement Labaye, ne se retrouvent pas de la même façon dans le présent cas. Même si c’est le même témoin et qu’il traite d’échangisme, il est impossible pour le présent tribunal de connaître toute la preuve faite par l’expert Campbell dans l’affaire Labaye et notamment l’impact du sondage sur son opinion, comparativement à l’affaire Labaye. Le présent tribunal ne peut juger du cas du club échangiste Brigitte et Michel qu’en considération des faits mis en preuve devant lui pour rendre un jugement dans le présent cas d’espèce.

206.        À la page 29 dans le jugement de l’affaire Labaye, le tribunal a bien posé la question à laquelle il fallait répondre : “ est-ce que la société tolère les actes accomplis dans les circonstances où ils ont été accomplis ? ” Le présent tribunal a l’avantage sur cet autre tribunal d’avoir des éléments de preuve objectifs et scientifiques, comme le sondage D-7, pour répondre à cette question.

207.        De plus puisque les “circonstances où ils ont été accomplis” diffèrent d’un cas à l’autre, il est logique et tout à fait juridique que les conclusions soient différentes sans pour autant être erronées ou en contradiction. Le but ultime de la justice démocratique, c’est précisément d’assurer chaque accusé qu’il sera jugé selon le faits spécifiques qui sont mis en preuve devant le tribunal qui doit le juger en considération de cette preuve.

208.        À la page 30 du jugement dans Labaye, le tribunal a conclut que dans la preuve qu’elle a entendue, la femme était “exploitée” comme dans l’affaire Mara. C’est là une distinction essentielle que le présent tribunal doit faire car dans la preuve faite dans le présent dossier, il n’y a pas de preuve qu’une femme était “exploitée”.

209.        Quant à la question de la mens rea dont parle le tribunal aux pages 31 et 32 du jugement dans Labaye, elle doit aussi être traitée différemment dans le présent dossier. En effet, les accusés Brigitte Chesnel et Denis Chesnel sont venus expliquer avec candeur et spontanéité, quelle était leur intention véritable lorsqu'ils ont décidé d’ouvrir un club échangiste sans permis d’alcool et avec un concept de contexte “privé”. Il faut les faire bénéficier du “vide juridique” qui a été mis en preuve uniquement dans le présent dossier et non pas dans Labaye.

210.        Si la jurisprudence ou le législateur ne sont pas clairs sur la couleur sur laquelle on peut traverser la rue, comment peut-on reprocher aux citoyens de traverser sur la mauvaise couleur ? Il est peut-être clair pour tous qu’il faut arrêter sur le feu rouge et passer sur le feu vert, mais qu’en est-il dans les circonstances où le feu de la tolérance dans la société est d’une couleur incertaine et changeante?

211.        Il suffit au présent tribunal de lire la jurisprudence au présent dossier pour constater comment il existe de points de vus différents d’un juge à l’autre, d’un tribunal à l’autre, d’une province à l’autre, ne serait-ce que sur le fait que les contacts physiques entre danseuses et clients peuvent avoir été qualifiés d’indécents ou de tolérables, dépendamment de la date où un jugement est rendu par rapport à un autre.

212.        À cela il faut ajouter qu’il s’écoule tellement d’années entre certains jugements dans un même dossier, que les tribunaux se trouvent tout à fait décalés par rapport au rythme de l’évolution des mœurs dans la société.

213.        Comment le citoyen moyen peut-il comprendre en toute limpidité que des jugements disent d’une part que la prostitution n’est pas illégale mais que d’autre part des jugements font de longues analyses sur le caractère dégradant et déshumanisant de la prostitution et qu’on cherche à l’éradiquer comme dit un des jugements.

214.        Comment pourrait-on véhiculer le message que la prostitution n’est pas illégale au Canada même si une femme se fait payer en contrepartie de faveurs sexuelles, mais qu’il serait illégale pour une femme de partager gratuitement du plaisir sexuel avec son conjoint présent, consentant et dans un contexte et des circonstances les plus privés possibles, où tout est fait pour ne pas déranger le publique, lequel, incidemment, tolère que d’autres pratiquent l’échangiste dans des clubs échangiste authentiques et visiblement identifiés pour en avertir les adultes usagers ?

215.        Le 12 octobre 1994 la Cour Supérieure (Atkinson c. R., C. S. J. 705-36-000013-936) renversait un décision de la Cour du Québec rendue le 28 janvier 1993  et prononçait l’acquittement pour une accusation de s’être trouvé dans une maison de débauche le 29 avril 1992. Ce jugement n’est d’aucune utilité pour juger du présent cas, car il ne vise qu’à rendre un jugement d’acquittement pour des gens accusés de s’être trouvés dans une maison de débauche, alors que les gens accusés d’avoir tenu cette maison de débauche avaient été acquittés par un autre juge qui ignorait l’existence de deux jugements contradictoires pour les mêmes circonstances.

216.        L’analyse de la jurisprudence de la poursuite permet au présent tribunal de constater qu’il est très urgent et très important de combler ce “vide juridique” et de donner des paramètres qui vont guider et rassurer tous les intervenants comme les policiers, les avocats de la poursuite, les tribunaux, les avocats de la défense, les échangistes, les propriétaires d’établissements licenciés, les badauds qui vivent tous dans une zone grise et qui n’ont pas un texte de loi clair et précis pour trancher la question. D’ailleurs, le fait que la défense soit obligée de faire un sondage d’opinion à travers le Canada le démontre.

CONCLUSION

 

217.        Considérant la nature particulière des accusations en matière de maison de débauche du fait que la loi dit que c’est un endroit où il y a des actes indécents, mais que la loi ne définit pas en quoi consiste l’indécence.

218.        Considérant que la jurisprudence a déterminé qu’un acte est indécent lorsqu’il outrepasse le seuil de tolérance de la société canadienne et contemporaine.

219.        Considérant que la jurisprudence a précisé que la tolérance est un concept qui évolue parce que les idées changent avec le temps.

220.        Considérant que la poursuite a le fardeau de prouver hors de tout doute raisonnable que les accusés sont coupables des actes reprochés.

221.        Considérant que la poursuite n’a fait entendre aucun expert pour faire la preuve du seuil de tolérance dans la société canadienne et contemporaine, sauf des policiers qui ont toléré les actes reprochés pendant 21 mois avant de faire une intervention policière et que ces policiers n’ont fait qu’émettre des opinions personnelles et subjectives quant aux critères sur lesquelles ils se basent pour définir un acte indécent et porter des accusations de maison de débauche.

222.        Considérant que les policiers se sont contentés de ces critères personnels et subjectifs à l’étape de la mise en accusation, mais qu’à l’étape du procès, le juge doit travailler avec des critères objectifs et scientifiques.

223.        Considérant que la jurisprudence a déterminé que la preuve de cette tolérance peut être faite par des témoins experts. 

224.        Considérant que les accusés, qui sont présumés innocents, n’ont pas le fardeau de prouver leur innocence et qu’ils n’ont qu’à soulever un doute raisonnable pour être acquittés.

225.        Considérant que les accusés ont fait une preuve en produisant des témoins ordinaires et des témoins experts en sexologie, en psychologie et en sondage d’opinion publique en plus des rapports d’expertise soit un sondage établissant le niveau de tolérance de la société canadienne et contemporaine face aux clubs échangistes.

226.        Considérant que la poursuite elle-même a admis que pour les avocats de la ville et pour la police, il existait un “vide juridique” concernant les clubs échangistes comme Brigitte et Michel au point de justifier de suspendre l’enquête policière.

227.        Considérant que la jurisprudence a établi que la tolérance de la police est en élément pertinent à prendre en considération et que dans le présent cas d’espèce, les policiers ont attendu 21 mois avant d’intervenir;

228.        Considérant que le tribunal ne doit pas juger selon son opinion personnelle mais en considération des faits mis en preuve dans le présent cas d’espèce;

229.        Considérant  que l’ensemble de cette preuve faite par la défense établit d’une façon significativement non contredite et prépondérante que :

229.1    il s’agit d’un cas d’espèce qui cumule un ensemble d’éléments de fait et d’éléments de preuve que l’on ne retrouve pas tous réunis en même temps dans un cas précédent;

229.2    parmi ces éléments de fait, il y a toutes les circonstances et le contexte dans lesquels le club échangiste Brigitte et Michel a été mis sur pied et dans lesquels il a fonctionné pendant quelques années;

229.3    le club échangiste Brigitte et Michel n’avait pas le caractère carrément public comme c’est le cas pour un établissement licencié ou l’activité de base est le commerce des boissons alcoolisées;

229.4    le club échangiste Brigitte et Michel il n’y avait personne de payé ou qui payait en contrepartie de faveurs sexuelles à qui que ce soit, comme dans la plupart des cas de jurisprudence analysés;

229.5    les accusés agissaient avec un respect qui a été admis par les témoins de la poursuite et qui permet de croire et de conclure que des adeptes authentiques de l’échangisme qui vivent dans ce respect les uns des autres, ne représentent pas un risque qui disposerait les gens à se conduire d’une façon antisociale.

229.6    aucune plainte n’a été formulée par les usagers de l’endroit;

229.7    il ne s’est produit rien de dégradant ou de déshumanisant ou quoique ce soit qui portait atteinte à la dignité humaine

229.8    la majorité de la société canadienne et contemporaine n’est pas dérangée par l’existence des clubs échangistes et même qu’elle les tolère dans le contexte et les circonstances définis dans le sondage à savoir :

229.8.1  “ Des adultes, d’âge légal, avertis et consentants se retrouvent pour voir ou participer à des activités sexuelles explicites en groupe dans un établissement prévu à cette fin et qui leur est réservé. Ces activités se font à l’abri du regard du public ne désirant pas y assister ou y participer.”

230.        Considérant que cette description correspond fondamentalement au contexte et aux circonstances qui prévalaient au club échangiste Brigitte et Michel;

231.        Considérant que la preuve démontre que la société canadienne et contemporaine ne serait pas dérangée et tolèrerait les clubs échangistes authentiques, ainsi définis dans la mesure où ils respectent et appliquent en plus grand nombre possible, les éléments et les moyens suivants à savoir que :

231.1    ils soient fréquentés que par des adultes d’âge légal, avertis et consentants;

231.2    il s’agisse d’établissements prévus à cette fin;

231.3    ces établissements soient réservés à ceux qui adhèrent ou s'intéressent réellement à la culture échangiste;

231.4    il y ait un accès contrôlé à l’entrée pour éviter qu’une personne puisse y entrer par hasard en risquant d’être surprise et choquée;

231.5     ces activités sexuelles explicites se font à l’abri du regard du public ne désirant pas y assister ou y participer;

231.6    ces établissements soient clairement identifiés par une affiche extérieure qui avertit les gens qu’il s’agit d’un club échangiste;

231.7    dans l’entrée intérieure des affiches avertissent clairement les gens qu’ils sont susceptibles d’y voir des relations sexuelles explicites mais que personne n’est obligé d’y participer;

231.8    des cartes de membres soient émises par ces clubs et que l’établissement soit réservé aux membres qui auront signé des formulaires par lesquels ils s’engagent à respecter les règles du club dont une copie leur est remise;

231.9    ils ne soient pas des endroits reliés au crime organisé;

231.10 ils ne soient pas des endroits où il y a de la prostitution;

231.11 ils préconisent l’utilisation de moyens de protection comme les condoms et de préférence d’en offrir en vente ou gratuitement;

231.12 ils prennent des moyens raisonnables pour assurer l’hygiène comme l’installation de douches et la fourniture de draps propres;

231.13 ils détiennent un permis d’opération commerciale comme tout autre établissement commercial dûment enregistré auprès des autorités;

231.14 ils offrent des sessions d’information ou des conférences sur la culture échangiste;

231.15 ils fassent partie d’une association d’échangistes officiellement enregistrée comme l’Association des Échangistes du Québec à laquelle a référé l’expert Michel Campbell à la page 8 de D-12; 

231.16 la considération d'un paiement, sous forme de cotisation ou de frais d'administration pour organiser les activités échangistes, ne soit pas une façon déguisée de fournir des services de prostitution;

231.17 les activités qui se déroulent à l’intérieur se fassent à l’abri du regard du public ne désirant pas y assister ou y participer;

231.18 les administrateurs et les propriétaires de ces clubs échangistes agissent ouvertement et avec transparence quant au fait qu'ils opèrent ces établissements pour permettre l’épanouissement de la liberté d’association des authentiques adeptes de l’échangisme, conformément à la Charte Canadienne des Droits et Libertés.

231.19 les activités se déroulent dans un local qui assure un caractère relativement privé et qui n’a pas le caractère public des établissements licenciés où l’activité première est le commerce de boissons alcoolisées.

231.20 ils respectent et font respecter un code d’éthique qui permettent l’application réelle des règles ci-dessus mentionnées.

232.        Considérant que plus il y aura un respect du plus grand nombre de ces critères, plus les clubs échangistes seront tolérés et moins ils dérangeront.

233.        Considérant qu’il serait injuste d’appliquer rétroactivement tous ces critères aux accusés du présent dossier puisque qu’ils sont eux-mêmes victimes du  « vide juridique » qui existait à l’époque et qui ne sera ainsi comblé que par le présent jugement qui tient compte d’un sondage qui n’a été fait qu’après que les accusations furent portées.

234.        Considérant qu’en quelque sorte, il s'agit de faire pour les échangistes ce qui a été fait pour les nudistes qui opèrent maintenant des camps naturistes dans un contexte et dans des circonstances qui n'outrepassent pas le seuil de tolérance de la société canadienne et contemporaine

235.        Considérant qu’il faut respecter le droit fondamental des accusés à la liberté d’association, de pensée et d’expression, conformément à la Charte canadienne des droits et des libertés.

236.        Considérant que l’ensemble de la preuve laisse planer un doute raisonnable quant à la culpabilité des accusés;

237.        Par conséquent le présent tribunal doit conclure pour :

237.1    déclarer les accusés non coupables et les acquitter;

237.2    ordonner à la poursuite de livrer immédiatement aux accusés ou à leurs avocats, tout ce qui a été saisi lors des  descentes policières;

237.3    ordonner à la poursuite soit aux avocats et la police, de remettre immédiatement  aux avocats des accusés toutes les photos, négatifs, disques compacts, vidéo, cassettes et toutes autres formes de captation ou de reproduction, afin que les avocats puissent s’assurer que ces éléments seront complètement détruits ou remis aux gens qui y apparaissent pour que personne ne puisse garder l’image de quelqu’un d’autre sans son consentement écrit.

 

 

MONTRÉAL, le vendredi, 12 mars, 2003, 

 

 

 

____________________

ME BERNARD CORBEIL,





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